Libellés

mercredi 24 février 2021

CONFLIT ENTRE LA COMMUNE D'AINHOA ET L'ABBÉ ETCHEGOYEN EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1895

CONFLIT ENTRE LA COMMUNE D'AINHOA ET L'ABBÉ ETCHEGOYEN EN 1895.


C'est presque une histoire à la "Don Camillo et Peppone" qui secoue le village d'Ainhoa, en Labourd, à la fin du 19ème siècle.




pays basque autrefois communes blason
BLASON D'AINHOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, le 28 septembre 1895 :



Tribunal Civil de Bayonne. Présidence de M. Villeneuve, président.



Audience du 25 juin 1895. 

Tribunaux civils . — Plénitude de juridiction. — Culte. — Desservant. — Convention. — Conseil Municipal. — Indemnité. — Action en justice. — Compétence. — Condamnation du Maire. 


Les Tribunaux civils sont compétents pour statuer sur tous les litiges qui n'ont pas été dévolus à d'autres juridictions. 

Aucune loi n’ayant attribué aux Tribunaux administratifs les contestations relatives aux conventions entre les desservants et les particuliers, celles qui se réfèrent aux oblations sont dès lors de la compétence des Tribunaux civils. 

Est fondé à réclamer en justice le paiement d'une indemnité convenue avec le conseil municipal, le desservant qui a le dimanche, célébré une seconde messe dans l'église paroissiale. 



Ainsi jugé par la décision qui suit : 


"Le Tribunal, 


Attendu que les parties ont reconnu dans leurs explications qu’il y a un grand nombre d’années, il avait été convenu entre la commune d’Ainhoa et l’un de ses desservants que la commune allouerait une somme de 200 francs chaque année, et que le desservant célébrerait une dernière messe les dimanches et jours de fête ; qu’en exécution de cette convention, une somme de 200 francs a été inscrite dans le budget des dépenses de l’exercice de 1893 et que l’abbé Etchegoyen, desservant, a célébré deux messes tous les dimanches et jours de fête de l’année ; mais que le maire a refusé de délivrer un mandat de paiement de la somme dont il s’agit parce que depuis le 15 avril 1895, l’abbé Etchegoyen en avait célébré la messe chantée de dix heures à l’intention de personnes défuntes au lieu de ne la célébrer que dans l’intérêt des habitants de cette commune et qu’au surplus recevant des honoraires pour cette messe, des familles des défunts, il n’était pas admissible qu’il en reçût une deuxième fois de la commune ;



pays basque autrefois procession religion
TABLEAU PROCESSION A AINHOA 1923
PAR RAMIRO ARRUE 



Attendu que l’abbé Etchegoyen prétend qu’il n’avait été demandé ni à lui ni à ses prédécesseurs de ne pas appliquer le mérite de la deuxième messe à des défunts ; que, celle ci, ayant toujours été célébrée, la commune n’avait pas à se préoccuper de savoir si la célébration avait eu lieu au profit des personnes présentes seulement ou aussi au profit de quelque personne défunte ; qu’en conséquence, il demande que le jugement rendu le 21 juillet 1894, par lequel le juge de paix d’Espelette s’est déclaré incompétent sur l’action en paiement de la somme de 200 francs formée devant ce magistrat soit infirmé et que la commune d’Ainhoa soit condamnée à lui payer la somme dont il s’agit ;



Attendu que le maire d’Ainhoa, qui s’en remet à justice sur la question de compétence, persiste, au fond et au cas d’évocation, à conclure au rejet de l’action, tout en offrant la somme de 58 fr. 35 pour le temps compris entre le 1er janvier 1893 et le 15 avril suivant :


Sur l’appel envers le jugement attaqué


pays basque autrefois ainhoa rue
TABLEAU AINHOA PAR RAMIRO ARRUE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu qu’il ne s’agit pas dans l’espèce d’un supplément de traitement que l’Etat alloue aux desservants qui célèbrent dans la même journée une deuxième messe dans une autre commune ou dans une église érigée en succursale pour assurer l’exercice du culte catholique, mais d’un supplément alloué, sur les fonds de la caisse municipale, par une commune à son desservant qui célèbre la deuxième messe dans la même journée et dans la même église où l’exercice du culte assuré par l’Etat a déjà eu lieu par la célébration d’une première messe ;



