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dimanche 10 juillet 2022

LE PAYS BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (deuxième partie)

LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LE PAYS BASQUE.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.


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8 FEVRIER 1790 CREATION DU DEPARTEMENT
DES BASSES-PYRENEES





... Il n'est guère fait de place à l'émigration de la noblesse basque sur les listes d'émigrés. Cette faible représentation numérique tient au fait que le Pays basque est en partie un pays de franc-alleu et que la féodalité n'a y donc guère pénétré, hormis en Basse-Navarre. La noblesse labourdine est quantitativement sans importance. De plus, elle est absente du Biltzar, assemblée qui regroupe les députés des paroisses, et ne joue, de ce fait, aucun rôle politique. Les États de Soule étant très affaiblis, la noblesse n'y détient qu'un pouvoir théorique, et elle n'acquiert une certaine importance qu'en Basse-Navarre. En conséquence, le Pays basque ne répond que faiblement au mouvement d'émigration politique. Néanmoins, certaines personnalités de la noblesse locale telles que le vicomte de Macaye, le comte de Caupenne, ou bien les familles de Gramont, Armendarits, Belzunce ou Charitte vont quitter la France. Ces émigrés appartiennent soit à une noblesse terrienne ou parlementaire, soit à une noblesse militaire et leur émigration, même faible, va avoir d'importantes répercussions sur les événements révolutionnaires ultérieurs qui vont toucher le Pays basque.



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ARMOIRIE FAMILLE BELSUNCE


Pratiquement, il faut remonter à la situation intérieure de la France en 1791. La position des soldats des armées royales s'avère de plus en plus intenable, surtout après la fuite manquée du roi. Aussi, leurs départs augmentent-ils au fil des mois. Ils vont rejoindre les princes français en émigration et participer au regroupement des forces aux frontières pour former les armées contre-révolutionnaires. Si le marquis de Belzunce rejoint Bruxelles, la plupart des militaires royalistes basques passent la frontière espagnole où ils retrouvent leurs homologues gascons et béarnais. À cet instant précis, la position de l'Espagne vis-à-vis de la Révolution est mal définie. Visiblement troublée, elle s'agite, mais comme la France la sait son alliée, ses actes sont minimisés. Les correspondances échangées entre l'ambassadeur de France en Espagne et Dumouriez au printemps 1792 le confirme. Elles précisent que ces soldats, voulant continuer à servir des Bourbons, ne sont accueillis qu'avec réserve dans l'armée espagnole, leur attitude étant jugée "stupide en tout point". Mais les émigrés français continuent d'intriguer à partir du sol espagnol. Le comte de Toulouse-Lautrec tente, avec des contacts français, de former une troupe royaliste et de soulever les départements méridionaux. Or, avec la déclaration de guerre de la France contre les autres puissances étrangères, le 20 avril 1792, l'Espagne va se sentir à son tour menacée et changer d'attitude. De nouveaux militaires passent alors la frontière. Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1792, tous les officiers du 80e régiment en garnison à Bayonne, sauf onze, désertent. Ils rejoignent les autres soldats français dans l'attente de la constitution d'un régiment dans lequel ils pourront servir contre la Révolution.



Si le roi d'Espagne ne réagit que progressivement durant l'année 1792, l'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, va lui rappeler brusquement le Pacte de famille, signé entre Louis XV et son père, Charles III. La tension et l'inquiétude montant, on aboutit à la déclaration de guerre de la France à l'Espagne, le 7 mars 1793, à laquelle répond l'Espagne le 27 mars 1793. Après de nombreuses difficultés, trois régiments d'émigrés réussissent à être formés. Les deux premières armées sont baptisées le "Royal-Roussillon" et "La légion royale des Pyrénées", dans lesquelles vont servir le comte de Mauléon et le baron de Hinx. La troisième armée, la plus active, est celle conduite par le marquis de Saint-Simon et qui prendra son nom. Côté français, l'armée des Pyrénées-Occidentales est créée le 30 avril 1793 et comprend, entre autres, des compagnies de chasseurs de montagne, dont les compagnies de chasseurs basques.


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CHASSEURS A PIED BASQUES
1794-1815


... En raison du conflit, le Pays basque, limitrophe de l'Espagne, et tout particulièrement la petite province du Labourd, devient zone stratégique puis de combat. Pour faire face aux exigences de la guerre, la Convention crée puis envoie des représentants du peuple en mission auprès des armées. Ceux envoyés au Pays basque seront, tour à tour : Féraud, Garrau, Monestier, Pinet, Dartigoeyte et Cavaignac. Mais leurs pouvoirs s'étendront rapidement aux domaines civils et politiques. En réalité, ils deviennent le principal rouage politique de la Révolution en province.




