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jeudi 15 avril 2021

L'AFFAIRE DU "MARIAGE DE RENTERIA" EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN 1856 (deuxième partie)

 

"LE MARIAGE DE RENTERIA" EN 1856.


En 1856, est jugée à Paris une affaire de mariage de Français à l'étranger.


pais vasco antes renteria guipuzcoa
PLACE DES FUEROS RENTERIA GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, le 26 juillet 1856 :



"Tribunal Civil de la Seine (1re Ch.) Présidence de M. Debelleyme. Audience du 23 juillet. 


Succession de M. J.-P. Pescatore. — Demande en compte, liquidation et partage de la Communauté et en délivrance de legs formée contre les héritiers, par Madame Veuve Pescatore. — Demande reconventionnelle en nullité du mariage contracté en Espagne par M. Pescatore et Madame Weber. — Conclusions du Ministère Public.



"...III. Sur la troisième question : Le mariage étant entaché de nullité, ce vice serait-il aujourd’hui couvert : 1° soit par des reconnaissances émanées des légataires universels ; 2° soit par la possession d'état qu'aurait eue la demanderesse ? 



Quant aux prétendues reconnaissances émanées des légataires universels :



Attendu qu’il est de principe que la reconnaissance ne peut produire d’effet que du jour où l’intérêt est né ;



Que, dans l’espèce, l’intérêt des défendeurs n’a commencé que du jour où ils ont connu par l’ouverture du testament leur qualité de légataires universels ;



Que les deux seules lettres adressées à Mme Weber depuis le décès de M. Pescatore et que l’on invoque pour constituer une reconnaissance du mariage sont antérieures à l’ouverture du testament ;



Attendu, d’ailleurs, que ces lettres émanent, l’une de Mme Poulmaire, qui n'est pas légataire universelle, mais simplement légataire à titre universel d'un usufruit ; l’autre de M. Munchen, qui n’est pas un des légataires, mais le mari d’une des légataires ;



Que ce n’est donc pas sérieusement que l’on cherche à trouver dans ces deux lettres une fin de non-recevoir contre les moyens développés au nom des défendeurs ;



2° quant à la possession d’état : 



Attendu, en droit, que la possession d'état ne saurait être invoquée, puisque, si l’on considère le mariage de Renteria comme un mariage régi par le Droit espagnol, il a été célébré par un prêtre incompétent, et si on le considère comme un mariage régi par le Droit français, il n’a pas été célébré publiquement en présence de l'officier public compétent ;



Attendu qu'il est de principe qu’un pareil mariage est nul, de nullité absolue, et ne saurait être couvert par aucune possession d’état ;



Attendu d'ailleurs que Mme Weber ne saurait invoquer aucun des faits qui constituent la possession d’état, qu’il est établi au contraire que sa situation dans la maison de M. Pescatore est restée au lendemain de la bénédiction nuptiale de Renteria ce qu’elle était auparavant. 



IV. Sur la quatrième question  : En admettant la nullité du mariage du 8 novembre 1851, Mme Weber peut-elle invoquer sa bonne foi pour faire produire audit mariage des effets civils à son profit ?



En droit,  

Attendu que l'erreur invoquée par l’un des époux pour établir sa bonne foi ne peut porter que sur des circonstances de fait, telles que, par exemple, des empêchements dirimants qu’il aurait ignorés, mais ne saurait être tirée d’une ignorance prétendue de la loi ;



Attendu que la bonne foi ne se présume pas chez celui qui enfreint la disposition de la loi (Merlin), et que l’on n’est de bonne foi aux yeux de la loi qu’autant qu'on a fait tout ce qu’elle prescrivait pour faire un acte légitime (nouveau Denisart) ;



Que ces principes tirés de l’ancien Droit canonique (concile de Latran, Clandestina desponsatione), admis par notre ancienne législation civile, sont passés dans notre Droit actuel ;



Qu’il est indispensable, pour l’existence du mariage putatif, que les formalités essentielles aient été observées ;



Que, sans l’accomplissement de cette condition, les époux n’ont pu croire qu’ils contractaient une union légale, attendu que la clandestinité exclut nécessairement la bonne foi ;



Que d’ailleurs un mariage entaché de clandestinité ne peut produire aucun effet, et que rien ne saurait couvrir ce vice radical ;



Qu’il n’y a pas, à proprement parler, mariage, puisqu’il n’v a pas eu de consentement légitime, et que ni le temps ni la bonne foi ne peuvent confirmer ce qui n’a jamais existé.



