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jeudi 22 avril 2021

FONTARRABIE EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE PAR LE ROMANCIER PAUL PERRET EN 1882 (deuxième partie)

 

FONTARRABIE EN 1882.


En 1882, est publié le second volume des Pyrénées Françaises de Paul Perret.



pais vasco antes fuenterrabia
LIVRE LES PYRENEES FRANCAISES
PAR PAUL PERRET



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou le Moniteur universel, le 8 septembre 

1882 :


..."La façade de la cour est du 14e siècle. Il est probable que les assises en appartiennent à une antiquité bien plus respectable. Le premier château de Fontarabie fut construit par un roi de Navarre, au commencement du 10e siècle. C’était Sanche le Fort, grand vainqueur des Arabes ; il eut un fils qui ne dut lui ressembler guère, puisqu’on l’appela Sanche le Courbé ; il en eut un autre qui était droit, et il fit un roi de celui-ci, — de celui-là un comte. Or, le pays de la Bidassoa relevait du comté de Gascogne, apanage du "Courbé" ; sur les deux rives, la dynastie des Sanche était chez elle. Il n’en était plus ainsi au temps de Jeanne la Folle ; le bord espagnol de la rivière regardait en ennemi le bord français. La légende veut que Charles-Quint soit venu souvent au château de Fontarabie. Il y a bien des récits de cette royale vie toujours errante de Tolède ou de Burgos aux Pays-Bas, de Bruxelles ou de Gand en Allemagne, et des Etats allemands à Milan ou à Naples. La grandeur de Charles, faite de tant de royaumes divers n’était point de celle qui "attache au rivage" ; elle l'en détachait plutôt. Dans cette merveilleuse histoire, rien ne nous apprend qu'il aimât à vivre au bord de la Bidassoa ; l’aurait-il aimé, il n’en aurait pas eu le loisir. Il est probable que, s‘il résida jamais à Fontarabie, ce fut au temps de son enfance et de la reine Jeanne, aux côtés de cette mère tragique. 


fontarrabie 1902 pais vasco antes
FONTARRABIE - HONDARRIBIA 1902
PAYS BASQUE D'ANTAN



Au-devant du donjon, les pieds dans la rivière, est un bâtiment si lamentablement ruiné par les boulets d'Hendaye, qu'il n’est plus aisé d'en bien reconnaître l'époque et le style. Deux fenêtres croulantes semblent indiquer pourtant la fin du 15e siècle. Cette partie fut peut-être construite pour la pauvre reine insensée ; on la confinait loin de Burgos et de Tolède, loin des capitales espagnoles, dans ce beau désert, encadré par la montagne verdoyante et le fleuve bleu. Les guerres modernes ont éventré la noble demeure, toute remplie de dramatiques souvenirs. Est-ce à nous. Français, à nous en plaindre ? Les canons espagnols avaient commencé. 



Au reste, nous primes une jolie revanche du bombardement d'Hendaye. Il y eut un jour un jeune capitaine français qui réunit trois cents hommes — le même nombre justement que les Spartiates de Léonidas. 



Le détachement français débarque nuitamment sur le bord espagnol, contourne, puis gravit la montagne, hissant derrière lui quelques canons ; et qui fut étonné au petit jour ? Parbleu ! ce furent les Fontarabiens apercevant en l’air ces trois cents intrépides compagnons qui se préparaient à les foudroyer tout net. Les militaires étaient vexés, et comprenant l’inutilité de la résistance, ils ne voulaient pourtant point aller traiter de la reddition. Deux capucins furent envoyés en parlementaires.— Le capitaine Lamarque leur répondit qu'il était le maître, qu'il donnait une demi-heure à la ville pour capituler, sans quoi il l’écraserait d’abord, y entrerait après, et passerait au fil de l’épée tous les habitants, y compris les capucins. Il ajouta que c'était le droit de la guerre. On ne peut discuter sur la beauté de son action patriotique ; sur le droit, c’est peut-être différent. Fontarabie se rendit. Le capitaine Lamarque devint, comme on sait, un général en grande réputation ; il l’avait bien mérité. Les Français occupèrent le donjon pendant une semaine, puis se retirèrent. 



