UN ASSASSINAT À ITXASSOU EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN NOVEMBRE 1836
UN ASSASSINAT À ITXASSOU EN 1836.
En novembre 1836, un crime odieux secoue le village d'Itxassou, en Labourd, village de 1 551 habitants.
BLASON D'ITXASSOU PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, le 10 juin 1838 :
"Cour d’Assises des Basses-Pyrénées (Pau).
Présidence de M. Ferrier. — Audiences des 12 et 13 mai.
(Correspondance particulière.)
Horrible assassinat suivi de vol.
Les époux Ipharraguerre habitaient avec leurs enfants une de ces granges, appelées bordes dans le pays, située sur la partie la plus isolée et la plus déserte d’une montagne d’Itsassou. Vénérés dans la vallée, ils n’avaient pas d’ennemis, et leur pauvreté semblait devoir les préserver des attaques de la cupidité. Le 8 novembre 1836, ils étaient déjà couchés, lorsque dans la nuit ils furent réveillés par des coups frappés à la porte. On appelle le mari par son prénom de Pierre. C’était, disait une voix venant du dehors, un pauvre contrebandier blessé en traversant la montagne, qui demandait un asile et du secours. Ipharraguerre commence par adresser à cet étranger quelques observations sur les dangers du métier de contrebandier, mais en même temps il se lève pour lui offrir l’hospitalité qu’un basque ne sait jamais refuser. Il faisait froid, Ipharraguerre s’empresse de réunir les tisons pour chercher à rallumer le feu : aussitôt un cri se fait entendre : Vïsage du diable ! qui es-tu donc ! tu m'as tué ! C’était le malheureux Ipharraguerre qui tombait frappé d’un coup de couteau, qu’une main perfide venait de lui enfoncer dans la poitrine.
Sa femme entend ses cris, elle s’élance du lit, vole au secours de son mari ; il était étendu près du foyer baigné dans son sang. En entendant venir cette femme, le brigand, cédant à un premier mouvement, avait pris la fuite. Elle s’empressa de fermer sa porte, et à l’aspect de son mari, qui déjà se débattait contre les douleurs de l’agonie, voici ses premières paroles : Ah ! mon ami, tu vas mourir, je t'en supplie, pardonne dans ton cœur à celui qui t'a frappé ! Bientôt on entend des voix au-dehors. On demande d’ouvrir ; on menace de tout égorger, si l’on résiste. La femme se place avec courage derrière la porte pour empêcher de l’enfoncer. L’un des brigands, s’appercevant de ses efforts, monte sur le toit, y fait sans peine une ouverture, et c’est par là que la malheureuse femme se trouve assaillie par des coups de bâton ; blessée et meurtrie, elle se réfugie dans sa chambre, elle ouvre sa fenêtre, elle crie au secours, mais un autre brigand, faisant pleuvoir aussitôt sur elle une grêle de pierres, l’oblige à se taire et à fermer les contrevents. La porte cède enfin aux efforts des voleurs. L’un d’eux entre, tandis que l’autre reste au-dehors. La femme s’était cachée dans un réduit. Elle entend les coups horribles que l’on porte encore à son mari expirant. Bientôt elle est elle-même découverte et saisie. On exige d’elle cent écus et les habits de fêtes de son mari. Elle était loin d’avoir celte somme ; elle a beau protester qu’elle n’a pas ce qu’on lui demande, on la menace de mort. Enfin, elle offre et l’on accepte tout ce que contenaient ses poches : une petite somme d’environ 6 fr., un rosaire, un couteau, un dé et deux étuis. Les brigands s’emparent, de plus, de quatre ou cinq chemises qui venaient d’être lavées et qui étaient encore mouillées, d’un pantalon, d’un capocail (c’est ainsi qu’on nomme dans le pays un manteau à capuchon porté par les pasteurs de la montagne) ; enfin, ils prennent un morceau de pain et du lard. C’est avec ces modestes dépouilles que les brigands se retirent. Ils avertissent cette femme que si elle tient à la vie, elle doit garder le plus profond silence sur la scène qui venait de se passer. Ipharraguerre avait succombé à ses blessures.