En fait

Attendu que Mme Weber n’est pas plus fondée en fait qu’en droit à prétendre qu’elle ignorait la loi française ;



Qu’il est impossible d’admettre que cette dame fixée en France depuis de longues années, ayant vu marier à Paris, en 1850, une de ses sœurs, ayant elle-même été sur le point de contracter à Strasbourg un mariage qui n’a été rompu qu’après l’accomplissement des publications légales, n’ait pas su qu’il existait en France un mariage civil et certaines conditions de publicité ;



Qu’il est également inadmissible que le cardinal archevêque de Bordeaux, qui a préparé le mariage religieux du 8 novembre 1851, et qui avant cette date avait souvent conféré avec la dame Weber, ait laissé ignorer à cette dame le véritable motif pour lequel un mariage de cette sorte ne pouvait être célébré qu’à l'étranger ;



Attendu qu’en prétendant qu’elle a été trompée et est restée dans l’erreur sur les conséquences de l’acte religieux de Renteria, Mme Weber accuserait l'homme dont elle revendique la fortune et le nom, de s’être rendu coupable à son égard de simulation et de fraude et lui donnerait pour complice Mgr de Bordeaux ;



Attendu que lors même que cette accusation odieuse ne serait pas repoussée par la vie tout entière de M. Pescatore et par le caractère du vénérable archevêque de Bordeaux, elle tomberait encore devant ce fait, qu’il est impossible de trouver l’intérêt qui aurait porté M. Pescatore à commettre la fraude qu'on lui impute ;



Attendu d'ailleurs qu’en 1851, Mme Weber n’était pas vis-à-vis de M. Pescatore une femme que son inexpérience laissait désarmée et n’était pas en France une étrangère sans défense ;



Attendu qu’elle avait déjà de nombreux amis dont le dévouement lui était assuré, qui l’assistaient de leurs conseils et de leurs lumières, et qui étaient parfaitement en état de l’éclairer sur la nature, la portée, la conséquence de l’acte qu’elle allait contracter à Renteria ;



Attendu que tous ces faits et ceux que nous avons signalés plus haut, tels que la tentative faite pour arriver à un mariage in extremis et l’insistance pour obtenir le testament du 8 décembre 1855, excluent toute bonne foi dans le sens légal de ce mot.



V. 



Attendu , du reste, que toutes les questions de validité du mariage, au point de vue canonique aussi bien qu'au point de vue civil, ne sont introduites dans le débat que par cette fiction de mariage civil sur laquelle repose tout entière la spéculation judiciaire que Mme Weber poursuit ;



Attendu qu’en réalité M. Pescatore et Mme Weber, lorsqu’ils allaient recevoir en Espagne la bénédiction nuptiale, n'avaient ni l’un ni l’autre la volonté de contracter un mariage de nature à produire des effets civils ; — que M. Pescatore avait l'intention de conserver à sa famille la plus grande partie de sa fortune, et qu’il a persisté dans cette intention jusqu’à ses derniers moments ;



Attendu que les faits qui ont été avancés par Mme Weber et qui semblent contredire la volonté dans laquelle, suivant les légataires universels, M. Pescatore a persisté jusqu’à sa mort, sont de tous points inexacts ;



Attendu notamment que le récit d’une scène qui, suivant Mme Weber, se serait passée autour du Lit du mourant, scène dans laquelle M. Pescatore aurait recommandé à ses parents Mme Weber comme sa femme légitime, et reproché à son frère Antoine de l’avoir empêché de faire les publications légales, est complètement controuvée.



Par ces motifs et autres à suppléer,  


Donner acte aux légataires universels de M. Jean-Pierre Pescatore de ce qu’ils persistent dans leurs précédentes conclusions signifiées par deux actes du 17 juillet 1856 et du 23 du même mois.


En conséquence, sans s'arrêter au prétendu acte de mariage du 8 novembre 1851, lequel, vu tant que de besoin, sera déclaré nul et de nul effet ;


Déclarer la dame Weber non recevable, en tous cas mal fondée dans sa demande en compte, liquidation et partage d’une prétendue communauté de biens qui aurait existé entre elle et M. Jean-Pierre Pescatore,


Et la condamner aux dépens ; 


Subsidiairement et pour le cas où le Tribunal ne se croirait, quant à présent, suffisamment éclairé ;


Donner acte aux concluants de ce qu’ils articulent, mettent en fait et offrent de prouver, tant par titres que par témoins, les faits suivants ;



Premier fait

Que, le 5 octobre 1851, Mgr l’archevêque de Bordeaux, se trouvant à Giscours, a engagé M. Pescatore à faire cesser la situation irrégulière dans laquelle il se trouvait vis-à-vis de Mme Weber, et, que M. Pescatore lui a répondu par un refus de contracter un mariage civil ; que M. Pescatore lui a donné pour motifs de son refus :

1° Qu’il redoutait la publicité, eu raison de ce qu’un grand nombre de personnes honorables fréquentaient sa maison dans la persuasion qu’il existait un mariage secret et qu'elles seraient blessées d'apprendre la vérité ;


2° Qu’il craignait de faire une chose pénible à sa famille qu’il affectionnait beaucoup ;


3° Qu’il ne voulait pas s’exposer aux obligations et aux conséquences auxquelles un mariage civil le soumettrait comme négociant ; qu’il fut convenu alors entre Mgr l’archevêque de Bordeaux, M. Pescatore et Mme Weber, que l’on se bornerait à un mariage religieux ; mais qu’un tel mariage n'étant pas possible en France à cause de la législation, on irait le contracter en Espagne, et que Mgr l’archevêque de Bordeaux se chargerait de tous les préparatifs nécessaires pour sa prompte réalisation.



