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dimanche 24 juin 2018

LA DÉFENSE DE LA BAIE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ CIBOURE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1887

LA DÉFENSE DE LA BAIE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1887.


La rade de Saint-Jean-de-Luz était à l'origine protégée naturellement par des falaises et une dune de sable au milieu de la baie.


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CIBOURE - SAINT JEAN DE LUZ 1899
PAYS BASQUE D'ANTAN


Dès la fin du 17ème siècle, de violentes tempêtes détruisirent ces protections et Saint-Jean-de-

Luz fut régulièrement inondée.


Pour protéger la ville, il fut décidé de construire un mur de garantie à l'emplacement de la 

brèche, mais il fallut le réparer plusieurs fois, en 1782 et 1823, par exemple.


C'est enfin Napoléon III, au milieu du 19ème siècle,  qui fit entreprendre des travaux de 

fermeture de la baie, en faisant construire les digues de Socoa, Sainte-Barbe et de l'Artha.




Voici ce que rapporta le journal Le Siècle, dans son édition du 7 août 1887 :

"Scientifique.


Travaux maritimes. — Défense de la ville et améliorations de la baie de Saint-Jean-de-Luz. 



Sur toute la côte de Gascogne, depuis la Gironde jusqu'à la Bidassoa, et même, en général, sur la côte ouest de la France, la baie de Saint-Jean-de-Luz est la plus belle qui existe, et les travaux des ingénieurs des ponts et chaussées achèvent d'y créer le mouillage le plus utile. 



C'est là l'opinion d'un homme des plus compétents, M. Bouquet de la Grye, membre de l'Académie des sciences. Dans son excellent ouvrage intitulé le Pilote des côtes Ouest de la France, l'éminent ingénieur hydrographe s'exprime ainsi à ce sujet: "... La rade de Saint-Jean-de-Luz était renommée autrefois autant pour sa beauté que pour ses mauvaises qualités nautiques : le fond y était détestable, et la mer si énorme, que toutes les digues commencées avaient été démolies par elle successivement. Dans les premières années du siècle, on avait vu en un seul coup de vent 40 bâtiments venir se perdre dans la baie ; une corvette mouillée sous le rocher Artha, qui occupe le milieu de la baie, y chavira comme un canot. Non seulement les capitaines redoutaient Saint-Jean-de-Luz, mais les habitants mêmes de la ville étaient, eux aussi, effrayés de l'avenir et menacés à bref délai de la ruine de leurs demeures par la marche croissante de l'érosion de place.



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VAGUES DIGUE SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

En effet, on avait vainement essayé de protéger la plage par ce qu'on appelle des seuils de garantie, c'est-à-dire par des sortes de petites digues formées de moellons et de ciment hydraulique ; elles avaient successivement disparu sous l'action énergique et incessante des lames..




Il n'est donc pas surprenant qu'une ville qui, il y a deux cents ans, avait en mer plus de 80 bâtiments de pêche, n'en ait plus aujourd'hui qu'un nombre insignifiant. 




Il a été impossible (et il l'est encore aujourd'hui), d'y créer un mouvement commercial et industriel. Tous les efforts des ingénieurs, depuis le siècle dernier, se sont concentrés dans la défense de la plage et de la ville contre les menaces de la mer, et dans la création d'un abri sûr pour les navires, le seul possible sur cette côte si bien nommée par les marins la Côte-de-Fer.



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BATEAUX PORT SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Un mot d'abord sur la situation de la baie. Cette baie, dans laquelle se trouve l'embouchure de la Nivelle, où se trouvait l'ancien port, est une sorte d'arc de cercle assez régulier, occupé : au Nord (à droite en se plaçant au milieu de l'arc et regardant le large), par la pointe de Sainte-Barbe, formée par des rochers de trente mètres de hauteur couronnés par les débris d'un ancien fort ; à l'est par ville, dont les maisons sont rangées le long de l'arc de cercle ; au Sud-Est et au Sud par l'embouchure de la Nivelle et le bourg de Ciboure ; à l'ouest par le village et le fort de Socoa. 



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DEPOPULATION SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

La corde de l'arc, formé par la baie est une ligne qui va du fort de Socoa à la pointe de Sainte-Barbe : elle est dirigée sensiblement du Sud-Ouest au Nord-Est ; elle a environ 1 500 mètres de largeur. A peu près au mi lieu de cette ligne se trouve le rocher de l'Artha, dont la distance au milieu de l'arc est d'environ 1 000 mètres. II y a donc là une rade occupant une surface considérable avec des fonds de trois à quatre mètres, à une petite distance de la région atteinte par les lames dans les basses mers, et allant jus qu'à douze à treize mètres en arrière de l'Artha. On y trouve deux petits ports : l'un derrière le fort de Socoa, l'autre formé par l'embouchure de la Nivelle ; le premier, très sûr aujourd'hui, peut recevoir des navires d'un tirant d'eau de trois à quatre mètres ; le second, d'un accès difficile encore aujourd'hui par les grosses mers, n'est fréquenté que par quelques goélettes. 




