LE CINQUANTENAIRE DU TRAMWAY B.A.B. AU PAYS BASQUE EN 1927 (première partie)

LE CINQUANTENAIRE DU TRAMWAY B.A.B. EN 1927.

La première ligne de tramway entre Bayonne et Biarritz fut inaugurée le 10 juin 1877, appelé B.A.B.

TRAMWAY B.A.B.
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet la revue hebdomadaire  La Côte Basque revue illustrée de 

l'Euzkalerria, le 3 juillet 1927, sous la plume de Georges Velloni :

"À propos du Cinquantenaire du B.A.B.

Quelques notes sur ses origines et ses transformations.

En ce mois de juin 1927, notre chemin de fer électrique Bayonne-Anglet-Biarritz vient d’avoir cinquante ans.

Il nous a paru intéressant, à cette occasion, de retracer à nos lecteurs ses origines, ses transformations, ainsi que les curieux détails qui se rattachent à son histoire courte mais riche en événements, car entre le premier projet, la première fumée de la locomotive cocasse, si célèbre jadis, et le trafic actuel se déroulèrent de multiples péripéties parmi lesquelles trouvent place de la philosophie, des événements comiques et un peu de l’histoire de notre progrès industriel.

Tandis que Napoléon III et la cour résidaient à Biarritz, un capitaine des Cent Gardes, amputé d’une jambe à Sébastopol, et ayant conservé un emploi à titre de retraité, vint se fixer dans la cité mise en vogue par l’empereur et surtout par l’impératrice Eugénie, heureuse de se rapprocher de l’Espagne, sa patrie d’origine.

Ce capitaine, nommé Ardouin, ayant remarqué le mouvement de plus en plus intense entre Bayonne et Biarritz — car il était de bon ton pour les Bayonnais de se rendre à Biarritz alors que la Cour s’y trouvait, comprit qu’il y avait lieu de créer avec succès un nouveau moyen de communication entre les deux villes.

GARE DU TRAMWAY BAB GLACIS BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A ce moment, pour suppléer les cacolets dont nous a parlé Victor Hugo, l’administration Darrigrand, déjà concessionnaire du courrier de Madrid et de divers transports, avait établi des diligences, lesquelles représentaient encore un moyen de transport insuffisant. Ardouin eut donc l’idée de créer un tramway à chevaux sur route entre Bayonne et Biarritz, et pour réaliser ce projet, il fallait des capitaux : bien que de grandes sommes n’eussent pas été nécessaires, Ardouin ne les trouva pas et les Darrigrand, auxquels il s’adressa, estimèrent que c’était une véritable folie que de tenter une semblable chose !

En 1874, Ardouin pressent pour Biarritz plus que la petite vogue qui avait été créée par les souverains déchus ; il entrevoit le brillant avenir de la station en constatant que chaque saison surpasse la précédente et présente à l’administration préfectorale un projet de chemin de fer entre Bayonne et Biarritz, conçu dans l’esprit des premiers chemins de fer construits en Amérique.

A cette époque, Biarritz avait un maire semblable à beaucoup de maires : toute idée nouvelle l'effrayait et le projet Ardouin lui parut une chose formidable, un chemin de fer entre Bayonne et Biarritz ! Un engin mécanique circulant avec fracas entre ces deux villes dans la fumée et les flammes ! Mais c’était l’hydre de Lerne, le dragon des Hespérides ou quelque monstre envoyé par l’enfer pour jeter la panique aux portes et au sein de sa bonne ville ! Aussi lorsque fut ouverte l’instruction administrative, chercha-t-il à conjurer un tel péril, semblable chose, disait-il, étant possible en Amérique, mais non pas en France !

Heureusement pour Biarritz, les esprits ont évolué depuis 1874 !

TRAMWAY BAB PARTANT DE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ce brave magistrat fut probablement convaincu par la suite, car toutes les autorités furent d’accord au sujet de l’intérêt du projet, et, sur la proposition préfectorale, l’instruction aboutit à une déclaration d’utilité publique du projet signé par Mac-Mahon et portant date du 19 juin 1875.

