Libellés

jeudi 25 février 2021

LA PÊCHE À LA BALEINE ET À LA MORUE PAR LES BASQUES EN 1837 (deuxième et dernière partie)

 

LA PÊCHE À LA MORUE ET À LA BALEINE EN 1837.


Les Basques ont pratiqué pendant des siècles la pêche à la morue et la pêche à la baleine.



pêche baleine morue
BALEINIER RUBENS LE HAVRE 1837


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Moniteur Industriel, le 17 août 1837 :



"De la pêche de la baleine et de la morue.



...Pêche de la Morue. 


— Cette pêche est trop connue pour que nous puissions entrer dans de grands détails à ce sujet ; personne n’ignore les bénéfices qu’elle procure à ceux qui s’en occupent et que cette pêche modeste fut l’élément de la prospérité et de la puissance de la Hollande. 



Il y a la petite et la grande pêche. 



La grande pêche se fait sur les côtes de l’île de Terre-neuve et aux îles de St-Pierre et de Miquelon. C’est la que l’on prépare la morue sèche, ainsi désignée, parce qu’elle est salée et séchée dans des établissements temporaires établis sur les côtes pour lui faire subir cette préparation. Cette morue va ordinairement approvisionner nos colonies et les contrées catholiques du midi de l’Europe.



economie pêche morue baleine
TRANCHAGE DE LA MORUE
ST PIERRE ET MIQUELON



La petite pêche se fait sur le banc de Terre-Neuve dans le golfe St-Laurent, au Dogger’s ban, sur la côte d’Islande. L’on y pêche la morue verte ; c’est celle qui, après avoir été salée, est chargée en grenier. 



economie pêche morue baleine
UNE BELLE MORUE
TERRE-NEUVE



Il y a des navires de toute espèce employés à cette pêche. Il y en a de 80 à 200 tonneaux et de 20 à 100 hommes d’équipage. Les Anglais et les Malouins ont des bâtiments de 600 tonneaux et de 200 hommes.



Il est de la plus grande importance que les capitaines employés au grand-banc aient une connaissance parfaite des bas-fonds des bancs de sable de ces parages, afin qu’ils puissent choisir ceux qui sont les plus poissonneux. Les capitaines qui possèdent ces connaissances pratiques reviennent toujours avec des cargaisons complètes, tandis que les autres n’en ont souvent que la moitié.



Les morues arrivent à des époques fixes et on dirait que les glaces du pôle sont un réservoir intarissable où la Providence tient en dépôt ces colonnes immenses de poissons qui apparaissent périodiquement à la surface des mers pour servir à la subsistance de l'homme. Les morues, très  nombreuses dans le nord, deviennent de plus rares en se rapprochant du midi ; il y en a sur les côtes de France beaucoup plus que sur celles d’Espagne et de Portugal et elles sont très rares dans la Méditerranée.



La Restauration accorda à la pêche de la morue comme à celle de la baleine des encouragements sagement prodigués. Il fut alloué 50 fr. par voyage à chaque homme et 24 a 10 fr. par quintal métrique de morue exporté aux colonies ou à d’autres destinations.



Ces mesures ont eu pour résultat d’assurer l'état prospère et progressif de cette pêche qui, en 1836, employait plus de 450 navires. Les armements se font en première ligne par St-Malo et Dunkerque, et après ces ports viennent ceux de Granville, St-Valery, Le Havre et Nantes.



economie pêche morue baleine
PESAGE DE LA MORUE FECAMP



Les détails dans lesquels nous venons d’entrer ont eu pour objet de rappeler la haute importance que l'on a dans tous les temps attachée aux grandes pèches maritimes et les efforts des nations commerçantes pour s’emparer de cette grande industrie ou pour la conserver En 1738, la guerre qui éclata entre l’Angleterre d’une part et la Hollande et ses alliés de l’autre, eut pour cause unique la possession des pêcheries du Labrador et du Groenland. En 1792 les pêcheurs anglais ayant pénétré jusqu’à Nootka-Sund, les Espagnols alarmés coururent aux armes et si l’attention de l'Europe n'eut été absorbée par les préludes du grand drame de notre révolution, la guerre eût éclaté.



