LA CHASSE AUX PALOMBES EN 1936.
La chasse aux palombes existe au Pays Basque, des deux côtés de la frontière franco-espagnole, depuis des centaines d'années.
Voilà ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire A la page, le 17 décembre 1936 :
"Des amis basques nous envoient ce bel article sur la chasse qui se pratique, chaque mois d’octobre, sur les montagnes de leur pays.
La palombe est un pigeon sauvage vivant habituellement en Scandinavie, mais hivernant au Portugal et au Maroc. Leurs vols traversent la France, se reposent dans les Landes, y font provision de glands, et au premier vent qui souffle du Nord prennent la direction des Pyrénées. Les palombes les franchissent toujours au pays basque. C’est là que d’habiles chasseurs les attendent.
L’aube caresse à peine la cime des montagnes que déjà nous roulons sur la route en lacets qui longe cette admirable vallée de la Nive que nous allons suivre jus qu’à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Au passage, nous prenons l’aimable animateur de cette journée, l’abbé L.., Basque 100 pour 100 et Nemrod passionné qui va nous initier aux arcanes de la chasse à la palombe.
Et en route pour la palombière de Lecumberry.
C’est deux heures de montée sac au dos à travers les pierrailles du chemin, deux heures d’efforts sous les railleries de l’abbé qui avance allègrement et se moque des citadins que nous sommes.
Le chemin, très resserré, s’élargit brusquement en un vaste plateau herbu ombragé de hauts arbres. Un filet haut d’une dizaine de mètres est dressé devant nous ; cinq autres traînent à terre. Ils peuvent être manœuvrés par des leviers qui se trouvent dans la maisonnette en planches toute feuillue et très basse que nous apercevons à quelque trente mètres de là. Trente mètres encore et nous nous trouvons en présence d’une amusante petite cabane construite sur pilotis et dissimulée par un grand chêne ; une longue échelle permet d’y accéder. C’est là que sont postés les guetteurs. Ils ont à leur disposition une foule de planchettes losangées rappelant la forme de l’épervier qu’ils lanceront au moment opportun. Plus loin encore, de part et d’autre du col et toujours dissimulées dans la verdure, d’autres cabanes de guetteurs.
AUX PALOMBIERES SARE LA TOUR PAYS BASQUE D'ANTAN |
Puis l’étreinte des montagnes se desserre, les arbres s’écartent... une autre vallée fait monter vers le soleil l’offrande de sa vapeur légère.
En ce moment, à la palombière, des hommes s’affairent depuis l’aube à la confection des planchettes losangées qu’ils taillent à coups de serpe dans du bois tendre. Les "chattarak" sont à leur poste ; on les appelle ainsi parce qu’ils sont munis d’une longue gaule à laquelle on a fixé un morceau de toile blanche.
Tous attendent impatiemment le signal annonçant un vol de palombes. Nous, nous jouissons de la beauté et de la sérénité du lieu. La montagne flamboie de ses fougères qu’octobre a rougies. Tout est paix et clarté ; les clochettes d’un troupeau lointain, soûles, font parler le silence...
Mais, soudain, une longue sonnerie gutturale déchire l’air. Ce sont les chattarak qui sonnent leur "tuuta adarra" (sorte de long cornet de bois), et ainsi avertissent de l’approche d’un vol ; précaution indispensable pour que chacun se tienne prêt et que les gardiens de filets se terrent dans leur cabane. Au moment où les palombes arrivent, il suffirait qu’elles se doutent de la moindre présence humaine pour qu’elles remontent brusquement en hauteur.
FILETS PALOMBIERES SARE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dès que le vol est en vue, les chatarrak manient leur drapeau et font dévier les palombes vers les gorges. Quand elles arrivent à la hauteur des premières cabanes perchées sur les arbres, les paletak (rabatteurs) lancent leur épervier de bois en imitant le cri de l’oiseau de proie. Les palombes, croyant à l’attaque d’un rapace, plongent vivement vers le sol.
Le vol se relève bien vite, mais c’est alors que d’autres paletak, postés à l’endroit voulu, lancent d’autres éperviers pour maintenir les palombes à la hauteur des arbres qui tiennent les filets.
RABATTEUR DE PALOMBES PAYS BASQUE D'ANTAN |
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