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vendredi 12 février 2021

LES CHANTIERS INDUSTRIELS ET MARITIMES DE L'ADOUR AU PAYS BASQUE EN 1927 (deuxième et dernière partie)

LES CHANTIERS INDUSTRIELS ET MARITIMES DE L'ADOUR EN 1927.


En 1927, une polémique survient à Bayonne au sujet de terrains municipaux vendus à une société financière privée.



pays basque autrefois port adour
APPONTEMENT DE BLANCPIGNON ANGLET
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, dans son 

édition du 7 mars 1927 :



"Les Chantiers Industriels et Maritimes de l’Adour. 



Une nouvelle lettre de M. Castagnet ; Une communication du Conseil Municipal de Bayonne.



Dans la lettre qu’il nous écrivait, il y a quelques jours, à propos des conventions intervenues entre le Conseil municipal de Bayonne et les Chantiers industriels et maritimes de l’Adour, M. Castagnet, ancien maire de Bayonne, mettait en cause M. de Lesseps. Celui-ci a donc répondu dans une lettre que nous avons publiée à son tour. M. Castagnet vient de nous écrire à nouveau : 



Monsieur le Rédacteur en Chef, 



Comme suite à ma lettre du 25 février adressée à M. le Maire et à MM. les conseillers municipaux de Bayonne, votre journal a publié une réponse de M. de Lesseps. Je vous serais très obligé de vouloir bien insérer la mise au point suivante : 



 1° Je n'ai pas, comme ancien maire de Bayonne, à engager de polémique avec des tiers ayant traité avec la ville. 


2° J'ai critiqué la gestion de mes successeurs comme c'était mon droit et aussi mon devoir le plus strict. J'attends eux la réponse à mes précisions. Je ne manquerai pas d'y répondre à mon tour et s'ils veulent prendre à leur compte pour leur défense, les affirmations de M. de Lesseps, j'en serai fort aise. Je n'aurai, soyez en assuré, aucune peine à les réfuter. 


3° J'espère que mes successeurs à la mairie ne laisseront pas au seul soin de l'acquéreur des terrains de Blancpignon, la justification de l'excellente opération qu'il a pu réaliser. 

Les intérêts de la Ville ont-ils été, en la circonstance, défendus comme il convenait ? 

Toute la question est là. 

La parole est à ces messieurs. 



Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur en Chef, etc... 


M. Castagnet, 

Ancien Maire de Bayonne, Député des Basses-Pyrénées. 


GABRIEL PROSPER CASTAGNET
DEPUTE BASSES-PYRENEES 1927



Or, à peine la lettre de M. Castagnet nous était-elle parvenue que nous recevions la communication suivante du Conseil municipal de Bayonne :



Le Conseil municipal a examiné très attentivement la lettre ouverte publiée par la presse, qui lui a été adressée par M. Castagnet, ancien maire de Bayonne, et il a décidé de lui envoyer la réponse suivante par la même voie : 



Si M. Castagnet était réellement convaincu que des irrégularités ont été commises dans l’affaire de Lesseps ou que les intérêts de la ville n'ont pas été sauvegardés, il lui appartenait d’user du droit que la loi confère à tout citoyen. Il devait, sous sa propre responsabilité, formuler ces protestations motivées dans une instance régulièrement engagée, soit devant la justice pénale pour lui demander la répression des faits incriminés, soit devant la juridiction administrative pour obtenir l'annulation ou le redressement de délibérations ou d’actes soi-disant contraires aux intérêts de la Ville. 



Ce rôle convenait à un ancien maire de Bayonne, soucieux de veiller à la bonne gestion municipale, en même temps qu'à sa propre dignité, bien plus que la manifestation tapageuse à laquelle il s'est livré inconsidérément. 



Sans s'arrêter au ton et aux procédés de polémique employés par lui, le Conseil Municipal a porté toute son attention sur les critiques contenues dans la lettre publiée au sujet de l'affaire de Lesseps. 



En ce qui concerne l’origine du contrat liant la Ville à M. de Lesseps, certains reproches ont un caractère véritablement enfantin et indiquent une incompréhension complète du Droit administratif ou civil, et même des principes de l'arithmétique la plus élémentaire. 



C'est ainsi que M. Castagnet se plaint que l'élection de domicile ait été oubliée dans le contrat, alors qu'aux termes du droit commun, la situation de l'immeuble détermine le domicile et la compétence des tribunaux. L'élection de domicile dans les promesses de vente était due purement inutile. 



Il s’étonne en outre du taux de location de 4 pour 100 qu’il déclare manifestement inférieur au loyer de l'argent à l'époque, oubliant qu’il ne s’agissait pas d’un prêt de somme, mais d’une location de terrains incultes, très accidentés, en nature de pignadars, les pins, seuls produits du sol restant à la Ville au double point de vue de la propriété et de la jouissance. L’occupation de ces terrains fixée à 4 pour 100 du prix constituait une rémunération plus que suffisante pendant la guerre. 