Nous ayons voulu aussi constater par des faits et des comparaisons la situation relative de la France et des puissances qui courent la même carrière, la distance où elle est de ses émules dans la lice quelle elle parcourt. Nous avons voulu aussi frapper les esprits du patriotique intérêt qui s'attache à une industrie qui semble en quelque sorte agrandir le territoire en fertilisant les eaux qui l’entourent ; car on peut dire avec vérité que la pêche est à la mer ce que l'agriculture est à la terre : elle la rend productive ; elle enrichit des contrées pauvres ; elle forme une pépinière de matelots endurcis, courageux, infatigables ; elle est enfin une des sources les plus abondantes de la subsistance des peuples.



La compagnie de pêche formée par MM. Hérout et Peynaud est une grande pensée ; nous avons examiné avec une scrupuleuse attention le mécanisme de cette entreprise et nous déclarons avec une profonde conviction que nous n'en connaissons pas dont les résultats financiers puissent offrir des avantages plus positifs ; et, en même temps, qu’il n’y en a aucune qui se recommande, à de plus justes titres, à la sollicitude de tous les hommes qui ont un peu à cœur la prospérité du pays.



L'on est surtout frappé de la prudence qui caractérise l’ensemble et les détails de cette entreprise. On voit que les fondateurs ne sont pas de ces enthousiastes rêveurs qui courent après des chimères, il est facile de reconnaître des hommes pratiques, calmes et réfléchis, qui ont étudié à froid toutes les nécessités de leur plan avant de le proposer, et leur langage simple et modeste ne ressemble guère, il faut l’avouer, à celui de ces brillants et pompeux programmes d’entreprises qui viennent si souvent nous éblouir de leur éclat et de celui de leur chute.



Il n’existe pas en France une compagnie générale de pêche et pourtant aucun pays n’offre des circonstances plus favorables à sa formation, à cause de la facilité et de l’étendue des débouchés.



Les auteurs du projet exposent d’une manière fort claire les principes de l’association qu’ils proposent. Voici comment ils s’expliquent à cet égard :


"Les armements pour la pêche de la baleine et de la morue se font en général aujourd’hui par des armateurs des villes maritimes, et cependant ces expéditions donnent ordinairement des bénéfices d’autant plus considérables et plus certains, que les armements se font sur une plus grande échelle ; car, dans ce dernier cas, les chances se trouvent réparties sur un plus grand nombre de navires, et un sinistre qui aurait ruiné une petite expédition ne porte qu’une légère atteinte à une opération d'une certaine importance.



Cette considération a déterminé en grande partie notre entreprise. Nous avons pensé que la division des chances de perte et de gain ne se trouvait nulle part mieux établie que dans une grande compagnie ; et comme l’expérience prouve que la multiplicité des risques et la division des chances sont les conditions les plus favorables pour la réalisation de grands bénéfices, une association de l'ordre de celle que nous créons doit par conséquent posséder des éléments qui ne sont point à la disposition des simples armateurs. Les opérations prises en masse offriront une certitude de succès qui est fondée sur une longue série de voyages distincts, et qui pris en totalité présentent des bénéfices considérables, avec cette circonstance que plusieurs de ces voyages auraient ruiné les armateurs, précisément parce qu'ils avaient confié leur fortune à un seul navire."



En 1816, à la reprise des armements pour la pêche de la baleine, le Havre donna l'exemple, Nantes suivit immédiatement et Bordeaux un peu plus tard. Les deux tiers des armements se font maintenant au Havre et cette ville est, en France, le centre de celle industrie. Si ses premiers essais ne furent pas toujours heureux, ce fut parce que les armement étaient faits d’une manière trop dispendieuse et que l'on manquait de capitaines expérimentés, conséquence nécessaire de la suspension de notre navigation maritime depuis 25 ans ;  ainsi un seul de ces voyages malheureux suffisait pour amener une liquidation onéreuse, le découragement et l’abandon.



Une compagnie n’aurait point été exposée à ces inconvénients ; elle ne se serait pas rebutée d'un premier échec, elle n’en aurait point été accablée ; elle aurait montré plus de persévérance et un voyage malheureux aurait été compensé par d’autres plus heureux.



