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mardi 11 mars 2025

UNE ENQUÊTE SUR L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN 1833 AU PAYS BASQUE (quatrième partie)

 

L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE AU PAYS BASQUE EN 1833.


Après la loi Guizot du 28 juin 1833, une vaste enquête est lancée, dans toute la France, durant l'automne 1833, afin de connaître l'état de l'enseignement primaire.



pays basque enseignement primaire éducation 1833
CARTE BASSES-PYRENEES 1826




Voici ce que rapporta à ce sujet M. Hourmat dans le Bulletin du Musée Basque N° 24 en 1964 :



"Etude.

L'Enseignement Primaire dans le Pays Basque d'après l'enquête de 1833.



"... En général les effectifs se gonflaient en hiver et s'amoindrissaient en été : sur les registres de l'enquête de 1833, une seule école fait exception dans le Labourd : une des écoles de Saint-Pée (erreur ? ou conditions locales particulières comme le forestage hivernal ?). Les effectifs déclarés dépassaient en hiver de 30 à 50 % ceux de l'été. Les travaux des champs, la garde des troupeaux faisaient abandonner dès le printemps l'école ; il en était de même en Soule et Basse-Navarre : le nombre des écoliers diminuait du tiers, des deux tiers (OssèsAinhice, Béhorléguy, Çaro, etc.), voire des trois-quarts (Montory). Mais dans une quinzaine de communes, les effectifs étaient plus importants en été, et dans quelques autres égal en toutes saisons. Le forestage, la difficulté de circuler en hiver pourraient expliquer ces irrégularités — encore faudrait-il connaître plus précisément les aspects de la vie rurale et pastorale dans ces villages. Par ailleurs, telle déclaration de maître d'école laissait l'inspecteur Montlezun assez sceptique ; il dénombrait 25 élèves là où le maître déclarait un effectif de 40 en hiver (Larceveau-Cibits), il en était de même, dans une proportion plus ou moins grande, à Iholdy, Hélette, Aincille, Çaro, Saint-Jean-le-Vieux, et à Espès, où le jour de l'inspection "il n'y avait pas un seul élève". En ce mois d'octobre "les vendanges et les châtaignes retenaient beaucoup d'enfants" dans le canton de Mauléon ; et "les instituteurs avaient beau aller par toutes les maisons pour avoir des enfants au jour du passage (de l'inspecteur)", ils n'arrivaient pas à avoir leur école au complet, comme le leur avait recommandé l'inspecteur. Mieux encore : certaines écoles étaient fermées, à Charritte-de-BasUndurein, Etchary, et Montlezun exprima son plus vif mécontentement aux instituteurs : ces derniers ne faisaient, d'ailleurs, que respecter d'anciennes habitudes. Dans le canton de Saint-Etienne-de-Baigorry les parents étaient "très peu exacts à envoyer leurs enfants à l'école", et les enfants étaient destinés très jeunes, "à la garde des troupeaux sur la montagne". Les enfants des communes du canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, suivaient les classes "sans règles, sans assiduité". L'irrégularité dans la fréquentation scolaire ne permettait guère d'attribuer une signification réelle à la "durée moyenne de scolarité" dont se préoccupait l'enquête de 1833.



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ECOLE DES FILLES ST-ETIENNE-DE-BAÏGORRY
BASSE-NAVARRE D'ANTAN



Ces effectifs déclarés comprenaient le plus souvent des enfants "des deux sexes". Ainsi dans toutes les écoles du canton de Saint-Etienne-de-Baïgorry, dans toutes celles, à une exception près, du canton de Saint-Palais, et dans toutes celles, à deux exceptions près, du canton de Tardets : les écoles réservées aux "mâles" se trouvant à Tardets, là où existait une école de filles ; il en était de même, dans l'arrondissement de Bayonne, à Ciboure, Urrugne, Ustaritz, Hasparren, Saint-Pierre d'Irube. Ces écoliers étaient admis de 5, 6, 7 ans à 12 et parfois 14 ans : le plus souvent, la "première communion" marquait la fin de la scolarité. Dans le village du canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, écrivait Montlezun, les parents envoyaient leurs enfants à l'école "pour un temps", "pour les faire disposer à la première communion ». L'enseignement du catéchisme demeurait en effet, en 1833, "à la base des matières de l'enseignement".