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JEAN-BAPTISTE CAVAIGNAC



Partant des frontières espagnoles, la légion de Saint-Simon fait des incursions fréquentes en territoire français. Elle cherche, avec l'aide des prêtres réfractaires, à encourager la désertion et l'émigration des soldats de la République. On la retrouve particulièrement active dans les villages frontaliers du Labourd où elle distribue des tracts en français, basque et espagnol. Ces villages, tels qu'Itxassou, Ascain, Cambo et surtout Sare, sont encastrés dans la montagne et même après quatre années de révolution, ils continuent à vivre comme sous l'Ancien régime. Leur ferveur catholique est exploitée par les contre-révolutionnaires et attire les soupçons sur eux. De nombreux habitants de Sare suivent les émigrés en territoire espagnol et les autorités de Saint-Jean-de-Luz ne voient plus, dans ces allées et venues, que l'installation d'un réseau d'espionnage. La société populaire s'interroge "sur ce point de fixation royaliste" et Monestier la charge de dresser une liste des communes suspectes qu'il faudrait évacuer. Or, dans la nuit du 1er au 2 ventôse an II (19-20 février 1794), 47 chasseurs basques d'Itxassou désertent et passent à l'ennemi avec la complicité des villageois. Du reste, certains d'entre eux n'hésitent pas à les suivre de l'autre coté de la frontière. Le projet d'évacuation devient alors réalité et les représentants du peuple décrètent "l'internat des basques", le 13 ventôse an II (3 mars 1794). La "foudre nationale" s'abat ainsi sur la totalité des habitants de Sare, Ascain et Itxassou qui sont tous déportés. Certains habitants de Biriatou, Cambo, Espelette, Ainhoa, Souraïde, Larressore, Macaye, Mendionde et Louhossoa seront également déportés. Ils seront dirigés vers les départements du Lot, Lot-et-Garonne, Gers, Landes, Hautes et Basses-Pyrénées.



La soudaineté et la brutalité de la déportation sèment la terreur en Labourd et provoquent alors une forte émigration populaire. Nous ne savons que peu de chose sur ces départs. Seules les listes d'émigrés donnent quelques informations. On y retrouve inscrits, après l'arrêté de déportation, des cultivateurs et laboureurs de Cambo et ď Itxassou. Des familles entières passent la frontière comme les Gaillouria d'Arnéguy ou les Petrotina d'Undarolle. Une quarantaine d'artisans et représentants de petits métiers feront de même : domestiques, tisserands, tuiliers, charpentiers, boulangers, et autres métiers quitteront Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Urrugne, Ustaritz ou Bayonne. La bourgeoisie locale ne reste pas sans réagir mais dans une bien moindre proportion. Toutefois, on peut souligner l'émigration de l'ancien maire d'Ascain, Martin Pages ou celle des négociants Soulieir et Gelos de Saint-Jean-de-Luz. Les conditions d'exil de ces émigrés sont peu connues. Une chanson, rapportée par l'Abbé Haristoy, tenterait de prouver qu'ils ne seront pas mieux accueillis en terre espagnole que les émigrés de conditions sociales différentes. Ils n'auraient bénéficié que des seuls secours accordés par les populations basques espagnoles puisque la chanson déclare que "...le noir castillan ne nous a point en pitié, c'est le bout du fusil qu'il présente à la poitrine de l'homme français, seul le basque nous offre de la nourriture...".



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LA REVOLUTION FRANCAISE


L'émigration populaire basque vient donc s'intégrer dans le mouvement général d'émigration forcée provoqué par la Terreur. Elle concernera principalement les habitants du Labourd, fuyant les mesures terroristes des représentants du peuple. D'après la liste des émigrés, l'émigration populaire basque composerait environ 20 % de l'émigration totale du département mais les nombreux oublis d'inscription laissent supposer qu'elle est en réalité plus importante. Cependant, le pourcentage devrait rester en deçà de celui de la moyenne nationale de 51 % et donc n'offrirait aucune particularité numérique. De plus, les mesures de déportation ont été couramment employées par les révolutionnaires. Elles ne peuvent donc donner à "l'internat des basques" une réelle spécificité quant aux causes de l'émigration populaire basque, aussi spectaculaire et dramatique fut-il. Il en demeure la cause première qui peut être singulièrement rapprochée du cas des villages frontaliers catalans qui connaîtront une situation similaire avec les mêmes conséquences sur l'émigration. Si donc, on ne peut se prononcer pour une originalité en ce qui concerne les causes de l'émigration basque, elle pourrait apparaître au sein du deuxième aspect de la question, celui de sa répression.