II faut également placer au nombre des avantages d'une compagnie celui de posséder des navires avec leurs apparaux et ustensiles qu'elle ne vend point à la fin de la campagne, qu’elle conserve et entretient, ce matériel restant disponible pour de nouveaux voyages, les frais de réarmement deviennent à peu près nuls.



Les primes seraient aussi un élément des succès, puisqu'elles sont assez fortes pour avoir déterminé des armements dans la seule expectative d'en recueillir les bénéfices. Mais la compagnie doit surtout se confier à la bonne combinaison de ses opérations, les primes devant cesser en 1842, à moins cependant qu’elles ne soient de nouveau prolongées. En Angleterre elles on été abolies en 1824 ; mais la pêche anglaise était alors assez robuste pour se passer de cet appui ; la pêche française sera-t-elle en 1842 dans les mêmes conditions ? c'est ce qu’il serait difficile de prévoir.



La compagnie excitera l’émulation par des distributions de prix annuels aux officiers et aux hommes qui se seront le plus distingués. Elle placera sur chaque navire au moins quatre élèves de 14 a 16 ans, qui seront entretenus, instruits à terre comme à la mer jusqu'à l'âge de 21 ans, de manière à pouvoir devenir officiers au terme de leur engagement.



Depuis dix ou douze ans les expéditions du Havre pour la pêche de la baleine ont été constamment heureuses. Les voyages qui n'ont pas réussi doivent être considérés comme des exceptions, la règle est le succès. 



Sur 109 voyages exécutés au Havre pour la pêche de la Baleine jusque à la fin de janvier 1836, dix opérations seulement ont été mauvaises ; le résultat de ces armements a donné une moyenne de 1 645 barils d'huile par navire, et en prenant ce chiffre pour base d'évaluation des opérations de la compagnie de pèche on trouve qu'après avoir payé un intérêt de 5 % à ses actionnaires, elle donnera un bénéfice de 30 %, et si les retours étaient égaux a ceux des baleiniers bien armés du Havre, le bénéfice s'élèverait a 50 %.



Une maison bien connue, du Havre, propriétaire de 7 à 8 baleiniers, a gagné des sommes énormes ; d autres maisons ont 4, 5 et 6 baleiniers chacune, quelques uns de ces navires ont donné jusque à 120 % de bénéfice, d’autres 60 à 70 %, si ce n’est un seul qui n'a presque rien rapporté parce qu'il était commandé par un capitaine sans expérience.



Ce sera donc sur le bon choix des capitaines et des équipages que reposera le succès de cette entreprise. C’est ce motif qui a déterminé la mesure de ne faire des armements et de n’employer les capitaux que successivement.



L’on a établi à l'appui de la combinaison de cette entreprise des calculs dont nous nous bornons à donner les résultats :


1° D'après les prospectus d’armement pour la pêche de la morue au Banc de Terre-Neuve, d'un navire de 200 tonneaux opération basée sur quantité d’armements faits par une maison d’Honfleur ; depuis 1816, il résulte que les bénéfices seraient d'un peu plus de 18%.


2° D’après un compte simulé d’armement pour la pêche de la Baleine, d'un navire de 400 à 450 tonneaux, le résultat serait :

Pour une pêche entière de 300 barils, bénéfice 150 320 fr.

Pour une demi-pêche 150 barils , bénéfice 83 270 fr.


3° D'après des calculs établis sur le produit approximatif de la pêche de quatre navires baleiniers, en l’évaluant 1 645 barils d'huile pour chacun à 75 fr. par chaque voyage, le bénéfice net sera pour les quatre, de 304 710 fr.


4° Depuis le 1er février 1836 jusqu’au 31 juillet passé, il est entré dans le port du Havre 17 baleiniers...


Ces 17 navires, qui ont rapporté ensemble 29 755 barils d’huile donnent une moyenne de 1 750 barils pour chacun. Nos calculs  d’autre part sont basés sur une moyenne de 1 645 barils par navire.


5° Les navires baleiniers entrés depuis trois semaines au Havre, de retour de leur pêche, ont rapporté 36 000 barils d’huile."...



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 600 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire