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vendredi 26 février 2021

L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JANVIER 1950 (deuxième partie)

 

L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN 1950.


En 1950, une affaire étrange défraie la chronique à Biarritz.



pays basque autrefois faits divers
LES MARIES DE FAZENDA BIARITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Qui ?, le 16 janvier 1950, sous la plume de Marcel 

Carrière :



"L'imbroglio de la Villa Fazenda.



Détective reconstitue le dernier jour de Monique Da Silva et, seul, entend M. De Paladines, témoin principal.



Biarritz et Bayonne (de nos envoyés spéciaux). 


Pendant dix jours, l'affaire da Silva n’a plus été qu'une bataille d’avocats. Parties civiles et défenses se sont affrontées en des luttes courtoises, mais acharnées.


Dans les sombres escaliers du Palais de Justice de Bayonne, qui vit défiler, au temps des scandales Stavisky, tant de robes célèbres, c’est de nouveau l’agitation des grands jours. Une agitation qui ne soulève aucun bruit : les portes se ferment devant les journalistes. Procureur, juge et policiers se retranchent derrière un mutisme agressif. Le palais de l’éloquence est devenu le palais du silence.



Nous avons abandonné, sur la pointe des pieds, cette maison du mystère et avons rejoint les hauteurs ensoleillées de Biarritz où, derrière son rideau de pins, dort, portes et volets clos, la Fazenda, la villa rose où mourut, une nuit d’octobre, la jeune et jolie Monique da Silva.



Il est naturel que l’accusation et la défense, toutes deux au service de la vérité, usent des armes que leur procure la loi mais, derrière la muraille de paperasses qui, chaque jour, s’épaissit un peu plus, il y a un homme enfermé qui se dit innocent. Cet homme demande que la lumière soit faite sur son cas. Il en a le droit absolu. Or, il semble qu’il y ait eu, dans l’enquête menée immédiatement après le déclenchement de la justice, des "trous" qui auraient dû être comblés depuis longtemps. De ce fait, le commissaire Pourtant, de la 1re Brigade mobile, a hérité d’un dossier incomplet. En la matière, le temps perdu ne se rattrape jamais.



Nous nous sommes efforcés, au cours d'une enquête personnelle, de "colmater" ces brèches dans l’emploi du temps de Joas et de Monique, dans la journée du dimanche 2 octobre. En effet, le comportement de Joas da Silva dans les heures qui précédèrent la mort de sa femme, s'il ne constitue pas en soi une preuve décisive, n'en fournit pas moins des indications susceptibles de placer les vedettes de ce drame dans leur véritable climat.



Un dimanche comme les autres.



Comme tous les dimanches, Monique et Joas que ses intimes appellent Jonsine — partent pour l’église à 10 heures et demie. Jonsine, très pieux, n’a jamais manqué un office. Il suit la messe dans un missel. Ce n'est pas un figurant mondain, c’est un véritable croyant. Monique, près de lui, dans sa robe claire, est plus distraite. La veille au soir, une discussion les a dressés l’un contre l'autre. Sous les voûtes de Saint-Martin, cette même église où ils se marièrent le 7 juillet 1947, le couple le plus riche de la paroisse revit peut-être ce jour de fête.



Chacun peut les voir à la sortie de la messe. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont heureux. Jouent-ils, pour la galerie de leurs amis et les curieux, la comédie du bonheur ? Pourquoi l'imaginer ?



