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lundi 11 juillet 2022

LES LAZARETS D'IRUN ET DE FONTARRABIE EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN OCTOBRE 1884 (deuxième et dernière partie)


LES LAZARETS EN GUIPUSCOA EN 1884.


A la fin des années 1900, le choléra sévit en Espagne et des deux côtés de la frontière, pour éviter la propagation de cette maladie mortelle, sont mis en place des lazarets, c'est-à-dire des établissements où s'effectue un contrôle sanitaire.



pais vasco antes lazareto irun
LAZARET IRUN 1884
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que raconta la presse dans le journal La Gironde, le 15 octobre 1884 :



"Les Quarantaines espagnoles.



Il est grand temps que le régime des quarantaines prenne enfin un terme en Espagne. Jamais, de l’avis même des journaux indépendants de Madrid, administration n’a révélé plus crûment au public les misères d’une défectueuse organisation. Jamais on n’a été témoin de tant d’actes d’arbitraire. Jamais on n’a tant vu d’anarchie. Certes, les réclamations que nous avons reçues, depuis trois ou quatre mois, de la part d’infortunés correspondants contraints de subir les vexations de Messieurs de la santé espagnole, ont été nombreuses, mais aucune peut-être ne visait de fait ayant à un aussi haut degré revêtu le caractère d’irritante partialité, d’insupportable injustice que celui qu’on nous signale aujourd'hui de Fontarabie.



Voici, d’ailleurs, le texte d’une dépêche adressée à cette occasion par nos correspondants à M. l’ambassadeur de France à Madrid, pour lui soumettre le cas qui motive leurs plaintes :



"A Monsieur l'Ambassadeur de France à Madrid



Les soussignés, citoyens français, en quarantaine à Fontarabie depuis le sept octobre, ont l'honneur de porter à votre connaissance que, par ordre supérieur trois artistes lyriques, venant d'Italie, ont été autorisés à quitter le lazaret aujourd'hui, sous prétexte qu'ils se trouvaient à Hendaye plusieurs jours avant rentrée en quarantaine. 



Or, le livre d'inscription au consulat d’Espagne à Hendaye prouve que les soussignés sont tous dans le même cas ; c’est pourquoi ils sollicitent de votre bienveillance de vouloir bien intervenir pour leur faire obtenir la même faveur.



Les soussignés viennent de signer avec leurs collègues, sujets espagnols, une dépêche aux mêmes fins à M. le président du conseil des ministres à Madrid."

(Suivent les signatures, au nombre de quinze) 



pais vasco antes lazareto irun
VOYAGEURS FRANCAIS 
LAZARET IRUN 1884



Ainsi, pendant que d’honnêtes commerçants pour qui le temps est de l’argent sont retenus au lazaret sans considération pour leurs affaires, on ouvre toute grande la porte à des comédiens moins pressés d’arriver. Certes, placer les arts au-dessus du négoce, c’est témoigner que l’on possède un goût délicat. Malheureusement, ce n’est pas de l’esthétique que les peuples demandent à leurs administrateurs, mais de la bonne administration et de la justice. Or, est-ce de la bonne administration que d'autoriser à quitter le lazaret — le principe du lazaret admis — des voyageurs venant d’Italie, c'est-à-dire du pays aujourd’hui le plus contaminé de l’Europe ? Et est-ce de la justice de retenir dans ce même lazaret d’autres voyageurs arrivés à la même date que les précédents, alors surtout qu'ils viennent de Paris, de Lille, du nord de la France, enfin où le choléra n’a jamais été signalé ? il suffit de poser la question.



D’ailleurs, ainsi que nous en avons fait déjà la remarque, les Espagnols eux-mêmes souffrent aussi terriblement que nous de toutes ces chinoiseries de leur administration sanitaire. Nous n’en voudrions pour nouvelle preuve que la lettre écrite au Noticiero Bilbaino par dix négociants de Bilbao et que nous trouvons aujourd’hui dans ce journal. Ces honorables commerçants s'étonnent que l’on impose sept jours de quarantaine aux provenances de Bordeaux, "alors, disent-ils, que la santé publique est parfaite dans cette ville, ainsi que le sait le gouvernement lui-même." Ils appellent l’attention de l’administration sur ce fait pris entre cent que, par suite de ces mesures, le commerce de la morue se trouve entièrement suspendu, cet article se gâtant facilement s'il reste trop longtemps enfermé dans les barils qui le contiennent. De là, de très sérieuses pertes pour le Trésor espagnol, qui n’a pourtant pas besoin de cela, semble-t-il. De là encore un surcroit de privations pour les classes laborieuses, pour lesquelles la morue est un aliment précieux.



