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mercredi 6 juillet 2022

LE NATIONALISME DANS LES PROVINCES BASQUES EN 1904 (troisième partie)

LE NATIONALISME DANS LES PROVINCES BASQUES EN 1904.


Dès la fin du 18ème siècle, l'idée de nationalisme Basque commence à naître, en Pays Basque Sud (Hegoalde).





pais vasco antes nacionalismo
SABINO ARANA GOIRI



Voici ce que rapporta La Petite Gironde, le 16 mai 1904, sous la plume de C. Béguin :



"Le Nationalisme dans les Provinces basques.



...III. L'argument tiré de la langue est, avec la différence de race, celui qu'invoquent le plus volontiers les nationalistes ou biskaïtarras à l'appui de leur thèse d'après laquelle les Basques possèdent une personnalité propre et constituent une nation à part. Quelle que soit la valeur théorique de cet argument, ce qui est certain et indiscutable, c’est que la langue euskarrienne a perdu énormément de terrain depuis une trentaine d'années, et qu'elle continue chaque jour à en perdre davantage. Elle a disparu à peu près entièrement de la province d’Alava ; en Biscaye et dans la Navarre, elle a cessé d’être la langue de la majorité, et dans les villes comme Saint-Sébastien et Bilbao, ceux qui la savent sont maintenant l’exception. La langue millénaire, suivant une image très poétique de M. Arthur Campion, ancien député de la Navarre, "recule vers la cime des montagnes pour mourir plus près du ciel."



L’action du gouvernement de Madrid, nettement hostile aux langues régionales, a beaucoup contribué depuis 1876 à cette décadence du basque ; après la suppression des fueros, il installa dans les "Provinces" ses fonctionnaires et ses maîtres d’école, qui, eux, ne connaissaient d'autre langue que l’espagnole, et celle-ci devenant d’un usage indispensable, force fut bien à la population de se mettre à l'apprendre. L’établissement de la grande industrie, la création de routes et de chemins de fer, le développement des relations commerciales et l’immigration des éléments espagnols achevèrent l'œuvre commencée par le centralisme administratif. On pourrait citer de nombreux villages dont les habitants ont désappris le basque en l'espace de quinze ou vingt ans. Il est permis toutefois de se demander si ce phénomène de la disparition progressive du basque, qui n’est pas spécial au versant espagnol des Pyrénées, et que l'ou observe également de ce côté-ci de la frontière, ne tient pas à des causes plus profondes, et en quelque sorte inhérentes à la langue elle-même. Remarquez que le catalan n'a nullement souffert de la concurrence espagnole, et que dans notre Midi qu'il s'agisse de la Gascogne ou de la Provence, les parlers locaux subsistent côte à côte avec le français. Pourquoi n’en est-il pas de même pour le basque ? La raison n’en serait-elle pas que celui-ci est une langue d'un type exotique aussi riche en inflexions désignant les choses réelles et concrètes qu'elle est pauvre en termes servant à exprimer l'abstrait ? "Si vous lui enlevez l’élément latin qui représente les concepts les plus généraux et les idées spirituelles, il vous reste la langue d’un peuple au niveau de n’importe laquelle des tribus à demi sauvages qui errent dans l’épaisseur des forêts. Aucune trace en elle d’une antique mythologie ou d'un embryon de civilisation. Le nom même de Dieu, Jaungoiko, le Seigneur d'en haut m'a toujours paru un vocable inventé par les missionnaires." Ainsi s’exprime un Basque qui occupe en Espagne une situation éminente, M. Miguel de Unamuno, recteur de l'Université de Salamanque. Et M. de Unamuno conclut de là que non seulement la langue basque est appelée à disparaître par l’effet d'une loi inéluctable, mais que sa disparition est désirable. Au mois d'août 1901, dans un discours prononcé à l’occasion des jeux floraux de Bilbao, et qui eut un retentissement énorme, il s’enhardit à soutenir cette thèse en public, et traita le basque de "magnifique sujet d’étude", de "vénérable relique" qu'il "convenait d'enterrer avec de dignes funérailles". Les protestations indignées que ces paroles provoquèrent vinrent prouver à M. de Unamuno qu'il était en désaccord sur ce point avec le sentiment populaire.  



