LES FÊTES EUSKARIENNES EN 1893.
A partir de 1851, Antoine d'Abbadie organise, chaque année, dans les 7 provinces, des concours annuels de pelote et de bertsu (versification en Basque).
Voici ce que rapporta à ce sujet Charles Bernadou, dans le livre Azpeitia, les fêtes Euskariennes
de septembre 1893 :
"De Bayonne à Azpeitia.
Une première visite à Loyola au mois de juillet, pour les fêtes de saint Ignace, nous avait laissé de si aimables souvenirs que nous nous étions bien promis de saisir une occasion de revoir cette ravissante vallée, cette Casa Santa si curieuse, cette petite ville d'Azpeitia, si pittoresquement assise au bord de l'Urola.
CASA SANTA AZPEITIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et l'occasion est venue s'offrir le samedi 9 septembre, doublement attrayante, puisqu'au plaisir de faire un second voyage tra los montes en aimable compagnie se joignait pour nous la joie d'assister enfin à ces fêtes euskariennes organisées depuis quarante ans et plus par notre illustre compatriote, M. Antoine d'Abbadie, tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre des localités des sept provinces basques de France et d'Espagne.
On sait le noble but poursuivi par le châtelain d'Abbadia : exciter chez tous les Basques le vif amour de leur pays natal, de leurs usages, de leurs jeux, de leurs chants si originaux ; maintenir les traditions des poètes euskariens, de ces improvisateurs si féconds, de ces danseurs et de ces joueurs de pelote aux allures si vives, si harmonieuses.
On sait aussi quel éclat ont eu ces fêtes dès le début à Urrugne, puis à Sare, puis par delà les Pyrénées ; et, pour ne rappeler que les dernières, nos lecteurs n'ont pas oublié le concours et les applaudissements qui saluèrent l'année dernière les fêtes de Saint-Jean-de-Luz.
Cette année c'est à Azpeitia, au fond du Guipuzcoa, dans l'une des plus riantes vallées du Pays Basque espagnol, qu'elles ont eu lieu les 10, 11 et 12 septembre. Et là, comme partout, nos Basques, Français et Espagnols, ont chaleureusement fraternisé et porté aux étoiles leur illustre compatriote Don Antonio Abbadia !
Donc, le samedi 9 septembre, nous courions à toute vapeur vers la frontière, admirant pour la centième fois les merveilleux paysages qui se déroulent des coteaux de la Nive à la baie de Saint-Jean-de-Luz et à l'embouchure de la Bidassoa. A Irun, station d'une heure ! Le moyen de résister à l'envie de revoir Fuenterrabia encore en fête, au lendemain de la fameuse procession religieuse et militaire du 8 septembre, célébrée en mémoire de la levée du siège de 1638 ! Déjà de nombreux groupes s'acheminent vers le cirque pour voir las corridas de novillos. La fanfare municipale donne une sérénade dans la calle Mayor, en l'honneur d'un organiste venu pour prêter son concours à la fête, et sur la plaza de Armas, au pied du sombre château de D. Sancho el Fuerte et de Charles-Quint, des fillettes esquissent un pas de danse.
HACHEROS HUIT SEPTEMBRE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nouvel arrêt à Saint-Sébastien : de nombreux baigneurs reprennent le chemin de leurs foyers, et nous voyageons avec une aimable famille de Vitoria à travers les nombreux tunnels et les ponts sans nombre et les viaducs hardis qui forment la voie jusqu'à Zumarraga.
A Zumarraga, nous laissons le train et montons en cesta (voiture d'osier), pour visiter tout d'abord l'église, vaste, riche, avec de beaux autels et des colonnes superbes. Tout autour de l'église, un grand cloître ou préau couvert. En face, de l'autre côté de l'Urola, qui sépare les deux ciudades, est l'église de Villaréal de Urrechu, beaucoup plus modeste.
VILLAREAL DE URRECHU GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais sur la place de Villaréal se dresse la superbe statue de José Maria Yparraguirre, le chantre inspiré du Guernicaco Arbola. Le barde guipuzcoan, campé sur sa hanche, la tête et les cheveux au vent, la main appuyée sur sa guitare, a vraiment grand air.