L'instruction primaire la plus répandue se limitait à "l'instruction religieuse, la lecture, et un peu d'écriture" ; dans les cas les plus favorisés, s'y ajoutaient le calcul (ou "calcul pratique", "pratique des opérations", et parfois système décimal ou "nouveau système") et la grammaire. Exceptionnel était, dans les écoles de village, l'enseignement du dessin linéaire, de quelques notions d'arpentage, de la géographie. Pour l'arrondissement de Bayonne, les réponses de l'inspecteur Pasteur au questionnaire de l'enquête furent malheureusement hâtives ; cependant, si dans les quatre communes de Lahonce, Mouguerre, Saint-Pierre d'Irube et Urcuit "les matières d'enseignement" se réduisaient à l'instruction religieuse, la lecture, l'écriture, à Arcangues le jeune maître Abeberry, titulaire du brevet de 2e degré, y ajoutait "les éléments de grammaire, l'orthographe, le calcul" et même l'histoire. Dans le canton d'Espelette, l'enseignement du "calcul pratique" et de la "grammaire" semblait général. Dans une école d'Hasparren, l'instituteur Roquelaure enseignait aussi "la géographie, les changes étrangers, la tenue des livres" alors que son collègue Marlère, se limitait à l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, et faisait "tant soit peu de calcul". Dans deux écoles de Bardos, deux écoles de hameaux probablement, les maîtres n'apprenaient à leurs écoliers, "que les premiers principes de lecture". Terminons sur un cas exceptionnel, dans l'arrondissement de Bayonne : un des instituteurs de Saint-Pée, Brave, âgé de 66 ans, "ne savait pas lire un mot en français et moins encore le parler", son enseignement se limitait à celui "de l'instruction religieuse et de la mauvaise lecture de l'idiome basque".


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ECOLE DES FILLES BIDART
PAYS BASQUE D'ANTAN

Dans l'arrondissement de Mauléon l'instruction primaire était encore plus faible. Les premiers éléments de lecture représentaient tout le programme d'enseignement des écoles de Moncayolle, Chéraute (Ossain Ibar), Baïgorry-Urdos, Baïgorry (école du maître Dufeyte), Undurein, Sorholus, Ossès, Ainhice, Ahaxe, Saint-Michel. On n'y apprenait ni l'écriture, ni le calcul. Dans de nombreuses classes, le maître d'école enseignait "un peu d'écriture, et pas d'arithmétique" ou "un peu d'écriture et un peu d'arithmétique", ainsi à Lantabat, Juxue, ArmendaritsGottein, Aussurucq, Ordiarp, Banca, Lacarre, Bussunarits-Sarrasquette, Sussaute. Sur les 26 élèves qui fréquentaient en hiver l'école d'Oyhercq, trois "écrivains" étudiaient les premiers éléments d'écriture, et un d'entre eux les premières règles d'arithmétique. L'instituteur de Charritte-de-Bas ne put montrer à l'inspecteur qu'un seul cahier d'élève. Une instruction plus complète permettait l'apprentissage des quatre genres d'écriture et des règles d'opérations. Ces dernières étaient parfois réduites à celles de l'addition et de la soustraction (à Lacarre, et à Barcus-Malthe) Toutefois à Baïgorry (école du maître Brust), aux Aldudes (école du maître Celhays), à Ainhice-Mongelos, Berraute, Labets, Montory, certains élèves apprenaient les quatre genres d'écriture, les quatre opérations, le système décimal. On se contentait parfois d'enseigner "l'écriture bâtarde et cursive" (à Mauléon, Alos), "la ronde, anglaise" Bidarray), "ronde, bâtarde, anglaise" (Barcus). Mais trop souvent, constatait Montlezun, se poursuivait l'enseignement du "vieux système des poids et mesures", des "sous et deniers" : à Abense-de-Bas, Lecumberry, Lohitçun, Orsanco, Pagolle, Béguios, Saint-Jean-le-Vieux, et le maître d'école de Domezain, Arostéguy, dut promettre à l'inspecteur "d'apprendre le nouveau système qu'il ignore". Dans les écoles de chef-lieu de canton, l'enseignement était plus complet : à Saint-Jean-Pied-de-Port, Roby apprenait à ses élèves : l'écriture anglaise, bâtarde, le système décimal, les nombres complexes, les fractions — et à Tardets. Larronde enseignait le dessin linéaire et l'arpentage. Mais dans l'ensemble, en 1833, les instituteurs de village demeuraient fort ignorants et "arriérés" en grammaire et en arithmétique dont ils n'avaient guère étudié eux même "les procédés nouveaux".