Les nationalistes ont bien été obligés de tenir compte du phénomène de la disparition de la langue dans l’adoption d’un critérium permettant de distinguer le Basque de l'immigré espagnol. Pour le paysan basque, ce critérium est très simple ; à ses yeux, il n’existe que deux catégories de gens : les euskaldunak ceux qui parlent l'euskera, c’est-à-dire la langue euskarienne, et les errdaldunak, ceux qui parlent erdera, terme qui englobe toutes les langues autres que le basque. L’adoption de ce critérium populaire, le seul rationnel du reste, eût mis les biskaïtarras dans la nécessité de refuser la qualité de Basques à un nombre considérable d'individus. Aussi en ont ils adopté un autre d’après lequel c'est l’origine basque du nom patronymique qui est le signe distinctif de la nationalité. 



Mais il semble bien qu’ils aient compris tout ce que cette distinction présente de factice et d'arbitraire, et d'autre part, ils se sont rendu compte de l'importance de la langue comme moyen d’action en vue des fins politiques qu'ils poursuivent. De là leurs efforts pour enrayer la décadence du basque et pour le remettre en honneur. Je dois ajouter, car c’est là le point le plus intéressant, que dans cet ordre d'idées le nationalisme a visé plus haut encore et qu’il s’est attelé à la tâche singulièrement ardue de faire du basque une langue littéraire avec la prétention non dissimulée de le substituer un jour à l'espagnol comme langue des relations commerciales, de l'administration, en un mot comme langue officielle de l’Etat basque qu’il rêve de constituer. A cet effet, ses linguistes se sont mis à l'œuvre : tout d’abord, ils ont réformé l'orthographe ; puis, ils ont fabriqué des mots à la douzaine suivant des règles établies par eux-mêmes, en utilisant les facilités qu’offre le basque de former des mots dérivés. Ils sont ainsi parvenus à mettre sur pied une sorte de volapük dont le principal défaut est de n’être intelligible que pour les seuls initiés. Voulez-vous un exemple de ces procédés de fabrication ? Les prénoms les plus usuels empruntés aux noms de saints ou de saintes n'avaient pas leurs équivalents eu Basque. Cette lacune regrettable demandait évidemment à être comblée, et ainsi fut-il fait. Voici deux échantillons des résultats obtenus : Pierre, entre les mains des euskarisants nationalistes, est devenu Kepa, et Louis Kolbika. En vertu de quelles règles de syntaxe ? Il serait trop long de l’expliquer. M. Sabino Arana, chef du parti nationaliste, signait Arana eta Goïritar Sabin



J'ignore si les philologues du nationalisme ont réussi à faire de la langue basque l’instrument perfectionné qu’ils se proposent. Quoi qu’il en soit, par une contradiction qui ne manque pas d’ironie, la propagande du parti se fait surtout en langue espagnole, soit que celle-ci se prête mieux que la première à l'expression des idées qu’il défend, soit parce qu’elle est comprise d’un plus grand nombre d’individus, ou bien pour ces deux raisons à la fois.  


pais vasco antes fueros carlistas
PROVINCES VASCONGADES ILLUSTREES
PAYS BASQUE D'ANTAN


N'envoyez pas vos enfants à l'école, disait un jour du haut de la chaire un curé basque, parce qu'on y enseigne l’espagnol et que l'espagnol est le véhicule, des idées libérales. Ce raisonnement est celui de plusieurs parmi les défenseurs intransigeants du basque. Le» considérations dont ils s’inspirent sont d’un ordre essentiellement pratique, et l’intérêt scientifique qu'il peut y avoir à conserver une langue aussi originale et aussi ancienne n’y tient aucune place. Ce qu'ils voient dans le basque, c’est uniquement un moyen de maintenir le paysan dans l'ignorance, c'est-à-dire soumis à l’influence cléricale. Ainsi procédaient les moines aux Philippines au temps de la domination espagnole, comme le rappelait récemment M. Salmeron dans un discours où il établissait un rapprochement entre l’œuvre des ordres religieux dans cet archipel et dans les provinces basques."






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