LA "TRANCHÉE DE BAYONNE" EN 1917.
Le 49ème Régiment d'Infanterie de Bayonne participa dès le 22 août 1914 aux combats de la première Guerre Mondiale.
BONNE ANNEE 1917 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dès la mobilisation générale du 1er août 1914, le 49ème R.I. devient le 249ème Régiment
d'Infanterie.
Voici ce que rapporta La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition
du 4 septembre 1928 :
"Avec le 49e , la "Tranchée de Bayonne".
Le 21 avril 1917, le 49e montait dans le secteur de Craonne ; il y relevait les troupes du 1er C.A. qui le 16 avril avaient tenté de s’emparer de tout le plateau. Leur héroïque effort leur avait valu des gains de terrain importants ; sur une longue distance, elles occupaient la lèvre sud du plateau, mais l’ensemble de la position avait résisté à leur courage. Le régiment occupa la tranchée du "Balcon" si bien nommée puisque, de là, la vue s’étendait au loin, vers l’Aisne, le plateau de Romain, Berry-au-Bac, Reims etc...
TRANCHEE FRANCAISE DU BALCON GUERRE 1914 1918 |
On sentait l’attaque prochaine : ne disait-on pas que le 18e C. A. avait reçu pour mission de réparer l’échec du 16 avril et de s’emparer du Plateau ? Aussi une activité fébrile ne cessa-t-elle de régner, en ligne, en réserve dans tout le secteur, unissant tous les efforts pour les derniers préparatifs.
Des deux côtés l’artillerie était très active, harcelant nuit et jour ravitailleurs et pionniers.
Le moral des hommes était magnifique ; le régiment, aguerri par plusieurs années de guerre n’ayant pas subi de trop lourdes pertes depuis un an, supérieurement entraîné, constituait une unité de combat de premier ordre dans une forme qui ne fut sans doute jamais meilleure durant toute la guerre.
LA PAIX PAR LA VICTOIRE 1917 |
Le 3 mai les ordres d’attaque furent donnés : le 49e attaquerait entre le 34e à droite et le 57e à gauche ; l’objectif à conserver et à atteindre, était la tranchée de Fribourg sur les pentes nord du plateau ; l’attaque aurait lieu le mai à 9 heures du matin ; elle serait précédée le 4 au soir par une action partielle des 34e et 18e ayant pour but de permettre à ces unités de prendre pied sur le plateau dans leur secteur et de se mettre à l’alignement des autres régiments.
DANS LA TRANCHEE GUERRE 1914 1918 |
Le 4 mai, de la tranchée du Balcon qui constitue un merveilleux observatoire nous assistons à cet épisode héroïque : quelle joie et quelle fierté lorsque les petits soldats bleu-horizon couronnèrent la crête et que de longues bandes de prisonniers filèrent vers l'arrière. Une noble émulation s'empare de tous et chacun se promet de rivaliser de vaillance avec les camarades du 18e qui ont si brillamment entamé l'action.
POUR LES TRANCHEES GUERRE 1914 1918 |
La nuit se passe en préparatifs de toute sorte dans le hurlement ininterrompu de la canonnade : çà et là des soldats se recueillent ; l’aumônier passe en serrant des mains, communiquant à chacun l’entrain et l'enthousiasme qui l'animent... à la première heure demain il célébrera la messe dans une sape voisine ; quelques privilégiés pourront y assister et puiser dans une fervente prière le courage de tous les sacrifices.
Le jour paraît ; un soleil radieux se détache du plateau de Meurival ; la journée sera belle, et plus d'un parmi nous murmure tout bas : "Salut à mon dernier matin".
L'heure H. est fixée à 9 heures : dès huit heures 15, le dispositif d'attaque est pris : les 1ère et 2e compagnies en premières lignes ayant pour objectif la tranchée de Fribourg et les pentes nord du plateau. La 3e compagnie en deuxième vague s'établira en soutien à la tranchée "von Fett" ; le 3e bataillon fournira les groupes de nettoyeurs de tranchées, les ravitailleurs, et s'établira à la tranchée du "Balcon".
RAVITAILLEMENT AVRIL 1917 GUERRE 1914 1918 |
Ah ! ces instants qui précèdent l’heure H., comme ils paraissent longs ! L’atmosphère est âcre, lourde, chargée d’odeurs de poudre et de poussières qui, par instant, rendent la lumière blafarde... notre artillerie donne en plein, et on a l’impression que les innombrables obus qui passent sur nos têtes forment dans le ciel une voûte mobile d’acier...dix fois en cinq minutes, on tire sa montre !...Mais voici que nos 75 raccourcissent leur tir ; les obus en miaulant rasent le parapet et vont éclater à 100 mètres : c’est le barrage roulant qui tout à l’heure se déplacera à la cadence de 100 mètres à la minute...