A 12 h. 30, ils s’asseyent à une table du Sonny's Bar. C'est là où le Tout-Biarritz, avant le déjeuner, vient échanger les. derniers potins de la fin de saison. Monique commande un jus de fruit. Ils ne s’attardent pas et, à 13 heures, ils quittent le bar. Ils invitent à la Fazenda un de leurs meilleurs amis, M. d’Aurelle de Paladines, un jeune homme qui connaît Jonsine depuis toujours. Le repas est gai. On échange des souvenirs de vacances. Monique parle de sa petite Paméla ; Jonsine, de son dernier séjour au Brésil. Il aime les 1 400 hectares de sa Fazenda, perdue en pleine brousse, à 172 kilomètres de Rio-de-Janeiro où il s’occupait spécialement des relations commerciales avec les acheteurs. Monique n’écoute plus. Elle déteste, elle, la mondaine, tout ce qui touche à cette exploitation fermière. Les mots café, vaches laitières. maïs, riz, porc sonnent à ses oreilles comme autant d’incongruités. Les deux hommes passent au fumoir. Pendant que Maria Aizpura, la cuisinière-servante, dessert la table, tous trois s'installent dans des fauteuils. Jonsine offre un cigare brésilien à d’Aurelle de Paladines.


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SONNY'S BAR BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


— Veux-tu un verre de cognac ? Maria apporte une bouteille au fond de laquelle il ne reste même pas de quoi emplir un verre. Jonsine s'en étonne.



A 14 h. 20, Jonsine et de Paladines prennent congé de Monique. Ils se rendent au terrain de golf ; c'est, avec le ski, le sport préféré de da Silva. On l’appelle même, dans Biarritz, le "monsieur du golf". A 14 h. 45, ils pénètrent sur le link, accompagnés de M. Poulliat, le caddie-master (chef des caddies). Une partie s'engage qui ne se termine qu'à 18 h. 15. La nuit est presque tombée. Da Silva, au vestiaire, a fini de se changer et converse avec ses amis quand, à 18 h. 45, on lui annonce que Monique vient d'arriver. Sans attendre, il quitte tout le monde et se précipite au-devant de sa femme. Il lui donne le bras et tous deux, souriants, se promènent un instant dans les jardins. D’Aurelle de Paladines vient les rejoindre. Monique exprime le désir de manger. D'Aurelle va lui chercher un sandwich au bar.



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M POUILLAT CHEF DES CADDIES BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



A 19 h. 30, ils se retrouvent assis, de nouveau, à une table du Sonny's. Monique boit un jus de fruit. A 20 heures d’Aurelle les quitte sur le seuil du bar. Monique et Jonsine sont souriants comme tout au long de cette journée qui s'est passée semblable à tant d'autres.



pays basque autrefois bar
SONNY'S BAR BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous avons retrouvé M. d’Aurelle de Paladines au golf, à l'endroit même où il vécut, en compagnie de ses amis, ce dimanche qui devait si mal finir. Ce témoin n’a jamais reçu la visite de quelque policier que ce soit. Il aurait cependant été intéressant que les déclarations qu’il nous a faites à nous-mêmes fussent versées au dossier.


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GOLF BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



— Pendant toute cette journée du 2 octobre, je peux affirmer qu’à aucun instant Monique et Jonsine ne m’ont paru différents des autres innombrables fois où je les ai rencontrés. Je connais Jonsine depuis son plus jeune âge et je sais que, malgré sa pudeur sentimentale naturelle. il n’aurait pu me dissimuler les tourments de son cœur. Et ce calme, ce sang-froid avec lesquels il a fait sa partie de golf, un sport qui demande une grande concentration, sont-ils les marques d’un homme bouleversé par les révélations intimes de sa femme ? Le lendemain, à midi, j’ai revu Jonsine. Il était effondré. Non ! sa douleur n’était pas feinte. Il m’a dit : "Monique a pris trop de somnifère." Il était au bord des larmes. Pas une seule fois, il n’a parlé de suicide. Il répétait sans cesse : "Un accident médical. C’est affreux." Il implorait le docteur : "Peut-être qu’elle n’est pas morte. Je vous en supplie, faites quelque chose". Il me parlait aussi de Paméla, des sanglots dans la voix.



Ainsi. M. d’Aurelle de Paladines, par ces déclarations d'une sincérité qui ne saurait être mise en doute, nous donnait de Joas da Silva un portrait qui est loin de ressembler, à celui d'un empoisonneur.



