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vendredi 14 juin 2019

QUAND LES BASQUES HARPONNAIENT LA BALEINE DANS LE GOLFE DE GASCOGNE (première partie)


LA PÊCHE À LA BALEINE PAR LES BASQUES.


Pendant des centaines d'années, les Basques ont chassé la baleine.




pêche chasse baleine
CHASSE A LA BALEINE


Je vous ai déjà parlé de la chasse (pêche) à la baleine, dans plusieurs articles : le 3/03/17 et le 

22/04/19.




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Petite Gironde, dans son édition du 19 septembre 

1941, sous la plume de Fernand Lot :



"Quand les Basques harponnaient la baleine dans le golfe de Gascogne et découvraient Terre-Neuve en la poursuivant.



Rien de tel qu'un succès de librairie pour mettre un sujet à la mode, si éloigné soit-il des soucis du jour. Au temps de la publication de Quo Vadis ? on ne parlait que d’arènes, de gladiateurs et de martyrs. Aujourd'hui, les gens "à la page" s'entretiennent volontiers de la pêche à la baleine, — à cause de cet étonnant Moby Dick de Melville qui vient d’être révélé au public français...




pêche chasse baleine
CHASSE A LA BALEINE
PAYS BASQUE D'ANTAN

La pêche à la baleine, la plus grosse bête du monde, qui peut à elle seule peser cent soixante tonnes, soit le poids de 2 600 hommes ou de 40 éléphants de grande taille ! On évoque aussitôt, à travers le souvenir de maintes vieilles estampes, la géante des mers soufflant son étrange jet d’eau, et de minuscules embarcations, hérissées de dards, se lançant vers elle, et son énorme et sombre masse échouée, qui suffit à encombrer une grève, prise d’assaut par un peuple de dépeceurs lilliputiens... 




Ces tableaux quasi fabuleux furent autrefois familiers aux habitants de notre golfe de Gascogne, particulièrement à ceux de la Côte Basque. Et ceci est toute une histoire qui mérite d’être feuilletée.




Les origines de la pêche à la baleine.




Couvert de fougeraies et d’ajoncs, le sol de la province maritime du pays basque français, le Labourd, comme celui de la province espagnole voisine, est ingrat et pauvre. Aussi, dès la plus haute antiquité, c’est l’Océan, fertile en animaux marins de toute espèce, que les Basques labourèrent hardiment. Rudimentaire, le matériel dont ils disposaient. Mais sans limites, leur courage. Le triple airain dont parle Horace bardait leur poitrine. Les monstres ne les effrayaient point. Et c’est aux plus redoutables d’entre eux, à ceux dont un coup de queue suffit pour fracasser une forte pinasse, aux cachalots et aux baleines, abondants alors dans le golfe, qu’ils s’attaquaient allègrement. Dès le Xle siècle, on trouve dans les archives des documents précis relatifs à cette pêche, dangereuse entre toutes, mais qui compensait les périls courus par des bénéfices considérables. En 1525, Edouard Ier, roi d’Angleterre, concédait aux Biarrots le droit de pêcher baleine et cachalot à condition qu’ils paieraient par animal capturé un droit de 15 livres morlannes, applicables à l’entretien des fortifications de Bayonne. En 1262, la dîme de ce droit fut concédée à la cathédrale de Bayonne, ce qui fut d'ailleurs l’origine d’une interminable suite de difficultés et de procès entre les Biarrots et la cathédrale. Un usage attribuait à l’évêque de Bayonne la langue — régal non pareil  —  de la première baleine pêchée dans l'année.




Armes parlantes.




Entre Mimizan et Fontarabie, l’importance de la pèche à la baleine fut grande pendant des siècles. Mais sur la côte française, Biarritz parait bien en avoir été le centre. Le souvenir s’en est perpétué dans l’empreinte du sceau de la ville, dont l’original se trouve apposé au pied d’une trêve de trois ans conclue en 1351 par Bayonne et Biarritz avec plusieurs villes des Flandres. 



labourd autrefois
ARMOIRIE VILLE DE BIARRITZ


Singulièrement expressives, ces armes, qui détaillent la première scène de la capture d’une baleine. Elles présentent aussi une valeur documentaire, car en leur simplicité elles marquent avec précision les gestes concertés du harponneur, des rameurs et du pilote, ainsi que la position de la barque par rapport à la proie qui plonge dans les flots. Et quelle magnifique devise : Aura, sidus, mare adjuvant me !  "J'ai pour moi les vents, les astres et la mer..."




Un cétacé figure aussi dans l’écusson d’Hendaye, que l’héraldique décrit ainsi bellement : "D’azur à la baleine d’argent nageant dans une mer du même surmontée de trois harpons, deux en sautoir et un en pal, et accompagnée en chef d’une couronne royale accostée des lettres capitales H à dextre, E à senestre." Et la baleine hante encore les armoiries de plusieurs ports de la côte espagnole : Fontarabie, Berméo, Lequeytio, Ondarroa, Castro, Urdiales, Larédo... Si elle est absente de celles de Bayonne et de Saint-Jean de-Luz, elle n’en joua pas moins longtemps aussi le même rôle prépondérant dans la vie de ces deux derniers ports.



armoirie labourd
ARMOIRIE VILLE HENDAYE


Branle-bas de combat ! 