L'INSTRUMENT DE LA VICTOIRE CANON GUERRE 1914 1918 |
Un officier a sauté sur le parapet : la montre d’une main, il a fait de l’autre le geste libérateur.... En Avant !.. D’un bond la première vague a franchi le parapet, et tout l’effort des gradés est de retenir les hommes et de les empêcher de se placer sous notre propre barrage !...
Là-bas les chefs Paquette et Hirschauer qui contemplent ce départ, trépignent d’enthousiasme et de fierté... c’est comme à la manœuvre ! Ici les officiers qui mènent l’assaut sentent tous les regards de leurs hommes fixés sur eux dans la confiance absolue du don total d’eux-mêmes... une fierté invincible les transporte... minute magnifique où dans la peur vaincue, l'âme commande seule ! l’héroïsme coule à pleins bords ! En Avant ! En Avant !
La tranchée "von Fett" est déjà submergée par nos premières vagues, avant même que l’ennemi ait pu s'apercevoir qu’il était attaqué ; et nos lignes continuent, serrent de près sur le barrage, et c'est la tranchée de Fribourg où quelques éléments ennemis esquissent une résistance désespérée : c'est une mitrailleuse qui a réussi à se mettre en batterie et qui commence sa musique de moulin à café : mais le lieutenant X., magnifique grenadier lançant la grenade à la mode basque à plus de 70 mètres, l’a aperçue et en quelques coups de grenades, la met hors de combat... ce sont quelques isolés qui, surpris et ne voulant pas se rendre, livrent des corps à corps inexorables... mais en quelques minutes la tranchée de Fribourg est à nous.
GRENADIERS TRANCHEE GUERRE 1914 1918 |
Plus bas, tout un système d’abris où l’ennemi avait accumulé ses réserves avait été signalé aux compagnies d'attaque, et d’avance, des patrouilles avaient été désignées pour fouiller ces abris et recueillir les prisonniers : exaltés par le succès, nos hommes s’élancent brisant rapidement toute résistance et forçant l'ennemi à se rendre.
TRANCHEE ALLEMANDE GUERRE 1914 1918 |
Les prisonniers sont nombreux ; on en comptera cinq cents tout à l’heure faits par le seul 49e au fier régiment Augusta de la Garde Prusienne : nos hommes exultent, leur téméraire audace ne connaît plus de bornes ; ils ont surpris l'ennemi et capturé des prisonniers dans les tenues les plus invraisemblables, tel cet officier surpris en costume léger dans son lit au fond d’une sape où il se croyait très en sûreté ; tel ce cuisinier d'officier aux bajoues retombant presque sur les épaules qui a grand renfort de gestes invite nos soldats à pénétrer dans sa cuisine souterraine et leur offre le repas qu'il préparait pour ses officiers, des cigarettes, un petit fût de rhum, des saucisses et autres douceurs venues d’outre.Rhin.... au loin, dans la verte vallée de l’Ailette que les nôtres contemplent avec un joyeux étonnement fuient les rescapés du fameux régiment boche harcelés par notre feu... Victoire ! Victoire ! ! !
Mais il s'agit d’organiser le terrain conquis en prévision des attaques de ce soir ou de demain : nos soldats posent leur fusil fumant encore et deviennent terrassiers : il faut retourner la tranchée de Fribourg, et faire vite pour profiter des quelques instants de répit que nous laisse le désarroi de l’ennemi..."Allons les gars, à l'œuvre et courage, ce sera la Tranchée de Bayonne", crie un officier, et le mot circule, raidissant les muscles, électrisant les énergies par le rappel de la petite Patrie.
Hélas ! la tranchée de Bayonne n’offrait pas grand abri, lorsque un peu plus tard commença le bombardement prélude de la contre-attaque prochaine : pilonnée, éventrée, bouleversée, elle fut le tombeau de beaucoup de ses défenseurs, mais le nom de Bayonne avait insufflé aux survivants une âme invincible : dans la tranchée de Bayonne on pouvait souffrir, on pouvait mourir, mais reculer, trahir le "Nunquam Polluta" de l’antique blason ? Jamais ! Les soldats du commandant Mesqui le prouvèrent bien en repoussant plusieurs contre-attaques en tenant, épuisés mais énergiques, décimés mais stoïques, jusqu'à la relève et en livrant inviolée à leurs successeurs la tranchée de Bayonne.
CRAONNE 1917 GUERRE 19141918 |
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