La répression de l'émigration est une vaste question et aux implications innombrables. Elle trouve son fondement dans la doctrine de Salut public qui prône l'élimination pure et simple du problème de l'émigration. Pour cela, le gouvernement révolutionnaire va s'attaquer à l'émigré non seulement en tant que personne physique mais également en tant que détenteur d'une puissance économique au travers de son patrimoine. Le fait d'émigration est alors érigé en infraction, assortie de sanctions essentiellement pénales et patrimoniales et à l'aide d'une législation d'exception dense et complexe, mais souvent rétroactive donc inconstitutionnelle. Or, les difficultés d'application soulevées par cette législation vont être responsables d'interprétations souvent subjectives et conduire à d'importantes variations régionales quant à la portée et aux résultats de la répression. Pour le Pays basque, la sanction patrimoniale rapportera peu à la République alors que les sanctions pénales y seront appliquées avec sévérité.



La sanction patrimoniale de l'émigration est fondée sur la juste indemnité que doit percevoir la nation en raison des menées contre-révolutionnaires des émigrés. Sans oublier l'intérêt financier d'une telle opération, la nationalisation des biens des émigrés doit être perçue en premier lieu comme une pénalité. Entreprise d'envergure, cette nationalisation va s'avérer difficile dans son exécution qui repose, d'une part, sur une législation complexe et abondante et est, d'autre part, confiée aux autorités locales déjà débordées. Cette nationalisation va s'effectuer en deux phases successives : le séquestre et la vente.



Les lourdes impositions fiscales décidées en 1791 par la Constituante ne s'étant pas montrées assez dissuasives pour faire rentrer les émigrés, la décision de la confiscation des biens des émigrés est donc arrêtée les 9 février, 30 mars et 8 avril 1792. Mesure politique et financière, elle équivaut à une peine suspensive du droit de propriété pour une durée indéterminée. Donc, c'est la nation qui va désormais prendre en charge les modalités du séquestre et la gestion de son nouveau patrimoine. Les opérations sont dirigées et supervisées par l'Administration des domaines nationaux qui entretient avec les autorités locales une correspondance qui se veut précise et efficace. Malheureusement, les élus locaux, qui ont déjà leurs propres tâches à accomplir, vont se montrer lents, voire laxistes ou incompétents. Les autorités locales basques n'échappent pas à ce travers. Leur manque de zèle est souvent souligné et les rappels à l'ordre sont nombreux. Elles vont procéder tout d'abord aux inventaires des biens mobiliers et immobiliers, consignés dans des procès-verbaux avec une estimation sommaire de leur valeur. Les procès-verbaux des biens mobiliers poseront des problèmes délicats car les officiers municipaux seront peu enclins à expertiser les biens de leurs anciens maîtres. En ce sens va l'inventaire tardif des biens du "citoyen Charitte" qui consigne, en même temps que les meubles, plusieurs témoignages d'habitants le considérant comme "le père des pauvres". L'examen des inventaires montre qu'ils ont souvent été faits à la hâte, de manière superficielle. Ils révèlent la présence d'un mobilier relativement riche dans les hôtels urbains de Bayonne et rustique et sobre pour les propriétés rurales. La seigneurie d'Idron, appartenant à Pierre de Belzunce illustre cette rusticité des campagnes au travers d'un mobilier sans excès et de vêtements "usés". Le mobilier des métairies comprend généralement des lits ou des bois de lits, couvertures, paillasses, matelas, petites armoires, des chaises et des coffres. Les objets de valeur seront souvent absents des inventaires car emportés en émigration ou dissimulés. Activement recherchés, certains seront déterrés des jardins, comme l'argenterie découverte dans le jardin de la maison de Catherine Haraneder-Moco. Celle de la maison de Salha : "deux boucles d'argent, une monture d'épée, vingt trois couverts avec armoiries, six cuillères, une cuillère dite à soupe, une dite filigramme, six brochettes, six salières, une huilière, dix cuillères à café, le tout en argent" seront "dissimulés dans le four de la maison". Les procès-verbaux doivent également recenser, mais ce qui sera en réalité fréquemment omis, les récoltes, les instruments aratoires et les coupes de bois, éléments importants du patrimoine mobilier."



A suivre...






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