LE RUGBYMAN ADOLPHE JAUREGUY.
Adolphe Jauréguy, né le 18 février 1898 à Ostabat (Basse-Navarre) et mort le 4 septembre 1977 à Saint-Jean-Pied-de-Port, est un joueur de rugby à XV du Stade Toulousain, capitaine de l'équipe de France.
ADOLPHE JAUREGUY |
Voici ce que rapporta à son sujet, le journal Jeunesse Magazine, le 20 août 1939, sous la plume de
Pierre Junqua :
"...L'erreur de Ramondou.
Après Soustre, voici Ramondou de Toulouse, surnommé Boulet-Rouge, à cause de ses colères que ses partenaires chauffaient à blanc.
LOUIS RAMONDOU STADE TOULOUSAIN 1913 1914 |
Un jour, à Brive, notre merveilleux demi d'ouverture Bioussa ne pouvait rien faire, parce qu’un grand rouquin lui tombait dessus, dès qu’il faisait mine de s'emparer du ballon. Alors, Bioussa se retourne vers nous et dit à l’oreille de Struc, en zézayant :
— Fais comprendre à Ramondou qu'il faut me l'arranger un peu, ce rouquin-là...
Une minute après, le Boulet-Bouge expédiait un rouquin les jambes en l’air : torsion rapide du bras gauche, compliquée d’un magistral coup de pied, un peu trop visible.
— Sortez ! rugit l’arbitre, sortez !...
Et il fallait entendre les gens de Brive :
— A la porte ! Conspuez-le ! A mort!...
Le brave Ramondou fait quelques pas vers la touche, puis se ravise, vient regarder sa victime étendue :
— Oh ! Milledieux ! s'écrie-t-il, en levant les bras vers le ciel. Je me suis trompé, j’ai assommé le mauvais !...
Il y avait, en effet, deux rouquins dans l’équipe de Brive ! "Précipitation, source principale d'erreurs," disait déjà Descartes, dans son Discours sur la méthode.
Les blessures de Lubin.
MARCEL-FREDERIC LUBIN-LEBRERE |
On ne pourrait terminer l’étude du livre de Jauréguy sans parler de Lubin, cet avant toulousain, d’une taille et d’une force plus qu’humaines, et dont la conscience de rugbyman et l’amour des couleurs étaient tels qu’il s’encourageait lui-même en enfonçant la mêlée adverse : Pousse, Lubin, pousse ! Ah ! que nous sommes malheureux, que nous sommes malheureux !
L’histoire de la blessure de guerre de ce grand gaillard, franc comme l’or, était belle à écrire. Ainsi la raconte Jauréguy par la bouche de Lubin :
" — L’attaque ! Les obus ! boum ! barraoum ! la mitrailleuse: tac ! tac ! tac ! et puis, tout à coup, un 210 me jette en l’air et je retombe dans un grand trou. Je me rends compte, malheur ! que j'ai un genou blessé et un œil crevé. Pas tout de suite, quand je suis revenu à moi. Mais j’ai dû rester plusieurs heures "dans les pommes", comme nous disons, dans le Midi. Alors, je me dis : "Mon pauvre Lubin, tu es joli ! Déjà tu n’étais pas beau avant, et maintenant tu as un œil de moins et une jambe qui, peut-être, va rester raide. Et les copains, où sont-ils ? Il ne manquait plus que ça pour finir : tu es entre les lignes, mon pauvre vieux ! Lubin, Lubin, ça va mal, mais il faut rentrer en France ! Il ne faut pas crever ici !
J’avais perdu beaucoup de sang et je me repose une minute. Puis, je me crie à moi-même: "Lubin, il faut que tu rentres en France !" Et je m’appuie sur ma baïonnette pour me relever. Pan ! Une balle dans les fesses. Trois fois je me relève et trois fois une balle me troue les fesses. Si ça continue, Lubin, tu auras les fesses comme une écumoire et tu seras toujours ici ! Allons, Lubin, debout ! Debout, je te dis : il faut que tu rentres en France !
Je me suis donc levé tout à fait et la mitrailleuse a parlé en m’envoyant, pauvre Lubin ! dix-sept balles à travers le corps ! Tu comprends, j’étais visé !"
Le plus beau, dans cette histoire de guerre, c'est qu'elle est rigoureusement vraie. Les balles ennemies ont transpercé Lubin, sans lui enlever la vigueur légendaire, son optimisme débordant. Son œil crevé l'empêche de voir ce qu’il peut y avoir de sordide, de malpropre, d’égoïste et de vil, dans le train des choses humaines. Son bon œil lui reste pour voir des choses enjolivées, convenablement présentées, sous l’aspect le plus sympathique, et Lubin s’en va, dans la vie, en souriant à tout le monde.
Qui veut jouer avec moi ? se lit trop vite, tant on est pris par le récit.
ADOLPHE JAUREGUY |
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