C’est bien l’image de la domination souveraine et le type de la force, que ce donjon superbe. La tour est carrée, appuyée sur des contreforts massifs ; les murs ont quatre mètres et demi, tout simplement, d’épaisseur. Les voûtes confondent le regard ; leurs croisements savants et indestructibles devraient faire le désespoir de nos architectes modernes. Nous avons élevé beaucoup de murs en carton, et ne leur avons pas pour cela donné plus de grâce, bien que la matière fût légère. Ces formidables voûtes forment deux étages, divisés ensuite en quatre à planchers supportant l’immense terrasse du faîte. Toute la construction a été conçue comme celle de notre Chambord, bien plus tard, en vue de la terrasse ; — pourtant, avec cette différence que l’on recherchait ici un lieu d’observation et, là-bas, une œuvre d'art. De celte plate-forme, large de quarante pas environ, longue de plus de cent, on découvre sur la mer Saint-Jean-de-Luz, Biarritz et l'embouchure de l'Adour à gauche, — à droite tout le cours de la Bidassoa, au-devant la triple ligne des monts et les vallées françaises. La vue n’est fermée qu’au couchant par la croupe du Jayzquibel, qui s’incline vers le cap du Figuier, se prolongeant en un barrage de roches jusqu’au port du Passage, que l’on rencontre plus loin, sur la route de Saint-Sébastien.



Sur la rive droite de la Bidassoa, rive française, les bois et les combes cultivées, les coteaux couverts de vignes se succèdent, formant un paysage d’une variété charmante. Des villas et des châteaux s’élèvent de toutes parts dans celte fraîche campagne. Malheureusement, il y en a qui la déparent. N’est-ce pas une chose étrange que le faux goût ose se produire même en ces contrées de montagnes et de mer, en face de tout ce que la nature offre de plus saisissant et de purement beau ? Voici un castel moderne, flanqué de tours, hérissé de clochetons, le chef-d’œuvre du style de pâtissier, l'horrible et lamentable imitation du gothique anglais. Il a de la réputation dans le pays ; il est entouré de superbes ombrages qu’il déshonore. Sur le bord même de la Bidassoa, j’aperçois un autre ouvrage du même genre, un second castel à dents aiguës, qui donne en effet l’idée d’un dentier ébréché. Quelle misère ! — Un peu plus loin, heureusement, sur ce même rivage d’Hendaye, voici les ruines d’un donjon. 



De la "terrasse de Charles-Quint", les yeux plongent naturellement dans la ville. La plate-forme du clocher de l'église est placée en contre-bas, comme on l’a déjà dit, mais le cocher lui-même la domine. Les débris de la vieille enceinte viennent se relier au château. On s’oublie à tous ces détails pittoresques ; on se prend à rêver, en suivant machinalement les méandres des grandes lierres qui couronnent toutes les crêtes des murailles ruinées. La végétation parasite est plus épaisse que partout ailleurs, sur la partie qui renferma les appartements royaux. La malheureuse reine Jeanne était conduite sans doute sur la terrasse, dans les beaux jours, épouvantant de ses cris inhumains les soldats cantonnés dans les salles du donjon, et les vigies qui guettaient en haut. Elle appela sans cesse , pendant vingt ans, cet ingrat Philippe, ce mari sans entrailles qui l’avait délaissée ; et depuis longtemps ce n’était plus que l’ombre du plus beau des hommes et du plus puissant des princes de son temps, qu’elle l’appelait encore. Cette orgueilleuse demeure était, d’ailleurs, la plus riante que l’on pût donner à une folle d'un tel rang dans le monde. Il n’était triste et ce n’était une prison que pour ses gardiens. 



Voyez-vous les soldats errant dans ces salles immenses et sombres, qu’éclairaient seulement des embrasures pratiquées dans la redoutable épaisseur de la muraille ? Celles de ces ouvertures dérisoires qui donnaient au nord, laissaient pourtant encore embrasser une admirable perspective sur les flots, quand on se glissait jusqu'à la meurtrière. 



D’une autre qui regarde l'ouest, on apercevait le flanc de la montagne, et, là-haut, à la cîme, le couvent de Nuestra senora de Guadalupe, qui renferme un sanctuaire vénéré ; mais il est probable que les soldats aimaient mieux chercher des yeux dans la ville les formes gracieuses qui se glissaient dans les rues sous la mantille noire. Les Fontarabiennes, issues des croisements du pur sang basque et du sang espagnol, ont encore la plus vive tournure et une finesse remarquable de traits. Je les ai admirées, un dimanche, gravissant les marches de l'église à l’heure des vêpres. Je n'ai pourtant point revu, comme à Saint-Jean-de Luz, de ces blondes aux yeux noirs et au teint doré, la plus rare variété de la race basque, et la plus belle."



 



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