Il est facile de se représenter à l'aide d'un croquis très simple la description que nous venons de faire.




Ajoutons que les vents régnants viennent de l'ouest-nord-ouest, de telle sorte que les lames se présentent sur la corde de la baie sur une inclinaison d'environ 30 degrés. Il en résulte qu'elles viennent briser obliquement sur la partie nord et nord-est de la baie, produisant ainsi un grand courant circulaire tournant dans le sens des aiguilles d'une montre. Ce courant n'est d'ailleurs bien net que par les gros temps : en beau temps, il n'a qu'une faible vitesse, incapable de produire sur le fond de la baie une action mécanique sérieuse.

 


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VAGUE DIGUE SOCOA CIBOURE - ZIBURU 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voyons maintenant les obstacles à surmonter pour la défense de la baie. 




Les lames à effets destructeurs viennent de loin ; ce sont des lames de fond à longues oscillations, animées d'une énergie considérable; de plus, elles arrivent chargées de sable et de vase. Par suite, le résultat qu'elles tendent à produire est double : d'abord elles arrachent les matériaux qui composent la plage et les transportent au loin, agrandissant la baie aux dépens de la ville elle-même, forcée de reculer devant cette invasion progressive ; d'autre part, elles produisent un effet à peu près inverse en comblant, à l'aide de manières qu'elles apportent, les vides qui résultent de leur première action. 





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PAQUET DE MER DIGUE SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

En termes techniques, ce sont des lames à la fois érosives et comblantes




Eh bien, on a cherché à établir une pondération des effets produits, telle que la ville n'eût rien à redouter des érosions causées par les lames, et la baie de l'envahissement des sables amenés de l'extérieur. C'est là le caractère original et intéressant de ces travaux. 


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VAGUES POINTE SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

A cet effet, au lieu de chercher, comme on y avait songé tout d'abord, à protéger la ville directement par des ouvrages édifiés sur les bords de la baie, on s'est proposé de briser la puissance de la mer dans son propre domaine, et de modérer l'énergie des lames en les arrêtant partiellement par des digues ou jetées fondées sur le roc, dans la direction de la ligne qui fermerait la rade de Socoa à Sainte-Barbe. 



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DIGUE STE BARBE SAINT JEAN DE LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

On commença en 1785 par une digue partant de Socoa, à laquelle on donna une longueur de 90 toises, qui en 1828, se trouvait réduite par des avaries à 90 mètres environ. De 1864 à 1876, on en construisit une nouvelle de 325 mètres qui coûta 2 millions 500 mille francs. Elle eut pour effet immédiat de fixer tout d'abord derrière elle une grande quantité de matériaux. Puis, cet effet produit, l'érosion continua dans la partie qu'elle ne protégeait pas. 



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BRISANT DIGUE SOCOA - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

En même temps, une seconde digue de 180 mètres partait de la pointe de Sainte-Barbe dans la même direction ; mais son action protectrice est fort limitée à cause de la direction des lames, qui, après avoir rasé son extrémité, viennent presqu'immédiatement rencontrer la falaise dont elle forme la pointe. 



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DIGUE STE-BARBE SAINT JEAN DE LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais il restait entre les deux digues un intervalle considérable au milieu duquel se trouve le rocher de l'Artha. En réalité il y avait alors deux passes pour entrer dans la baie : l'une entre Socoa et Artha, l'autre entre ce rocher et Sainte-Barbe ; mais elles restaient dangereuses toutes les deux pendant le mauvais temps, et l'érosion de la plage continuait, tout en ayant sensiblement diminué.




On décida alors d'établir sur l'Artha lui-même un ouvrage défensif, de façon à réduire la largeur des deux passes en les rendant meilleures, et à améliorer le régime des eaux dans la baie.



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DIGUE ARTHA ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ce travail, décidé en 1868, n'a réellement commencé qu'en 1873, et il n'est pas encore terminé. C'est un enrochement qui formera une masse considérable ayant à la base 300 mètres de longueur et 80 mètres de largeur ; à la partie supérieure 250 mètres de longueur et environ 11 mètres de largeur. 




Pour le construire, on a coulé sur le rocher plusieurs, couches de blocs énormes naturels ou artificiels : dès qu'on en a suffisamment amoncelé pour atteindre le niveau des basses mers, on a commencé une maçonnerie avec du ciment qui fait prise immédiatement et durcit sous l'influence de l'eau. 