Les réclamations de ces messieurs se terminent ainsi : "Le gouvernement français, qui a fait do grands sacrifices pour développer la pêche de la morue par des navires portant le pavillon tricolore, voit avec regret le commerce de la France privé de ses marchés naturels, qui sont les nôtres. Il ne serait donc point étonnant qu’il usât de son droit de représailles, si par une prompte mesure notre gouvernement ne met un terme à des quarantaines que rien ne justifie et qui, sans profiter à personne, causent des préjudices si graves et si nombreux." Voilà ce que pensent les Espagnols des procédés de la Santé du royaume. Nous aimons assez à voir cette opinion formulée par eux-mêmes.



A coté des incidents déplorables provoqués par la quarantaine terrestre, et dont nous parlions tout à l’heure, vient se placer un incident héroï-comique. Un différend vient de s'élever entre M. Albert Millaud, du Figaro, et le gouverneur du Guipuzcoa. Notre confrère, que sa mauvaise fortune a forcé de passer la frontière, s’étant livré dans ses correspondances humoristiques à des attaques contre l'organisation des services sanitaires espagnols, l’opinion publique s'est assez vivement émue de l’autre côté des Pyrénées.



Il résulte d’une lettre adressée par M. Millaud à l'Imparcial que notre confrère était tout disposé à donner à l’opinion toutes les satisfactions compatibles avec son honneur, quand l'intervention du gouverneur du Guipuzcoa est venue aggraver l'incident. Voici la traduction de la lettre adressée par le collaborateur du Figaro au directeur de l'Imparcial :


"Madrid, 8 octobre 1884. 

Monsieur le Directeur de l'Imparcial


Monsieur et ma considération : En présence de l'émotion causée par mes lettres humoristiques, auxquelles la presse espagnole a donné plus d’importance qu’elles n’en méritent, je me suis présenté spontanément à M. le président du conseil des ministres pour lui exprimer mon regret, mes vives sympathies pour l'Espagne, en ajoutant que je ferais mon possible, en continuant mes lettres, pour réparer les injustices qu’on m'accuse d’avoir commises.


Mais le télégramme du gouverneur du Guipuzcoa, que vous avez publié postérieurement, m’oblige à suspendre momentanément la réparation qu’avec tant de bonne volonté je me préparais à donner. Mon honneur m’a contraint à envoyer à D. Francisco Cassa la réponse télégraphique que réclamait son télégramme, et à me disposer moi-même à partir pour Irun. Mais, ayant appris que le gouverneur a été appelé à Madrid, j’ai résolu de l’attendre dans cette capitale.


Je vous prie. Monsieur le Directeur, de publier ces lignes, en recevant d'avance, pour leur publication, les remerciements de celui qui a l'honneur de se déclarer votre serviteur très déférent et très sûr, en baisant votre main. 

Albert Millaud."



D'autre pari, le gouverneur du Guipuzcoa avait adressé la lettre suivante au ministre de l'intérieur :


"Irun, 6 octobre, 2 heures 30 soir. 

Le gouverneur de Guipuzcoa au ministre de la gobernacion (intérieur). 


Je viens de lire le Figaro de Paris du 4 octobre, et je m'adresse à Votre Excellence comme gardien de l'honneur des fonctionnaires sous ses ordres, en élevant la protestation la plus énergique contre l'infâme libellé qui, signé par Millaud, qui est aujourd'hui à Madrid, a paru dans ce journal.


Tout ce que dit cette correspondance et peut affecter l'honneur de l’armée et des employés est une insigne calomnie qui doit être punie. Jusqu'au 4, je n’ai pas eu l'occasion de parler à M Millaud, et je ne sais à quels employés du gouvernement il peut faire allusion en disant qu'il s’en trouve qui critiquent les mesures sanitaires.


Ce que je puis assurer à Votre Excellence, c'est que si j'avais eu, ce jour là, connaissance d'un semblable article, j’aurais oublié pour un moment mon caractère de gouverneur pour me souvenir seulement que j'étais Espagnol.


Dans tons les cas, je ne me plains pas des preuves d'éducation que j'ai données à ces messieurs et qui établissent la différence qui peut exister entre un gentilhomme et un aventurier.


Je prie Votre Excellence d’excuser la véhémence de mon langage."



D’après el Dia, l’affaire sc serait arrangée à l’amiable. Nous nous en félicitons. Mais il est grand temps, en vérité, que le régime, aussi vexatoire qu’inutile, des quarantaines prenne fin sur la frontière espagnole ! Espagnols et Français, nous y gagnerons tous."




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