Les trois énigmes.



Je ne passe pas volontairement sous silence tout ce qu’il peut y avoir de contradictoire dans son attitude, ni les mensonges qu’il semble avoir accumulés à plaisir contre lui-même. Il faut que la mort de Monique soit expliquée et ce, malgré les silences du prisonnier de la Villa Chagrin.



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DA SILVA SORTANT DE LA VILLA CHAGRIN BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous nous trouvons, en définitive, devant trois points à éclaircir : 1° la lettre écrite par Monique à son cousin Hermano ; 2° les 350 cmc. d’alcool trouvés au cours de la seconde autopsie ; 3° les causes exactes qui ont déterminé la mort de Monique.



En toute objectivité, nous ne saurions sortir de là. Tout le reste appartient au domaine de l'hypothèse ou de la fantaisie ; c'est un domaine où la vérité n'a rien à faire.



I.- La lettre


Evidemment, nous nous heurtons, dans le premier de ces cas, au secret de l’instruction. Nous savons, mieux que quiconque, qu'un juge est maître absolu de son dossier. Mais, devant l'ampleur prise par cette affaire, il ne serait pas inutile que tous ceux qui, aujourd’hui, s’obstinent à jeter quelque lueur sur ce mystère ne déformassent point les termes exacts de cette lettre qui représente, en somme, le testament sentimental de Monique da Silva.



Or, de l'aveu même du destinataire, Hermano da Silva, cette lettre ne ferait que représenter un argument de plus pour l’innocence de Joas.



Nous savons que Monique a été très réservée dans sa rédaction. Elle raconte qu’elle a signifié à Joas son intention de rompre et que celui-ci a pris très calmement la chose, ne réclamant, en contrepartie de son amour perdu, que la garde de sa petite Paméla, qu’il adore.



Il reste à expliquer comment elle a pu être postée, et par qui.



A trois cents mètres de la Fazenda, avenue de Verdun, est scellée, dans le mur du Castel Cavadonga, la boîte aux lettres la plus proche du domicile des da Silva. Elle se trouve sur le chemin du terrain de golf. C'est cette route qu'empruntaient depuis toujours les da Silva pour s'y rendre.


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BOÎTE AUX LETTRES AVENUE VERDUN BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Dimanche 2 octobre, Joas parti avec d’Aurelle de Paladines, Monique rédige la lettre. Elle a quatre heures et demie devant elle pour le faire. A 18 h. 30, elle quitte la villa, elle jette la lettre dans la boîte et, à 19 heures, elle retrouve son mari au golf.



La lettre porte le cachet du lundi 3 octobre, 11 h. 30. Pour la simple raison que, dans ce quartier éloigné du centre de Biarritz, il n'y a pas de levée le dimanche.



II.- L’alcool.


C’est le fait 1e plus précis de cette affaire : les médecins, après un examen des lamelles sanguines, ont déterminé d'une façon formelle la quantité d'alcool absorbée par Monique : 350 cmc.



Da Silva déclare que, dans les heures qui précédèrent la mort de sa femme : 1° Monique n'a pas bu en sa présence ; 2° Monique ne l’a pas quitté ; 3° Il n'y avait pas de bouteille d’alcool dans la maison.



Or, Monique a bu. On n’ingurgite pas de force de l'alcool dans le gosier d’une femme vivante. Donc, elle l'a fait soit en la présence de son mari, soit en son absence. C'est dire que da Silva ne dit pas la vérité sur le premier point, ou sur le second. Ou elle a bu devant lui, ou elle l’a quitté pour boire.



On a vu, par le témoignage d’Aurelle de Paladines, qu’il ne restait qu’un fond de bouteille de cognac à midi, le 2 octobre. Donc, il faudrait supposer que da Silva n’a parlé d’alcool à la fin du repas que dans le but de susciter un témoignage. Or, l’invitation d’Aurelle de Paladines a été faite le matin même, au hasard d’une rencontre.