STATUE DE JOSE MARIA DE IPARRAGUIRRE URRETXU GUIPUSCOA |
Cette statue en marbre blanc, de deux mètres de haut, est portée sur un beau socle de marbre gris et entourée d'une grille. Au fronton du socle sont sculptées les armes de la province de Guipuzcoa. Sur le côté opposé se lit l'inscription suivante :
JOSÉ MARIA YPARRAGUIRRERI
BERE JAYOTERRIAK
EUSKAL-ERRI GUZTIAK
BAITA ERE ERBESTEETAN
SAKABANATUTAKO
EUSKALDUNAK
ESKEINTZEN DIOTE
OROIPEN AU
M DCCC LXXXX
Sur le côté droit du socle :
EUSKAL-ERRIAREN
OROIPENA
Enfin, sur le côté gauche, une guitare et quelques feuillets de papier, fort délicatement sculptés, sur lesquels se lisent les premières mesures du Guernicaco Arbola.
L'inauguration de ce beau monument, œuvre du sculpteur D. Francisco Font, donna lieu, en septembre 1890, à des fêtes splendides dont la Revista Vascongada fit un enthousiaste compte-rendu. Les trois provinces basques tinrent à honneur d'y être représentées, et comme toujours en Guipuzcoa, ce fut une série de fêtes religieuses et civiles qui durèrent trois jours, les 27, 28 et 29.
Il y eut d'abord, le 27 au matin, procession solennelle des reliques de sainte Anastasie, la patronne de Villaréal, avec tamboriles et danse des espatadantzaris ; puis exécution d'une grand-messe spécialement composée pour la circonstance par le maestro Eleizgaray ; après l'évangile, sermon basque. A la suite de la messe, aux applaudissements de la foule et au chant magistralement exécuté de l'hymne cher aux Basques, l'alcalde découvrit la statue.
EZPATA DANTZA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Un banquet suivit dans le grand salon de l'Ayuntamiento, orné de guirlandes, de drapeaux ; au balcon se lisait l'inscription significative Soli Deo honor et gloria, et, dans les toasts chaleureux, les présidents des députations de Biscaye, Alava et Guipuzcoa saluèrent noblement le grand nom d'Yparraguirre et surent dire, en excellents termes, combien au cœur de tous les Basques, comme dans les strophes de l'hymne inspiré, Religion et Patrie sont invinciblement unies.
Mais Villaréal est déjà loin de nous, et la voiture s'est engagée dans la gorge pittoresque et sauvage creusée par l'Urola jusqu'à Azcoitia. A droite et à gauche, des champs de maïs, de grands bois de chênes et de châtaigniers, des vergers jusqu'aux cimes les plus élevées, des maisons basques au large toit à deux eaux, mais point riantes et blanches comme en notre Labourd ; quelques-unes même, aux grosses assises, aux murs noircis, basses et carrées, avec un toit très bas sous lequel se voient des traces de mâchicoulis et de meurtrières, ont l'air de forts crénelés.
Et ce sont en effet de vieilles casas torres, plantées sur les bords du torrent, aux passages les plus étroits ; çà et là, des ponts de pierre à dos d'âne, aux arcs d'ogive pittoresquement tapissés de lierres.
Après mille détours , la gorge s'ouvre enfin et nous entrons dans Azcoitia, petite ville fort bien pavée, coupée en deux par l'Urola : ici encore de nombreuses vieilles maisons aux portes et aux croisées ogivales, décorées de nombreux écussons ; une église très vaste et très belle, avec un porche majestueux ; tout à côté, une ravissante petite Alameda avec une belle fontaine formée de deux barriques de pierre. Sur la place de l'Ayuntamiento, les tamborileros annoncent déjà la fête du lendemain, à la grande joie des fillettes qui déjà savent danser le fandango guipuzcoan.
FANDANGO A FONTARRABIE GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Azcoitia a de nombreux caserios, un ermitage pittoresquement perché sur une colline et deux couvents de Sœurs cloîtrées : les Clarisses et les Brigittes (Brigidas recoletas) de Mira Cruz.
A la sortie de la ville, la route fait un brusque détour ; nous laissons à droite les bains sulfureux de San Juan de Dios, et bientôt nous apparaît, émergeant dans le crépuscule, l'imposante coupole de Loyola.
SANCTUAIRE DE LOYOLA AZPEITIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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