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FORT DE SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

On conçoit qu'un travail de ce genre soit d'abord fort long, parce qu'on ne peut travailler que lorsque l'état de la mer le permet, ce qui n'est pas fréquent, et ensuite fort coûteux, à cause du prix même des matériaux, de leur fabrication, des engins mécaniques nécessaires pour leur transport au point où ils doivent être utilisés. Et puis, la mer ne laisse pas travailler impunément sur son domaine ; il semble qu'elle ne voie pas s'élever de bonne grâce des ouvrages destinés à arrêter ou tout au moins à refréner ses fureurs; de temps en temps elle parvient, non à empêcher la continuation des travaux, mais à détruire en partie l'œuvre poursuivie avec tant de peine, pas à pas, au prix de tant de patience, de tant d'efforts, de tant d'argent! C est une lutte incessante de la puissance réfléchie de l'homme contre l'énergie aveugle de la mer, où celle-ci a toujours le dessous, heureusement, mais en obtenant de temps en temps des succès partiels : on a pu voir en effet par une nuit de grosse mer, il y a quelque temps, une portion de la digue mesurant plus de 600 mètres cubes pivoter sur elle-même et se trouver portée à quelques mètres plus loin ; on peut admirer encore les effets de cette énorme avarie quand l'état de la mer permet de monter sur la digue. 



ciboure autrefois pays basque port fort
FORT SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les blocs formant l'enrochement sont de deux espèces : artificiels ou naturels. 




Les premiers sont des blocs énormes, construits eu béton ou en moellons et ciment hydraulique. La plupart pèsent 48 000 kilo grammes, ils ont 2 m. 50 de haut, 4 m. de large, et de 2 à 3 m. de profondeur. On les construit dans un atelier spécial situé à gauche du port de Socoa, pendant les intervalles de temps, malheureusement trop nombreux, où l'on ne peut travailler à la mer. A l'heure actuelle, on a coulé à l'Artha plus de 16 000 blocs naturels et de 5 000 blocs artificiels : on en coule 3 à 400 tous les ans. La dépense relative aux premiers s'élève à 12 fr. le mètre cube, et à 30 fr. pour les seconds. 



socoa autrefois pays basque fort port
FORT SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

L'ensemble des dépenses faites pour les travaux de défense s'élève actuellement à 5 500 000 fr. : il faudra environ 2 000 000 de plus et cinq ou six ans pour terminer ce beau travail.




Mais déjà les études hydrographiques faites à plusieurs reprises ont montré l'amélioration successive de la baie à la suite des travaux effectués. 



pays basque autrefois fort labourd port
FORT SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

C'est ainsi que dans la partie droite, on constatait, de 1857 à 1864, une érosion importante d'environ  108 000 mètres cubes. De 1864 à 1873 l'érosion diminuait ; de 1873 à 1876, elle recommençait un peu; mais de 1876 à 1882, il se produisait un dépôt de 104 000 mètres cubes, à peu près égal à la masse enlevée précédemment. Ce résultat, dû aux travaux de la jetée de Sainte-Barbe et de l'Artha, est un indice très net de cette pondération des effets produits par les lames, dont nous avons parlé plus haut et qui constitue précisément le but à atteindre. 




En résumé la plus grande partie de la plage de la baie derrière laquelle est bâtie la ville semble fixée dès à présent, et même un peu de végétation se produit entre le seuil de garantie qui la borde et la région jusqu'où montent les hautes mers. Il reste encore un point faible du côté de Sainte-Barbe ; mais la fin des travaux de l'Artha l'améliorera certainement.

 

ciboure autrefois pays basque fort
PORT ET FORT DE SOCOA CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ainsi donc, en premier lieu, le danger qui menaçait le port et la ville de Saint-Jean-de Luz semble dès à présent conjuré, et il le sera tout à fait dans cinq ou six ans. Cela seul suffit à coup sûr pour justifier les dépenses considérables qui ont été faites jusqu'ici, et celles qui restent encore à faire. Mais elles ne le sont pas moins, si l'on considère, en second lieu, que la seconde partie du problème à résoudre, consistant à assurer un abri aux navires, est aussi presque entièrement résolue. Or, cette face de la question n'est pas moins importante que la première. En effet, on peut faire remarquer aux personnes que touchent principalement les intérêts matériels, qu'il suffira que les travaux faits sauvent une centaine de navires, et leur cargaison pour compenser les sept ou huit millions de dépenses faites : c'est l'affaire de quelques années à peine, si l'on en juge par la statistique des naufrages survenus pendant les dernières années écoulées. Mais peut-on oublier, en outre, les milliers d'hommes dont on sauve ainsi la vie, les milliers de femmes qu'on préserve ainsi des la misère? S'il était possible de matérialiser un résultat et de le placer dans le plateau d'une balance, que pèseraient quelques millions dépensés posés dans l'autre plateau ?"



(Source : http://www.saint-jean-de-luz.com/fr/decouvrir-saint-jean-de-luz/histoire-et-patrimoine/les-ouvrages-de-protection/)









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