D’autre part, on a émis l’hypothèse que Joas aurait fait boire de l’alcool à sa femme pour lui faire avouer ses relations avec Hermano. Supposition évidemment séduisante qui expliquerait tous les mensonges de da Silva. Mais Joas, depuis le 1er octobre, est au courant de son infortune, de l'aveu même de sa femme, puisque, dans la lettre postée le 2 octobre, il y a ces mots : J’ai tout avoué a Joas. Ce qui corrobore ce que nous affirmions plus haut.



Il demeure toutefois que da Silva ment sur un des deux premiers points. Nous pouvons en déduire qu'il dit, sur un des deux, la vérité. Il croit qu'il n’y avait pas de bouteille dans la maison, parce qu’on lui a caché cette bouteille. Et comme (il faut insister sur ce point), on ne peut forcer physiquement personne à boire, il faut bien admettre que c'est à l'insu de son mari et volontairement que Monique a bu les 350 cmc. d'alcool.



III.- Les causes de la mort.


Il se passe une chose étonnante, dans cette affaire, c’est qu'un homme est accusé d'avoir volontairement donné la mort, alors qu’on ignore tout de la façon dont cette mort a été donnée.



Les seuls faits précis recueillis sur les causes de la mort de Monique da Silva sont des faits négatifs. Je ne pense pas que ces derniers aient jamais constitué une preuve.



Les trois comprimés de Seconal Sedico trouvés dans le corps de Monique ne peuvent avoir causé la mort : c’est une certitude absolue, médicalement irréfragable. Il n’est pas inutile de le répéter car, dans les mille séductions des hypothèses, on oublie qu’en matière criminelle, lorsqu’on possède un cadavre et deux rapports d’autopsie, même un mobile apparent ne suffit pas : il faut apporter une preuve.



Or, où est la preuve que la mort de Monique n’est pas accidentelle ?



Le corps humain est loin, malgré tous les progrès de la science, d'avoir livré tous ses secrets. Quel savant, quel médecin, quel expert pourrait dire, sans risquer de se tromper, que telle dose de médicament ajouté à telle dose d’alcool en telles circonstances dans tel organisme ne peut provoquer la mort sans que la science en puisse donner l'explication ?



Monique da Silva n'a pas été tuée par le Seconal, pas plus que par l’alcool.



Le docteur Benoist entendu, il a été déterminé catégoriquement que les doses de strychnine injectées à Monique n'ont pas dépassé 9 milligrammes 5. Or, la strychnine ne devient mortelle pour un adulte qu’à partir d’une injection massive de 12 centigrammes 5.



Ainsi, voici définitivement écartée l’hypothèse d'une mort par accident thérapeutique.



Il y a, par ailleurs, ce nombre de 14 comprimés que da Silva dit avoir été absorbés par Monique. Il en a donné lui-même l’explication.



— J'ai acheté ce tube de 40 comprimés à Rio. J’en ai pris un pendant le voyage et un autre peu après mon arrivée. Monique, de son côté, en a pris deux avant le 1er octobre. Après sa mort, j'ai compté le nombre de comprimés contenus dans le tube : il en restait 22. Donc, elle n’avait pu en absorber que 14.



Quand, le lundi 9 janvier, à 17 h. 30, dans la cellule 22 de la Villa Chagrin, la prison de Bayonne, Joas da Silva Ramos apprit, de la bouche d'un de ses avocats, Me Laxague, que sa mise en liberté provisoire était refusée par M. Max Pech, juge d’instruction, il ne se départit pas du calme qui l’habite depuis qu’il a été arrêté.



— C’est dur. Mais je saurai être courageux. 



Puis il demanda, presque timidement, des nouvelles de sa fille, Paméla.



Paméla, l’enfant ignorante du drame effroyable qui déchire sa famille : Paméla, la troisième victime du tragique imbroglio de la Fazenda."



A suivre...




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