La même évaluation d'ailleurs avait été acceptée par la commune d’Anglet, en ce qui concerne la location des terrains à M. de Lesseps. 



Par ailleurs, les terrains immédiatement voisins que la Ville de Bayonne évaluait à 6 fr. 66 le mètre en 1918, ont été vendus par la commune d’Anglet, pour une partie considérable de son domaine communal à la société "Anglet La Forêt" en 1924, au prix de 2 francs le mètre. 



pays basque autrefois forêt anglet biarritz
CHIBERTA ANGLET 1928
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ces erreurs manifestes indiquent l'état d’esprit de l’auteur de la lettre et de la légèreté avec laquelle il a procédé à son élaboration. 



II oublie, d’ailleurs, que le Ministère de l'Armement avait demandé à la mairie de Bayonne, au nom des Ministères de la Guerre et de la Marine, en juin 1918, au moment du repli de nos troupes devant l’offensive allemande, de donner toutes facilités à M. de Lesseps pour ses installations "son projet se rattachant au programme général de décentralisation et à une fabrication d’engins essentiels et particulièrement intéressants pour la Défense Nationale". 



C’est à la suite de cette communication émanant du Ministère de l'Armement, que M. Garat, Maire de Bayonne en 1918, intervint auprès du Conseil municipal d’Anglet, se conformant à la demande du Ministère qui représentait à ce moment tragique la Défense Nationale et avait la ferme volonté de reconstituer en lieu sûr les usines de guerre prises par l’ennemi. 



En outre, M. Castagnet paraît avoir oublié que c’est lui qui en cours de procès, et étant maire de Bayonne, a engagé des pourparlers de transaction et a demandé un rendez-vous à M. de Lesseps pour la rechercher. On peut s’étonner que, contrairement à tous les usages, ce rapprochement entre le Maire et le débiteur plaidant contre la Ville ait eu lieu chez ce dernier, à l'instigation du premier et en dehors de l’avocat de la Ville, à Paris. 



Les élections municipales en amenant M. Garat à la Mairie de Bayonne ont interrompu les négociations du précédent Maire qui ont été normalement continuées par son successeur, M. Garat, mais cette fois, avec le concours du Conseil de la Ville, en conformité des règles établies. 



En ce qui concerne la transaction, la municipalité Castagnet n'a jamais eu une grande confiance dans le recouvrement des sommes dues dans l’affaire de Lesseps puisque le premier adjoint, M. Frois, dans son rapport sur les Comptes et Budgets, déclare : "Dans les restes à recouvrer, nous retrouvons toujours les sommes dues par M. de Lesseps. Bien que nous n’ayons aucun espoir de les recouvrer, nous sommes obligés de les faire figurer en compte..."



M. Frois envisageait que M. de Lesseps ne pourrait pas "s’exécuter dans l'avenir et que ces sommes ne rentreraient jamais", et s’il demandait au Conseil municipal de ne point renoncer à les percevoir, il disait : "Pouvons-nous attendre une rentrée de ce côté-là ? J’en doute." 



Il est pour le moins étrange que M. Castagnet reproche à son successeur la conclusion d'un arrangement qu’il avait lui-même sollicité personnellement. 



Sur plusieurs points, le libellé de la lettre de M. Castagnet contient des erreurs grossières qui surprennent :


A. C’est ainsi, par exemple, qu'il reproche à la transaction de la Ville de Bayonne, en l'opposant à celle d’Anglet, d’avoir renoncé à l’affectation des terrains en nature industrielle. 


Or, la transaction acceptée par le Conseil municipal d’Anglet comporte la même renonciation, dans les termes suivants : "M. le Maire est autorisé à renoncer à invoquer toutes conditions restrictives, pour l’avenir, dans l’utilisation des immeubles cédés". 



B. Il en est de même pour la rescision pour cause de lésion de l'article 1674 du Code Civil. 


M. Castagnet reproche au Conseil municipal de Bayonne, d’avoir renoncé à cette rescision et il se trouve que celui d'Anglet qu’il prétend lui opposer, dans sa transaction, y a renoncé dans les mêmes termes. 


Il paraît échapper à M. Castagnet que lorsqu'on fait une transaction par le fait même qu'on l’accepte, on renonce aux litiges qui constituaient la difficulté initiale et que la transaction elle-même a pour but de terminer. On ne conçoit pas une transaction qui laisserait subsister les éléments de conflit. 


Il parait encore étrange que, sur ce point, M. Castagnet se soit livré à des digressions aussi déplacées et aussi peu justifiées. 