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PLACE D'AICIRITS
PAYS BASQUE D'ANTAN


A la médiocrité de l'instruction correspondait le plus souvent un matériel scolaire des plus réduits. Quels livres utilisait-on dans les écoles primaires du Pays Basque en 1833 ? Les manuels d'instruction religieuse étaient les plus nombreux, et les plus souvent cités par les inspecteurs : "le catéchisme historique en français", "l'abrégé de l'histoire sainte" s'ajoutaient, dans les écoles de l'arrondissement de Bayonne, au "catéchisme du Diocèse" en basque, à "l'Imitation de Jésus-Christ en basque". Le consciencieux Montlezun en citait bien d'autres dans les écoles de Soule et de Basse-Navarre : "l'Histoire Sainte en français", le Nouveau Testament ou Testament de Sacy, le catéchisme historique de Fleury ; des livres d'heures de prières et plus généralement : l'Histoire Sainte en basque ; l'Imitation de Jésus-Christ en basque, un "Testament berrico historioa" (à Lasse), les "liburu spiritualac" ou les "exercisio spiritualac", à Ascarat, Saint-Etienne-de-Baigorry, etc..., un livre de cantiques basques, et à Aincille, une "eucologia ttipia". Certains élèves disposaient du célèbre livre : De la civilité chrétienne, et des Devoirs du chrétien, de "la morale en action" (à Saint-Jean-Pied-de-Port), du Télémaque, et de quelques œuvres de Berquin. Les manuels de grammaire et d'arithmétique cités par Montlezun étaient moins nombreux : "la grammaire de Le Tellier", "la grammaire de Chaptal", et "la grammaire de Lhomond",  "l'arithmétique de Bezond". Parmi les livres de l'école de Garindein, Montlezun notait "le magasin pour enfants", et dans d'autres écoles, des "paroissiens latins". Enfin un peu partout se retrouvaient les alphabets et syllabaires, dont "le petit alphabet latin" et "le syllabaire latin" que Montlezun voulait proscrire des écoles primaires.



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MAIRIE ET MAISON D'ECOLE LICQ-ATHEREY
SOULE D'ANTAN


En fait, la plus grande partie des écoliers n'étaient pas pourvus de livre uniformes et en nombre satisfaisant, ce qui interdisait entre autres choses l'application d'une véritable "méthode simultanée". Celle-ci exigeait par ailleurs, un "mobilier scolaire", fût-il réduit au minimum indispensable. Les écoles communales de 1833 en étaient le plus souvent dépourvues.



Au questionnaire de l'enquête qui se préoccupait de connaître quels étaient "les objets dont manquait l'école", l'inspecteur de Bayonne répondait, pour les écoles rurales du canton de Bayonne Nord-Ouest : "presque de tout, rien d'uniforme, ni d'assorti", et dans les autres cantons, de très nombreuses salles sont "à réparer", "à planchéier", "à vitrer". Montlezun apporte plus de précision dans ses rapports sur les écoles de l'arrondissement de Mauléon, encore plus démunies. De nombreuses classes étaient dépourvues de bancs et de tables : à Arhansus, dont le maire fit des promesses à l'inspecteur, lequel ne s'y fiait guère ! à Ibarre, à L'Hôpital Saint-Blaise, où Montlezun suggéra de s'adresser à l'administration forestière, pour meubler à moindres frais l'école, à Ascarat, Ossès, Ahaxe. La "pénurie était complète" à Saint-Michel et Camou-Sihigue ; les écoles de Lacarry et d'Arnéguy "étaient dépourvues de tout", et celle d'Alçay-Alçabéhéty-Sunharette  "était dénuée de tous les objets", comme l'était celle de Sussaute "une des plus tristes écoles de l'arrondissement". A Chéraute (Ossain-Ibar), "il n'y avait rien". D'autres écoles ne disposaient, pour tout mobilier, que de bancs (à Sauguis, Trois-Villes), de bancs "très vieux" Bidarray) ; et si certaines écoles étaient pourvues d'une ou deux tables, celles-ci étaient fort mal disposées : il faudrait, répétait bien souvent Montlezun, "des tables pour écrire", c'est-à-dire, des "tables en pente", des "tables en pente des deux côtés" ; seule l'école d'Arraute-Charritte "disposait d'une très bonne table à écrire" ; à Oyhercq "la table basse ne valait rien" et à Bustince, le maître promit de "modifier la disposition de la table", à Juxue ce fut le curé qui promit à l'inspecteur de fournir à l'école une table convenable. Cependant les salles de classe de Mauléon, Barcus, Lacarre, Tardets, Saint-Jean-Pied-de-Port étaient "bien pourvues".



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ECOLES ET RUE PRINCIPALE BARCUS
SOULE D'ANTAN


A suivre...



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