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vendredi 22 juillet 2022

LA CHASSE AUX PALOMBES À LECUMBERRY EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN OCTOBRE 1936

LA CHASSE AUX PALOMBES EN 1936.


La chasse aux palombes existe au Pays Basque, des deux côtés de la frontière franco-espagnole, depuis des centaines d'années.




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VUE GENERALE DE LECUMBERRY
BASSE-NAVARRE D'ANTAN



Voilà ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire A la page, le 17 décembre 1936 :



"Des amis basques nous envoient ce bel article sur la chasse qui se pratique, chaque mois d’octobre, sur les montagnes de leur pays. 

La palombe est un pigeon sauvage vivant habituellement en Scandinavie, mais hivernant au Portugal et au Maroc. Leurs vols traversent la France, se reposent dans les Landes, y font provision de glands, et au premier vent qui souffle du Nord prennent la direction des Pyrénées. Les palombes les franchissent toujours au pays basque. C’est là que d’habiles chasseurs les attendent. 



L’aube caresse à peine la cime des montagnes que déjà nous roulons sur la route en lacets qui longe cette admirable vallée de la Nive que nous allons suivre jus qu’à Saint-Jean-Pied-de-Port.



 Au passage, nous prenons l’aimable animateur de cette journée, l’abbé L.., Basque 100 pour 100 et Nemrod passionné qui va nous initier aux arcanes de la chasse à la palombe



Et en route pour la palombière de Lecumberry. 



C’est deux heures de montée sac au dos à travers les pierrailles du chemin, deux heures d’efforts sous les railleries de l’abbé qui avance allègrement et se moque des citadins que nous sommes. 



Le chemin, très resserré, s’élargit brusquement en un vaste plateau herbu ombragé de hauts arbres. Un filet haut d’une dizaine de mètres est dressé devant nous ; cinq autres traînent à terre. Ils peuvent être manœuvrés par des leviers qui se trouvent dans la maisonnette en planches toute feuillue et très basse que nous apercevons à quelque trente mètres de là. Trente mètres encore et nous nous trouvons en présence d’une amusante petite cabane construite sur pilotis et dissimulée par un grand chêne ; une longue échelle permet d’y accéder. C’est là que sont postés les guetteurs. Ils ont à leur disposition une foule de planchettes losangées rappelant la forme de l’épervier qu’ils lanceront au moment opportun. Plus loin encore, de part et d’autre du col et toujours dissimulées dans la verdure, d’autres cabanes de guetteurs. 




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AUX PALOMBIERES SARE LA TOUR
PAYS BASQUE D'ANTAN



Puis l’étreinte des montagnes se desserre, les arbres s’écartent... une autre vallée fait monter vers le soleil l’offrande de sa vapeur légère. 



En ce moment, à la palombière, des hommes s’affairent depuis l’aube à la confection des planchettes losangées qu’ils taillent à coups de serpe dans du bois tendre. Les "chattarak" sont à leur poste ; on les appelle ainsi parce qu’ils sont munis d’une longue gaule à laquelle on a fixé un morceau de toile blanche. 



Tous attendent impatiemment le signal annonçant un vol de palombes. Nous, nous jouissons de la beauté et de la sérénité du lieu. La montagne flamboie de ses fougères qu’octobre a rougies. Tout est paix et clarté ; les clochettes d’un troupeau lointain, soûles, font parler le silence... 



Mais, soudain, une longue sonnerie gutturale déchire l’air. Ce sont les chattarak qui sonnent leur "tuuta adarra" (sorte de long cornet de bois), et ainsi avertissent de l’approche d’un vol ; précaution indispensable pour que chacun se tienne prêt et que les gardiens de filets se terrent dans leur cabane. Au moment où les palombes arrivent, il suffirait qu’elles se doutent de la moindre présence humaine pour qu’elles remontent brusquement en hauteur. 



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FILETS PALOMBIERES SARE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Dès que le vol est en vue, les chatarrak manient leur drapeau et font dévier les palombes vers les gorges. Quand elles arrivent à la hauteur des premières cabanes perchées sur les arbres, les paletak (rabatteurs) lancent leur épervier de bois en imitant le cri de l’oiseau de proie. Les palombes, croyant à l’attaque d’un rapace, plongent vivement vers le sol. 



Le vol se relève bien vite, mais c’est alors que d’autres paletak, postés à l’endroit voulu, lancent d’autres éperviers pour maintenir les palombes à la hauteur des arbres qui tiennent les filets.



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RABATTEUR DE PALOMBES
PAYS BASQUE D'ANTAN



C’est le moment stratégique, le moment minutieusement préparé que tous attendent avec anxiété. Les palombes sont maintenant à l’entrée du filet ; le chef des rabatteurs, qui, de sa cabane feuillue, n'a perdu aucun de leurs mouvements, actionne un levier de bois qui déclenche la chute du filet... 



Les palombes sont prises. Elles se débattent, épouvantées, dans un tumulte de cris discordants et d’ailes qui s’agitent désespérément. Quelques-unes seulement ont pu regagner le ciel libre où de fins tireurs essayent de les abattre au fusil. 



Cependant, les rabatteurs se sont précipités. Très vite ils dégagent les palombes et les entassent dans la vaste poche de leur tablier. Quelques-unes sont mutilées par le choc brutal du filet.



Combien y en a-t-il ? 150, 200, peut-être plus. Les sensibilités féminines de notre groupe sont émues par ce carnage. Je me baisse, et voici que je tiens dans mes deux mains refermées un de ces oiseaux, il y a quelques instants encore flèche vivante dans le ciel clair, maintenant petite chose de plumes abandonnée et inerte ; un collier vert bordé de rouge cerne le cou émaillé de plumes blanches et tranche sur le gris bleu des ailes et du ventre. Innocente palombe, tu es victime de l’homme, immolée pour son plaisir... 



Et la chasse continue ; fructueuse par beau temps, médiocre par vent du Sud, nulle aussi parfois malgré les désirs et les souhaits des chasseurs. La fin du jour, seule, interrompt leur zèle. Les palombes sont mises dans de grands sacs que l’on charge sur un bourriquot. Une sonnerie de "tuuta adarra" réunit les chasseurs, puis c’est la descente, sauf pour le gardien de filets. 



A un signal donné, les "tuutari" égrènent dans le soir leurs sonneries monotones et un peu sauvages. Après un avertissement prolongé, chaque sonnerie brève du cor annonce une centaine de



Quelques sonneries encore, puis le silence se rétablit, troublé seulement par les chants et les "irrintzina" des chasseurs. 



Nous restons un peu en arrière, et, pour terminer cette journée bien basque, quelques-uns chantent doucement dans la nuit maintenant complète le chant du Labour au charme si prenant : "Urzo charria, errazu, norat zohazi... Blanche palombe, dites, où allez-vous ?..."





 




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