Deuxième fait

Que le 28 octobre 1852, Mgr l’archevêque de Bordeaux a écrit à Mgr l’évêque de Pampelune une lettre pour lui recommander M. Pescatore, qui voulait ne s’unir que religieusement avec une personne demeurant avec lui depuis plusieurs années ; que cette lettre existait encore, le 6 février 1856, dans les mains de Mgr l’évêque de Pampelune, qui en a donné communication à M. Toutch, conseiller à la Cour suprême de Luxembourg, subrogé-tuteur des mineurs Pescatore, lui a permis de transcrire séance tenante sur son calepin le commencement de la lettre, notamment les mots ne s'unir que religieusement, et lui a promis de lui remettre une copie de la lettre entière s'il en obtenait, la permission de Mgr l’archevêque de Bordeaux, le tout en la présence de deux autres personnes ; qu’une traduction en espagnol de la lettre du 28 octobre 1851 a été envoyée le 4 novembre suivant par Mgr l’évêque de Pampelune à M. le curé de Renteria et se trouvait en la possession de ce dernier, le 17 janvier 1856, jour où il en a donné connaissance audit M. Toutch en présence de témoins ;



Troisième fait

Que, dans les premiers jours de novembre, 1851. M. Pescatore et Mme Weber sont partis de Giscours sans faire connaître leur projet à qui que ce soit, en prétextant une visite à M. O’Shea, banquier de Madrid, qui se trouvait alors à Biarritz ; que le seul domestique qui les accompagnait a été laissé, par eux à Biarritz pendant l’excursion de plaisir qu'ils allaient, disaient-ils, faire en Espagne ;



Quatrième fait

Qu’arrivés à Renteria, ils se sont immédiatement rendus dans la chambre du curé, où la bénédiction nuptiale leur a été donnée, et qu’ils n’ont passé en tout qu’une heure et demie à Renteria ; qu’après leur départ personne dans le pays, excepté le curé et le maître de poste, appelé comme témoin, n’a soupçonné ce qui venait de se passer ;



Cinquième fait

Que, rentrés à Giscours, après une absence de trois jours seulement, ils n’ont fait connaître à personne la cérémonie religieuse de Renteria, dont ne se doutait même pas le domestique ramené de Biarritz ;



Sixième fait

Qu’à son retour à Paris, Mme Weber a conservé dans la maison la situation quelle y avait auparavant et que, pendant un certain temps, elle a continué de porter le nom de Mme Weber ; qu’à une époque postérieur au mariage, Mme Weber, recevant les compliments d’une dame qui admirait les tableaux de la Celle Saint-Cloud, se servit de ces mots : "Vous avez bien mieux que cela, madame ; vous avez une position régulière et avouable ;" qu’à plusieurs reprises depuis la mariage Mme Weber a exprimé la même pensée ;



Septième fait

Que M. Pescatore et Mme Weber ont très bien à l’un et l’autre qu’il n'existait entre eux aucun mariage civil ; que dans les jours qui ont précédé la mort de M Pescatore et lorsqu’on s’est aperçu que sa fin était prochaine, des amis de Mme Weber ont fait des démarches, tant auprès de Son Excellence M. le garde-des sceaux, qu’auprès de l’adjoint du maire du 2e arrondissement pour faire conclure un mariage civil, in extremis et que le temps manquant même pour permettre une seule publication, on a songé à faire faire à M. Pescatore un testament en la forme authentique, pour augmenter les avantages qu’il avait précédemment faits à Mme Weber ;



Huitième fait

Que, dans la soirée du 8 décembre 1855, M. Pescatore fit relire son testament de 1853, qu’il parut d’abord trouver inutiles de nouvelles libéralités au profit de Mme Weber, et qu’il ne consentit aux dispositions contenues dans le testament dudit jour 8 décembre 1855, qu’à suite d'assez longs pourparlers au cours desquels Mme Weber s’était écriée auprès du lit du mourant : "Mais faudra donc que j’aille vivre dans une mansarde !"



Dire en conséquence que. faute par la demanderesse de dénier les faits ci-dessus, ce qu’elle est sommée de faire dans le délai fixé par l’article 252 du Code de procédure civile, les faits dont il s’agit seront tenus pour avérés.



Et ce sera justice.



H Péronné, avocat"



A suivre...




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