Pendant le cours de l’instruction, Ardouin avait cherché les fonds nécessaires à la réalisation de l’entreprise, et n’avait trouvé sur place personne pour y collaborer. Ses maigres économies avaient été englouties par la préparation des projets et le coût de l’établissement des pièces selon les règles officielles ; aussi se trouva-t-il pris au dépourvu lorsqu’il obtint satisfaction, lors de la publication du décret d’utilité publique.

C’est alors que l’excellent homme, qui désirait faire une affaire locale dont la prospérité aurait profité à des gens du pays, se vit dans l’obligation d’avoir recours à des capitaux étrangers à la région.

Complètement démuni, il alla trouver, en bon catholique qu’il était, Mgr l’Evêque de Bayonne, lequel lui prit pour quelques centaines de francs deux actions de la future société et c’est grâce à cet argent qu’il put gagner Paris où il obtint la commandite d’un homme qui n’était point de la même religion mais qu’il apprit à apprécier par la suite : le grand banquier Péreire. Pendant quelques instants, il eut un trouble en songeant que c’est avec l’argent de l’évêque qu’il obtenait ce résultat, mais les événements prouvèrent ici une fois de plus que les idées larges sont les seules vraies.

ARRIVEE DU TRAMWAY DE BAYONNE A BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Comme on ne prête qu’aux riches, à Bayonne comme ailleurs, lorsque la nouvelle se répandit que Péreire commanditait l’entreprise du père Ardouin, quelques rares Bayonnais eurent confiance et placèrent au compte goutte des capitaux dans l’affaire, et devinrent par la suite plus larges et plus nombreux devant les résultats fort encourageants des débuts de l’exploitation.

La dite exploitation allait commencer ; on était à quelques mois de l’ouverture, lorsque brusquement, de grandes difficultés surgirent à propos de la nécessité de créer dans les fortifications qui s’étendaient alors jusqu’à l’Adour, un passage et un pont indispensables pour permettre le trafic.

Dans un premier projet, on avait envisagé de faire arriver le B.-A.-B. sur la place d’Armes. L’Administration militaire du Génie s’y opposa formellement. Dans un second projet, la gare se trouvait à son emplacement actuel, mais le passage à travers les fortifications était quand même indispensable pour permettre l’accès de la gare aux voyageurs.

C’est alors que se place la partie la plus amusante de l’histoire de notre B.-A.-B., digne d’inspirer notre ami Courteline lui-même.

TRAMWAY DE BIARRITZ A BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A la demande d’Ardouin, une enquête fut ouverte, et un officier rapporteur fut nommé à cet effet. L’officier en question établit un rapport d’après lequel une brèche dans les fortifications de Bayonne mettait en danger la défense nationale, et ses considérants étaient si impressionnants que les lecteurs étaient obligés d’entrevoir la tragique chevauchée de Wellington ressuscité et de toutes les troupes espagnoles passant par le futur passage Péreire.

Or, Péreire, estimant le rapport du plus mauvais goût et ayant le bras long auprès des pouvoirs publics, trouva une solution élégante. Pour se débarrasser de l’officier gêneur, il le fit déplacer avec de l’avancement et envoyer dans une région éloignée, tandis qu’un autre officier enquêteur était nommé.

Mais voici que par malheur ce second officier était un ami du premier, lequel confidentiellement et en lui serrant les deux mains, en bon camarade heureux de rendre service, informa son successeur que s’il voulait immédiatement obtenir comme lui un galon de plus, il n’avait qu’à faire en guise de rapport le plus virulent des réquisitoires contre le projet de percée des remparts.

S’empressant de suivre à la lettre un conseil aussi intéressant, le second officier enquêteur fit ressortir avec plus de relief que son prédécesseur les terribles dangers d’une telle éventualité, et peu de temps après, grâce à l’intervention de Péreire, il fut déplacé, mais aucun galon supplémentaire ne vint hélas orner son couvre-chef, et il fut vite détrompé sur l’idée d’obtenir de l’avancement."

A suivre...

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