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jeudi 18 février 2021

BIDARRAY-BIDARRAI EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1913

 BIDARRAY EN 1913.


En 1913, le village de Bidarray compte environ 1 000 habitants et son Maire est Dominique Etcheverry.



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LAVANDIERE ET PONT DE BIDARRAY
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta au sujet de ce village le journal La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, le 

25 mars 1913, sous la plume de Georges Baume :



"Bidarray.



Ce matin nous partons d’Itsatsou pour Bidarray. Ciel bleu, paisible ; vallée souriante, blonde, parfumée de l’odeur des maïs et des vignes ; le silence tressaille parfois du bruit musical des coups de hache des bûcherons sur les grands chênes, qu’ils ont la veille descendus du Mondarrain jusqu’à leur chantier adorablement agreste, au-dessous de l’église.



Le train s’engage dans la gorge du Pas de Roland, où la Nive aux aux eaux verdâtres roule par bonds en un tumulte d’orage, sur des rochers nus, couleur de soufre. De loin en loin, ces eaux s’apaisent pour former un gouffre et si transparentes qu’on aperçoit tout au fond, sur les cailloux pareils à des larves, évoluer les truites argentées. Les charrois ne passent plus par la gorge. Ils suivent la grande route blanche, bordée de roseaux, de châtaigniers et de platanes, qui, derrière le plateau de la Massa, longe le joli vallon où le village de Louhossoa éparpille, selon la mode basque, ses maisons par groupes.



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PASSAGE DU TRAIN AU PAS DE ROLAND ITXASSOU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le train ronfle dans un tunnel. Lorsqu’il en sort, à l’issue de la gorge, des champs de seigle et de luzerne se développent sur les flancs d’une colline. Dans la Nive calme, des barques trempent, de longs canots, simplement creusés dans des troncs d’arbres. C’est le vallon de Laxia. De sa montagne descend avec impétuosité un ruisseau, en amont duquel se montre, parmi des mûres sauvages, un noir moulin de maïs saupoudré de farine, et puis le poste de la douane aux volets verts. Enfin, une plaine opulente s’ouvre, et tout là-bas, sous une falaise couleur de cendres, apparaît le village de Bidarray, dont les vieilles maisons aux balcons de bois s’abritent à l’ombre des platanes, sur les bords de la Nive.



Dans une auberge exquise de propreté, nous déjeunons du meilleur appétit. La cigarette aux lèvres, nous grimpons par d’âpres sentiers, par de longs défilés où des sources font un murmure de cristal, jusqu’au sommet de l’Artza. Nous allons voir Bidarray le père, et si possible, Bidarray le fils. Que sont ces deux êtres-là ? Tout simplement des saints de pierre qui exercent une grande influence sur l’esprit de tout le monde, ici. presque chaque jour, depuis des siècles, au moins un Basque grimpe à l’Artza.



Aujourd’hui, devant nous, il y a sur le sentier rocailleux, deux fiancés en habits du dimanche, qui, en marchant, beaux de jeunesse et d’amour, s’inclinent l’un vers l’autre. Emus de leur ferveur naïve, nous les regardons avec plus d’attention peut-être que les magnificences du paysage.



Là-haut, le soleil resplendit sur les croupes dorées ou bleuâtres des montagnes. Dans l’espace sensible un vent brûlant souffle par intervalles. Les fiancés entrent les premiers dans la grotte profonde de dix mètres, sur les parois rouges de laquelle pendant çà et là des linges, des bérets, des mantilles, en guise d’ex-voto. L’eau suinte de partout.



Nous avisons dans un coin un escalier de pierres branlantes qui nous conduit à une cavité livide, au fond de laquelle les stalactites accumulées ont formé un torse humain de proportions énormes. C’est là Bidarray le père. Les malades viennent encore dans cette caverne recueillir avec des linges l’eau qui glisse sur la partie inférieure de la roche : ces chiffons mouillés, ils les appliquent fortement sur leur corps, à l’endroit qu’étreint la souffrance. Et, puisque la foi sauve, ils s’en retournent à leurs maisons guéris, si néanmoins ils n’ont pas négligé de déposer, en guise d'ex-voto, la fine toile de leurs fantaisistes cataplasmes sur les abords de la grotte.



Non loin de cette grotte, il en existe, sur le versant espagnol, une autre, très vénérée aussi, moins spacieuse, également dotée d’une stalactite semblable, qui est Bidarray le fils. Cet enfant, dont les années se comptent par centaines, fait-il autant de miracles que son ancêtre ? Assurément oui. Car le besoin de croire au surnaturel est le même partout.



Cependant, nos deux fiancés s’avancent sur la boue froide, et devant notre Bidarray, ils prononcent à mi-voix des prières. Ensuite, ils mouillent leur front avec des mouchoirs trempés dans l’eau qui coule sur la roche humaine ; et en sortant de l’ombre, ils déposent, suivant le rite, ces mouchoirs sur les bords de la grotte...


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HARPEKO SAINDUA BIDARRAY
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le silence plane religieusement dans les régions du ciel très pures. On n’aperçoit pas un oiseau. Les cimes s'élèvent pareilles à des îlots qui, à cette heure d’après-midi, semblent, sous la force du soleil, éblouissante de neige. Là-bas, dans des trous, parmi des lueurs de ruisseaux aussi menus que des fils de la Vierge, des groupes de maisons sommeillent, au cœur des prés et des jardins.



Le mont d’Artza constitue le nœud de nos Pyrénées basques. Elles tirent de droite et de gauche leurs chaînons, la plupart boisés, pour se confondre ici fraternellement. Où se trouve l’Espagne ? Où donc la France ?... On ne sait plus. C’est la Biscaye. C’est par toute cette terre aux reliefs harmonieux une race unique et durable, qui se nourrit des mêmes traditions et parle la même langue. Pourtant, en France, il n’y a plus de cagots, de maudits, que pour rire. En Espagne, au contraire, il y a toujours, dans certains villages, des parias, qui passent pour des créatures fatalement disgraciées et redoutables ; sur les marchés, dans les églises, on leur assigne des places particulières, à l’écart de la communion des chrétiens...



Nous descendons de l’Artza par les sentiers tortueux. A mi-côte, sur une terrasse qu'ombrageait une roche, nous retrouvons nos deux fiancés, bien sages, assis l'un près de l'autre. Non loin, un  tapis d’herbes douces nous invitait également au repos. Mais, tous les deux, d’une manière lente, qui trahit de l’inquiétude, se remettent debout. Nous ralentissons notre pas, afin de les avoir toujours devant nous et de les observer ainsi dans leurs gestes...



Avant de repartir, ils relevaient la tête, lorsqu'ils aperçurent leurs mouchoirs se détachant de la cime, puis dans un tourbillon du veut capricieux, disparaissant au fond d’un abîme. Ils gémirent aussitôt :


— Bidarray n’accepte pas nos vœux !... Que lui avons-nous fait de mal ? Faudrait-il que nous souffrions encore de notre amour ?



Serrés l’un contre l’autre, ils descendirent avec épouvante, précipitamment, au risque de choir sur les pierres du sentier... Sur la place du village, des enfants jouaient, un troupeau de chevaux revenait de la forêt voisine. Des paysans ramenaient en charrettes leur récolte de maïs ; d’autres traînaient un arbre, dont le branchage, à chaque choc sur le sol, se déchirait avec fracas."



 


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