"La saison de passage des baleines sur la côte de Guyenne et de Biarritz, lesquelles s’attouchent en angle droit ou quart de rond au lieu nommé la Chambre d'Amour. commence après l'équinoxe de septembre et dure pendant tout l’hiver, dit le vieux Cleyrac dans ses Us et coutumes de mer (1671). Les baleines arrivaient en troupe dans le golfe, les femelles fort affairées avec leurs baleinons dont l’humeur indocile et vagabonde les entraînaient parfois, enfants prodigues, jusqu’en Méditerranée. 




Maints voyageurs de marque, étonnés par le spectacle qui s’offrait alors, nous en ont laissé la relation, notamment, en 1528, André Navageto, ambassadeur vénitien; en 1621, le duc de Bassompierre, et surtout, en 1566, le grand Ambroise Paré. L’illustre chirurgien de Charles IX accompagnait le roi et Catherine de Médicis quand ils vinrent à Bayonne. (Et qui donc, décidément, n’est pas venu à Bayonne ?) Ce fut même dans cette ville qu’il opéra, avec succès, de la pierre, le prince de La Roche-sur-Yon. "Contre ledit village de Biarris, écrit Paré, il y a une montagnette sur laquelle dès longtemps a esté édifiée une tour tout exprès pour y faire le guet, tant le jour que la nuict, pour découvrir les baleines qui passent en ce lieu ; et de là on les aperçoit venir, tant par le grand bruit qu’elles font, que pour l'eau qu’elles sortent par un conduit qu’elles ont au milieu du front..." Cette"montagnette », tous ceux qui ont visité Biarritz la reconnaissent : c’est la célèbre éminence de l’Atalaye, entre le Port-Vieux et le port des Pêcheurs, et l’on y voit toujours se dresser l’ancienne tour de guet. 




pays basque autrefois
ATALAYE BIARRITZ 1908
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il subsiste d’ailleurs ça et là sur la côte d’autres vestiges significatifs, soit de tours analogues, soit de fours pour la fonte des lards et l’extraction des huiles. Et l’on a retrouvé aux environs de Biarritz des puits étanches qui servaient à emmagasiner celles-ci. 




Sitôt que la vigie avait aperçu le vaste gibier marin, on battait le tambour et le tambourin, et c’était une ruée vers la plage. Rameurs et harponneurs sautaient dans leurs barques. Les lanceurs de dards, "grièves épines" de fer battu, à la pointe acérée et tranchante, devaient, jeu dangereux, chercher à frapper la baleine au collet et à éviter ses coups de queue. Blessée, la baleine plongeait, et une courge sèche, retenue à l’extrémité au câble attaché au harpon, indiquait, flotteur, la direction prise par l’animal. La bête morte, on la remorquait jusqu’à terre, où le gigantesque corps était partagé dans la proportion des harpons lancés, reconnaissables ceux-ci aux marques gravées sur leur tige.




La grosse bête à tout faire.




Les barbes et les huiles produisaient de 600 à 800 francs, "marchandise aussitôt vendue que prête". Le harponneur recevait en sus 12 livres, et sa barque 30. Le propriétaire de la pinasse touchait une part égale à celle de trois compagnons. Chair et langue étaient vendues sur le marché de Bayonne. Et, chaque fois, quel écroulement, quelle cascade, quel ruissellement de matières grasses ! Un rêve de cocagne peut-il nous sembler, à nous autres, mortels amaigris de 1941 ! Les huiles des cétacés, médiocrement comestibles sans doute, répandaient en tout cas leurs bienfaits sur toutes sortes d’industries : elles servaient à graisser les brais, à enduire les barques et les navires ; on les utilisait pour l’éclairage ; elle permettait aux drapiers de préparer la laine, aux corroyeurs d'adoucir les cuirs, aux peintres de broyer la couleur... Et les savonniers vantaient leurs vertus, aussi bien que les sculpteurs, les architectes et les maçons qui, en les malaxant avec la céruse et la chaux, obtenaient un beau produit blanc et solide. Par ailleurs, de certaine espèce de cétacés, les Basques retiraient aussi le "blanc de baleine" — la cervelle — dont s'emparait la droguerie "pour faire du fard excellent, à l’intention des femmes et filles qui s’en servent". De bonne heure aussi, bien sur, on songea à tirer parti des souples fanons : "Des lames qui sortent de la bouche, dit encore Ambroise Paré, on en fait des vertugales, busques pour les femmes, et manches de couteau, et plusieurs autres choses..."


chasse baleine
BALEINE EN 1863



Et ce n’est pas tout ! A une époque déjà ancienne, bien des maisons de Biarritz étaient construites avec des os de baleines. Les étais des toitures, les solives des planchers, les clôtures des jardins ? Des côtes de baleines ! Les sièges ? Des vertèbres de baleines ! Les Basques, ainsi, ne vivaient pas que de la baleine. En quelque manière, et sans être des Jonas ils vivaient aussi en elle... 



A suivre...






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