Les inondations de mai-juin 1856 touchent un grand nombre de fleuves en France et demeurent une crue de référence.
Elles touchent ainsi, à la fin mai-début juin la Loire et le Rhône, ainsi que, dans une moindre mesure, la Garonne et la Seine.
Au Pays Basque, les inondations touchent la Nive et tous ses environs.
GRANDES INONDATIONS DE 1856
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Assemblée Nationale, le 22 juin 1856 :
"... Voici maintenant le récit que fait le Messager de Bayonne, qui porte également la date du 19 :
"Le terrible vent qui a soufflé pendant deux jours, et la pluie torrentielle qui pendant ces deux jours n'a pas cessé de tomber, ont enfin disparu : le beau temps est revenu, et permet de contempler les ravages produit par la tempête que nous avons essuyée. Le mal est grand, mais peut en partie être réparé avec un travail non interrompu, un courage plus fort que les fléaux répétés qui frappent notre pays.
La Nive a dépassé de 10 centimètres le niveau qu'elle avait atteint le 14 mars 1855. Toutes les prairies qui bordent ses rives sont inondées au loi. Les communications sur la route d'Espagne par la vallée du Baztan sont interrompues. Des voyageurs partis pour Cambo et Ustaritz ont dû rebrousser chemin. Du haut des fortifications on aperçoit toute la plaine de Villefranque ne formant qu'une immense nappe d'eau, sur laquelle se distingue l'extrémité des toits des maisons. On espère, sans le savoir encore, que les habitants et les bestiaux auront pu se sauver.
Sur la route 132 le pont situé dans la commune de Bonloc a été emporté.
De douloureux sinistres ont eu lieu dans le port. Depuis la place d'armes jusqu'à l'extrémité des Allées-Marines, les nombreux navires mouillés contre le quai étaient bouleversés par le vent terrible qui soufflait, et qui a déraciné sur les Allées Marines, comme sur la place des Capucins, cinq ormes séculaires. Deux chasse-marées, entraînés par la force du courant, chassèrent sur leurs ancres, et vinrent heurter le Jason, beau trois-mâts dont on achevait la mâture, et qui n'avait pas son lest à bord. Sous le triple effort qu'elles avaient à supporter, les chaînes du Jason amarrées à terre — des chaînes énormes — se rompirent : le navire, couché sous l'impulsion irrésistible du vent, vint heurter avec une extrême violence le trois-mâts la Fauvette, sous lequel il sombra. La Fauvette, dont l'arrière fut fortement endommagé dans ce choc, heurta à son tour une masse de navires placés sur trois rangs ; il en résulta un enchevêtrement de tous ces bâtiments, qui tous essuyèrent quelques avaries. Les hommes placés à bord du Jason purent gagner la terre avant le naufrage du navire. Les cris des matelots de tous ces bâtiments se heurtant les uns contre les autres retentissaient lugubrement au milieu de l'obscurité ; d'épouvantables sinistres étaient à craindre : heureusement personne n'a péri.
La force du courant et du vent était tellement violente, qu'un canon en fer enterré jusqu'au dessus des tourillons a été arraché sous la tension qu'une chaîne de navire enroulée autour de lui. Des organeaux en fer forgé, scellés dans le granit des quais, et recevant les amarres d'autres bâtiments, ont été arrachés.
Vers neuf heures du matin, un marin, en travaillant à amarrer plus solidement une gabare, perdit l'équilibre, tomba dans la Nive, et disparut, roulé, entraîné par les eaux limoneuses, sans qu'il fut possible de lui porter le moindre secours.
Une dernière douleur nous était réservée : on a reçu mardi matin la nouvelle que la Perle avait péri corps et biens, brisée sur les roches aiguës de Guéthary, dans cette nuit affreuse.
La Perle, capitaine Séfourcade, était un navire neuf de notre port, dont la marche supérieure et les excellentes qualités avaient été appréciées dans les deux traversées qu'il avait faites de Bayonne à Montevideo. Le capitaine Séfourcade avait quitté Bordeaux il y a quelques jours, après être venu ici recruter son équipage, entièrement composé de marins de Bayonne ou de Saint-Esprit. Il amenait son navire dans notre port, d'où il devait, avec des passagers, retourner à Montevideo. Dans la journée du 16, on avait parfaitement distingué la Perle courant des bordées entre Cap-Breton et le Socoa. Un douanier de service sur la côte de Guéthary l'avait aperçue courant vers le sud quand la nuit arriva. Vers minuit, ce même douanier vit un grand navire courant rapidement vers la terre, se heurtant contre un rocher, et disparaissant brisé. Trois quarts d'heure après, ce douanier sentit sa main léchée ; il se retourna, et vit près de lui, ruisselant d'eau, un chien de Terre-Neuve que tout le monde connaissait dans le pays : c'était le chien du capitaine Séfourcade, c'était tout ce qui survivait de la Perle.
Ce terrible naufrage a causé la plus douloureuse sensation dans notre ville : le capitaine Séfourcade était justement aimé pour ses qualités d'homme et de marin ; son équipage était composé de quinze hommes, tous du pays, tous pères de famille, et laissant dans la désolation des veuves et de nombreux orphelins.
Pendant les terribles heures que nous avons traversées, tout le monde a courageusement fait son devoir. Les douaniers se sont surtout montrés ce qu'ils sont en toutes circonstances : aussi courageux que dévoués et actif. Le 35e de ligne a conquis de nouveaux titres à l'estime et à la sympathie de notre population.
Les nouvelles que nous avons reçues de divers points de l'arrondissement sont désolantes : partout les récoltes sont entièrement perdues ; on va pour la troisième fois semer le maïs. Voici le résumé des correspondances que nous avons reçues :
A Biarritz, deux maisons en construction, minées par les eaux, se sont écroulées ; sur plusieurs points, les terres détrempées se sont éboulée. Le chemin de ronde qui serpente le long des rochers depuis l'Atalaye jusqu'à la côte du Moulin a été enlevé en plusieurs endroits. La pelouse qui existait devant la villa Eugénie a été ravinée sur toute sa surface et presque détruite.
A Cambo, l'eau est montée jusqu'au premier étage de l'établissement de bains ; la Nive roulait dans ses flots les cadavres de nombreux bestiaux et des meubles.
A Larressore, un moulin appartenant à M. Diesse a été enlevé.
A Briscous, les salines ont été complètement inondées ; 180 000 kilos de sel existant en magasin on été perdus.
A Came, le pont a été emporté, des bateaux ont péri.
A Bidache, l'eau a envahi un grand nombre de métairies ; les bestiaux, dans la plupart, n'ont pu être sauvés. Notre correspondant, en terminant sa lettre, nous annonce que deux courageux gendarmes partent sur une barque, se rendant à une maison inondée dont on n'a pas vu sortir les habitants."
— On lit encore dans le Messager :
"Les diligences venant de Toulouse arrivent avec un assez long retard ; tous les cours d'eau ont débordé et les obligent à faire de longs détours. A Port-de-Lanne, hier encore, elles ont pu passer, mais avec peine, en traversant l'eau, qui s'élevait sur ce point à 30 centimètres.
Les trains de Bordeaux éprouvent des retards insignifiants par suite du ralentissement de leur marche à certains endroits où l'eau baigne les remblais. Entre la station du Boucau et celle de Labenne se trouve la plus grande quantité d'eau ; là les rails étaient couvert hier de dix centimètres. M. Nordling, ingénieur de la voie, a passé la journée sur les lieux. Toutes les précautions nécessaires ont été prises, et les trains circulent en toute sécurité."
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