Que cette somme est accordée en vertu d’une convention particulière pour les convenances particulières des habitants et participe de la nature des oblations ; qu’en traitant avec la commune d’Ainhoa, les desservants ont agi en qualité de prêtres libres d’accepter ou de rejeter les propositions qui leur étaient faites, sauf l’approbation de l’évêque et non comme fonctionnaires exigeant une indemnité pour remplir un service public obligatoire ;



Que les Tribunaux civils sont compétents pour statuer sur tous les litiges qui n’ont pas été expressément dévolus à d’autres juridictions ; qu’aucune loi n’a attribué à des Tribunaux administratifs les conventions librement intervenues entre les desservants et les particuliers ; que ces derniers Tribunaux ont eu soin au contraire, dans divers arrêts, de réserver le jugement des litiges sur les oblations aux Tribunaux judiciaires ; que c’est donc à tort que le juge de paix d’Espelette s’est déclaré d’office incompétent ;



Au fond



Attendu que la matière est disposée à recevoir une décision définitive et que les Tribunaux d’appel qui ont infirmé un jugement d’incompétence sont autorisés à statuer définitivement sur un seul et même jugement ;



Attendu que l'article suivant a été inscrit au budget de 1893 de la commune d’Ainhoa, parmi les dépenses facultatives : "Et indemnité au curé ou desservant pour binage... 200 francs" ;



Attendu que l’énoncé des causes de l’allocation de cette somme n’indique pas que la deuxième messe doive être appliquée exclusivement à la population et que, dans le doute, la convention doit s’interpréter contre celui qui a stipulé ; qu’il faut au moins que la convention intervenue ait pour effet de faciliter aux habitants de la commune qui n’auraient pu assister à la première messe l’accomplissement du devoir qu’impose l’Eglise aux catholiques d’assister les dimanches et jours de fête à la célébration de la Sainte-Messe ;



Attendu que l’abbé Etchegoyen prétend que les habitants qui ont assisté à la deuxième messe dite à l’intention d’un défunt ont rempli leur devoir religieux à cet égard comme si cette messe avait été dite pour les assistants seulement ;



Qu’il invoque l’autorité de l’évêque du diocèse, lequel a fait répondre à une demande du maire : "que le prêtre n’est pas obligé d’attribuer à la paroisse le fruit de deux messes, qu’il peut choisir entre la messe basse et la grand’messe, celle qui sera appliquée au peuple, qu’il est parfaitement libre de célébrer l’autre à une intention particulière, qu’il ne faut pas croire que les 200 francs alloués au curé constituent des honoraires pour la deuxième messe ; que c’est là une indemnité qui lui est accordée pour un service supplémentaire ; qu’il ne peut donner tort à l’abbé Etchegoyen";



Attendu qu’en vertu des articles organiques du 18 germinal an X, publiés après le Concordat du 26 messidor an IX, c’est l’évêque qui dirige et surveille l’enseignement religieux et l’exercice du culte catholique dans son diocèse ; que l’abbé Etchegoyen, son auxiliaire, a été autorisé à remplir ainsi son ministère et que les habitants d’Ainhoa ont pu remplir dans les conditions indiquées leurs devoirs religieux selon le vœu de l’Eglise ;



Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’en l’absence de toute autre convention établie, l’abbé Etchegoyen peut légalement soutenir qu’il a rempli l’engagement dont il était tenu en l’année 1893, par le seul fait d’avoir assuré exactement le service d’une deuxième messe et que l’indemnité de 200 francs dont il s’agit lui est due en rémunération de ses peines, sans préjudice de l’honoraire qu’il a pu recevoir des familles des défunts ;



Par ces motifs, 


Reçoit en la forme l’appel interjeté par l’abbé Etchegoyen envers le jugement rendu le 21 juillet 1894 par le juge de paix d’Espelette, dit que c’est à tort que le premier juge s’est déclaré incompétent et, en conséquence, infirme le jugement, le met à néant ;



Evoquant et statuant au fond, condamne la commune d’Ainhoa à payer à l’abbé Etchegoyen la somme de 200 francs avec intérêts à compter du jour de la demande en justice ;



Rejette l’offre de la somme de 58 fr. 35 faite par la commune comme insuffisante, condamne celle-ci en tous les dépens de première instance et d’appel et ordonne la restitution de l’amende d’appel."



 



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire