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dimanche 25 avril 2021

L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JANVIER 1950 (quatrième partie)


L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN 1950.


En 1950, une affaire étrange défraie la chronique à Biarritz.



faits divers biarritz 1950
MONIQUE DA SILVA




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Qui ?, le 30 janvier 1950, sous la plume de Marcel 

Carrière :



"A Biarritz, reconstitutions et confrontations n'ont guère démêlé l'imbroglio de la Villa Fazenda.



Biarritz et Bayonne (de nos env. spéciaux). 



Le tragique accident qui a causé la mort de Monique da Silva dans la nuit du 2 au 3 octobre 1949 est devenu, à la suite d'une enquête préliminaire hâtive, d’expertises médicales aux résultats confus, l’affaire Joas Da Silva.



Un homme est gardé en prison depuis le 30 décembre, parce qu’il a assisté à l’agonie de sa femme. Si nous ne vivions en 1950 dans un pays qui passe pour être celui de la raison et du bon sens, je pourrais me laisser aller à l’ironie.



Car, enfin, et une fois pour toutes, où veut-on en venir ?



Prouver la culpabilité de Joas da Silva



Des mois d’enquêtes que je sais être sérieuses, connaissant la conscience professionnelle de toutes les personnes chargées de les mener, d’innombrables auditions de témoins et des rames de rapports n’ont, en définitive, pas plus amené au moulin de la justice que ce qui y était aux premières heures de son déclenchement.



Rien, depuis le refus du permis d’inhumer du médecin d’état civil Thévenin, n’est venu nourrir d’une preuve massue le dossier du juge d’instruction Pech. Ce jeune magistrat (il ne se déplace, sportivement, qu'à bicyclette), dont il faut louer d’ailleurs une obstination qui restera légendaire, a passé ses jours et ses nuits à justifier par des faits une conviction née d’une impression première.



pays basque 1950 faits divers
M PECH MAX JUGE D'INSTRUCTION
AFFAIRE DA SILVA BIARRITZ 1950




Loin de moi l’idée d’engager une polémique qui n’a pas sa place dans le cadre de Détective. journal objectif au premier chef. Mais, encore une fois, qu’on m’apporte les preuves absolues de la culpabilité de Joas da Silva, et j’acquiescerai de bonne foi à l’évidence.



Il est écrit dans l’article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (nul n’est censé ignorer la loi) :

Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Or, la loi ne prescrit l’arrestation d’un individu présumé coupable d’un crime ou d’un délit que lorsqu’elle peut administrer la preuve de cette culpabilité.



Dans l’affaire da Silva, les juges de la Chambre des mises en accusation de Pau, chargés de se prononcer sur la mise en liberté éventuelle du présumé coupable, ont si bien senti, à travers les mille cotes du dossier, la fragilité de l’édifice ainsi construit qu’ils ont qualifié de possibilité de crime ce qui était, aux yeux de M. Pech, un homicide volontaire.



Ce n’est certes pas un désaveu. C’est un aveu d’incertitude. Or, l’incertitude, en justice, n’est pas admise.



Il peut sembler fastidieux de ratiociner ainsi sur la notion de justice. Quant à moi, je ne le pense pas. La liberté d’un homme est un bien trop précieux pour qu’on ne la défende pas, chaque fois qu'elle est en péril.



Joas da Silva, à mes yeux, est un symbole.



Certains partisans de sa culpabilité m’ont reproché : 

— S’il s’agissait d’un clochard et non d’un milliardaire, vous ne le défendriez pas avec cet acharnement.



Outre que je ne connaissais pas ce jeune Brésilien avant d’avoir vu son nom pour la première fois dans un journal qui n’est pas le mien, j’ai trop de respect à la fois de la liberté individuelle et de la justice pour faire une différence entre celui qui est béni par le destin et celui qui ne l’est pas. 



Qu’importent, à tous ceux qu’anime seul le souci de la liberté individuelle, les titres et l’argent ! Un homme est un homme, et un innocent un innocent. Si Joas da Silva Ramos, propriétaire, s'était appelé Durand, clochard, et qu’il ait été accusé, du même crime, il nous eût trouvé, ici, dans le même cas, prêt à le défendre.



Nous l’avons déjà prouvé avec les affaires Vayrac, Seznec, Cadorne, entre autres.



Il s’agit, en cette affaire, non d’une question l'ordre particulier, mais d’ordre général. Je suppose que, demain, un individu, quel qu’il soit, d'où qu’il vienne, à quelque milieu qu’il appartienne, soit placé, à la suite d’un concours de circonstances semblables à celles de la villa Fazenda, dans une "possibilité de crime" : quel législateur pourra me dire, textes en main, avec la précision requise en la matière, où s’arrête la possibilité et où commence le crime ?



C’est dans cette imprécision des attendus du jugement de Pau que j'irais chercher des raisons de croire à l'innocence de Joas da Silva, si les faits, par ailleurs, ne venaient renforcer cette conviction. Grâces en soient rendues à des magistrats que ne sont pas venues troubler des influences extérieures à la justice pure !



Pendant trois semaines, l’instruction — c'était son droit — a donné aux journalistes des dates fantaisistes et contradictoires de la reconstitution qu’elle se proposait de faire.