C. Enfin, par suite d’une erreur non moins lourde et à propos de la rescision de l'article 1674 du Code Civil, M. Castagnet confond le 7e avec les 7 douzièmes. 


Si on prend comme chiffre de base la somme de 830 000 francs : 1 septième : 117 571, 43 ; tandis que 7 douzièmes : 484 166,60. 


Il y a donc comme différence entre le septième et les sept douzièmes, le chiffre de 365 595 fr. 24 qui a échappé à M. Castagnet. 



D. M. Castagnet ne tient pas compte davantage des dépenses s’élevant au chiffre de 1 763 000 francs reconnus par les délégués des Ministères de la Guerre et de la Marine comme ayant été effectuées sur les terrains de la Ville par M. de Lesseps pour les mettre en état, et qu'il y a lieu d'imputer sur le prix pour déterminer leur valeur. 



Si l'on tient compte des sommes dépensées, le prix du mètre carré des terrains vendus par la Ville de Bayonne peut être porté à la somme de trente-deux francs environ et il n’est pas douteux que pour évaluer la rescision, il importait de tenir compte des dépenses faites pour la mise en état des terrains qui devaient s'ajouter au prix, en toute équité. 



E. Enfin, la lettre en question ignore le point fondamental de la transaction intervenue depuis les actes de location avec promesse de vente de 1918. 


La Commission du Port de Bayonne sous la présidence de M. Ducrocq, inspecteur général des Ponts et Chaussées, avait prescrit depuis l'acte de location avec promesse de vente, les travaux de rescindement des terrains du Lazaret pour améliorer l'Adour approuvés par le Ministère des Travaux publics et la Chambre de Commerce de Bayonne, dont M. Castagnet est membre.


La modification principale apportée avec M. de Lesseps, porte sur une réduction de la surface des terrains pour permettre le rescindement du Lazaret et la construction d’une route de 20 mètres en bordure du fleuve facilitant le passage du rail et permettant la circulation dans un intérêt public, et en tout cas pour réserver la possibilité d’améliorer les passes de l’Adour et de faciliter le développement du Port de Bayonne, ce qui ne semble pas préoccuper l’auteur de la lettre. 



F. A propos du versement d'une somme de 100 000 francs exigée à titre de garantie jusqu'à conclusion définitive de l'accord, M. Castagnet se sert d'expressions juridiques dont il ne perçoit ni le sens, ni la portée. Il parle de gestion occulte, fait délictueux qui comporte des sanctions pénales. 


Or, aux termes de la loi, la caractéristique de la gestion occulte est l'ingérence dans le maniement des deniers communs qui peut être poursuivie, en vertu du Code pénal, comme immixtion sans titre dans les fonctions publiques." 


Le simple énoncé des textes légaux démontre l’enfantillage de M. Castagnet et le ridicule de ses insinuations ; une fois de plus, il se sert de mots dont il n’a pas compris la valeur. 


Le Conseil Municipal estime que, sans aucun doute, les intérêts de la Ville ont été très sérieusement défendus au cours de négociations difficiles, au moins aussi bien que ceux de la commune d'Anglet, puisque M. Castagnet cherche à opposer les transactions des deux communes, en prétendant à tort qu'Anglet a obtenu des avantages très supérieurs. 


Il est juste de dire que la commune d’Anglet n'a pu traiter que parce que Bayonne avait déjà réglé les première difficultés et que le prix des terrains de Bayonne a été plus élevé que celui d’Anglet. 


Il importe aussi de constater que rien n’a été fait par la Ville de Bayonne sans le concours de l'avocat de Paris, qui avait été choisi par l'administration Castagnet au début du procès, et avec l’assentiment du Conseil qui a été tenu au courant. 


Il tient à rendre hommage à M. Garat, maire de Bayonne, qui a eu pendant la guerre l'heureuse idée de tirer parti du domaine improductif de Blancpignon, qui, depuis des siècles ne rapportait rien à la Ville et grâce à la réalisation de ces landes, a permis au budget municipal pendant et depuis la guerre de trouver les ressources nécessaires à son équilibre. 


En présence des allégations de M. Castagnet qui sont des accusations sans preuves et des insinuations malveillantes dont il est coutumier, le Conseil municipal l’invite, au lieu de se livrer à des polémiques bruyantes n’ayant d'autre objet que de provoquer du scandale dans un but manifeste de dénigrement systématique et de basse démagogie, à porter au plus tôt devant les juridictions compétentes, soit administrative, soit répressive, comme la loi le permet à tout citoyen osant prendre la responsabilité de ses actes, les accusations qu'il porte sur de prétendues malversations ou des irrégularités commises dans cette affaire. 


Faute par lui de saisir la justice à bref délai le Conseil municipal lui déclare qu'une fois de plus il aura donné la mesure de son imposture et de sa mauvaise foi. 


Bayonne, le 5 mars 1927"



 


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