Cet horrible assassinat, commis pour un si mince intérêt, cette hospitalité si indignement trahie, jeta la consternation dans la vallée. Les soupçons se portèrent d’abord sur un homme redouté dans le pays, où il était connu sous le nom de Pasteur noir. Mais bientôt la justice, éclairée par les renseignements de la veuve et par d’importantes révélations, parvint à saisir les auteurs de ce crime. On avait vu rôder, la veille de l’assassinat, deux hommes autour de la maison d’Ipharraguerre ; ils étaient légèrement vêtus. Le lendemain, avant le jour, les mêmes individus reparurent dans une borde, où étaient réunis plusieurs pasteurs. Ces deux hommes paraissaient fatigués : l’un portait un capocail et un paquet. C’étaient les accusés Lanardonne et Amestoy. Lanardonne était triste, pensif ; Amestoy, accablé de fatigue, se disposait à dormir. "Comment as-tu le courage de dormir ?" lui dit son camarade, dont l’agitation et le trouble étaient visibles ; "ce n’est pas ici le lieu où il faut s’arrêter."
Plus tard, Lanardonne est arrêté comme réfractaire. Cédant aux remords qui déchiraient son âme, il se hâte de révéler à la justice les affreux détails de l’assassinat d’Ipharraguerre. Suivant lui, entraîné par Amestoy, il aurait participé au vol, mais il était resté sur la porte tandis que son camarade commettait à son insu un assassinat auquel il n’avait pas consenti.
Amestoy est arrêté ; il passait dans la contrée pour un homme habitué au brigandage.
Devant la Cour d’assises, Amestoy nie toutes les dépositions des témoins, même les plus indifférentes. Lanardonne persiste dans ses aveux. Tous deux sont d’une haute stature, et l’on croit pouvoir lire sur leurs traits la férocité de leurs âmes. 22 témoins sont entendus. La déposition de la femme Ipharraguerre, fortement émue à l’aspect des dépouilles sanglantes de son mari, produit une douloureuse et vive impression sur l’auditoire. Une charge accablante vient s’élever encore contre Amestoy. Un rosaire avait été volé, et l’on parvient à apprendre de plusieurs témoins qu’Amestoy avait donné un rosaire à une jeune fille, en lui disant : "Prie pour moi, voilà un rosaire, tu n’en auras pas souvent d’aussi joli." Ce rosaire, dont il n’avait pas été question d’abord, est reconnu de la manière la plus positive pour être celui qui fut volé à la femme Ipharraguerre.
Nous ne suivrons pas toutes les dépositions des témoins. Un berger de la montagne qui, un jour, donna asile à Amestoy, plein de méfiance pour un homme qui lui paraissait suspect, voulut le faire coucher dans son propre lit, afin d’être mieux à même de le surveiller.
L’accusation a été soutenue par M. Clérisse, substitut du procureur-général, avec talent et avec une grande pureté d’expression. Il a réclamé toute la sévérité des jurés contre Amestoy, et demandé pour Lanardonne une indulgence à laquelle ses aveux et ses remords lui donnaient quelques droits.
La tâche des défenseurs était difficile. Me Salles a soutenu avec habileté que Lanardonne ne pouvait être considéré que comme complice de vol, et qu’il ne pouvait être responsable de l’assassinat.
Me Delfosse a soutenu, au contraire, avec énergie et conviction, que Lanardonne seul était coupable, et que s’il cherchait à accuser Amestoy, ce n'était que pour se décharger sur lui de la responsabilité d'un crime qu'il ne pouvait cacher.
Après des répliques animées, et le résumé de M. le président, la Cour, sur la déclaration du jury, portant que les accusés étaient coupables, mais avec des circonstances atténuantes, les condamne tous deux à la peine des travaux forcés à perpétuité."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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