Le grand jour attendu est enfin venu, le mardi 24 janvier à 9 heures, alors que tout le monde croyait encore à une manoeuvre destinée à dépister ceux dont le métier est d’informer.



Une pluie glacée tombait lorsque arriva la voiture accompagnant Joas da Silva sur les lieux de ce que beaucoup continuent à considérer comme les lieux du crime. Puis les lourds vantaux de bois du portail de la Fazenda se sont refermés sur les trente-deux représentants de la presse mondiale.



La reconstitution à huis clos venait de commencer. Force nous était de ne contempler, pendant de longues heures, que des murs derrière lesquels, en principe, il se passait, quelque chose.



En réalité, il ne s'est rien passé, si ce n’est que deux des témoins des événements de la nuit du 2 octobre se sont trouvés en contradiction : le docteur Benoist et Mlle Maud Gresbelin.


pays basque 1950 faits divers
MLLE GRESBELIN MAUD
AFFAIRE DA SILVA BIARRITZ 1950



pays basque 1950 faits divers
DOCTEUR BENOIT
AFFAIRE MONIQUE DA SILVA BIARRITZ 1950




L'accusation ne peut donc plus, aujourd’hui, que s’appuyer sur ces deux témoignages humains pour étayer sa thèse. On connaît la fragilité de ce genre de témoignages.



Mlle Maud Gresbelin, dont on ne saurait suspecter la sincérité, a déclaré :


— A 21 h. 30, les da Silva montent dans leur chambre. J’ai dit à l’instruction que j’avais entendu un murmure confus de conversation provenant de leur chambre au premier étage. Je me suis trompée. Je reconnais aujourd’hui que ce bruit provenait du rez-de-chaussée,



C’est ce que Joas da Silva n’a cessé d’affirmer depuis qu’il est interrogé.



Mlle Gresbelin a continué : 


— A 2 h. 22, j’ai entendu un bruit provoqué par la chasse d’eau de la salle de bains. Puis M. da Silva est venu frapper à ma porte et, à 2 h. 25, je suis entrée dans la chambre et j’ai vu Mme da Silva étendue sur le tapis.



Joas n’a jamais dit autre chose. 



Mlle Gresbelin poursuit son récit :  


— M. da Silva et moi avons soulevé Monique et l’avons placée sur le lit. M. da Silva a téléphoné au docteur Benoist qui est arrivé à 2 h. 45. Le docteur sort des ampoules en vrac de sa poche et fait une piqûre intraveineuse de sulfate de strychine. A 3 h. 30, il s’en va, non sans avoir recommandé à Manoël Aizpuru, le gardien de la Fazenda, d’aller chercher dans une pharmacie de la caféine, du solucamphre et un ballon d’oxygène. En nous quittant, il déclare : "Ça va mieux. L’état comateux peut durer longtemps encore." A 6 h. 40, le pouls de Mme da Silva devient "fuyant", son teint cireux. Joas s'alarme et téléphone lui-même au docteur Benoist. Celui-ci revient à 6 h. 55. Monique était morte depuis environ cinq minutes. Le docteur fait une seconde piqûre de strychnine, puis appelle le docteur Leroy, qui arrive à 7 h. 10 et fait une piqûre intraveineuse d’adrénaline.



Mlle Maud Gresbelin maintient cette déposition. De son côté, le docteur Benoist maintient les siennes avec autant de force. Il m’a reçu chez lui et et ce sont ses propres paroles que je reproduis :


— J’arrive à la Fazenda à 2 h. 45. Après que M. da Silva m’eut affirmé que sa femme venait de prendre quatorze comprimés de Seconal et constaté par moi-même qu’il n’y avait aucun autre symptôme d’empoisonnement, j’ai entrepris le traitement approprié, la strychnothérapie. J’affirme de toutes mes forces qu’aucun signe d’empoisonnement par la strychnine n'était visible sur le corps de Mme da Silva. J'ai téléphoné, entre 3 h. 30, heure de mon départ, et 6 h. 15, heure de mon retour à la villa Fazenda, pour demander des nouvelles. Quand je suis revenu, Monique da Silva n'était pas morte. J’ai fait une deuxième piqûre à 6 h. 30.



Ainsi, la principale contradiction entre Maud Gresbelin et le docteur Benoist repose sur l’heure de retour à la Fazenda du docteur. La première dit 6 h. 55 ; le second, 6 h. 15.



En supposant qu’aucun de ces deux témoins ne revienne sur ses déclarations, il demeure qu’en aucun de ces cas la preuve a été administrée d’un mensonge de Joas da Silva. L’accusé n° 1 de cette affaire n’en est, en somme, que le témoin n° 1, et un témoin de bonne foi puisque, dans ses successives dépositions, on n’a pu encore enregistrer la moindre contradiction. Au fur et et à mesure qu’il était interrogé, Joas n’a pas hésité à donner les précisions qu’on lui demandait.



Et que peut-on lui reprocher, aux yeux de la loi, si deux des autres témoins de la mort de sa femme sont en contradiction ?



Je suis persuadé que l’homme dont on a voulu faire l’empoisonneur le plus subtil et le plus démoniaque de ce siècle franchira le seuil de la Villa Chagrin lavé de tout soupçon.



J’en suis persuadé parce qu’il y a encore, en France, pas mal de gens qui savent distinguer un crime d’un accident."



A suivre...


 

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