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lundi 18 juin 2018

LE ROI D'ANGLETERRE EDOUARD VII AU PAYS BASQUE EN AVRIL 1910

LE ROI D'ANGLETERRE AU PAYS BASQUE EN 1910.


Edouard  VII, le roi d'Angleterre depuis le 22 janvier 1901, au décès de sa mère la reine Victoria, aimait beaucoup la France, et en particulier le Pays Basque.


pays basque autrefois
LE ROI EDOUARD VII
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il fit de nombreux séjours à Biarritz, à l'Hôtel du Palais.


Il fumait habituellement 40 cigarettes et cigares par jour. 


Vers la fin de sa vie, il souffrit de plus en plus de bronchites.


En mars 1910, le roi se trouvait à Biarritz quand il s'effondra. Il y resta quelque temps pour 

récupérer, et ce jusqu'au 27 avril, date de son retour à Londres, où il décédera, peu de temps 

après,  le 6 mai 1910.




Voici ce que rapporta à son sujet le journal Gil Blas, dans son édition du 9 avril 1910 :


"Le Roi d'Angleterre à Biarritz et à Saint-Jean-de-Luz.


Sa Majesté au Golf Club de Ciboure. - Une partie de croquet. — Réflexions royales. — Histoire d'une ferme transformée en golf. Comment le pays basque a conquis l'Angleterre. — Le roi à la chasse. — L'aubergiste et Edouard VII. - Une promenade dans les appartements du roi.


Biarritz, le 7 avril.


C'est à peine si le mauvais temps a obligé le roi à se priver d'excursionner dans les environs. Dans ce pays béni, la nature, imprégnée de vie ardente, accueille la pluie comme une rosée. Il suffit d'ailleurs d'une heure de soleil méridional pour sécher les larmes de l'hiver qui nous quitte comme à regret. 


biarritz autrefois
DERNIERE PHOTO DU ROI EDOUARD VII A BIARRITZ EN MARS 1910
PAYS BASQUE D'ANTAN

Hier le roi s'est rendu pour la troisième fois à Saint-Jean-de-Luz, où il a passé une journée idéale. Invité à déjeuner par Mrs Morris, le roi ne cessait de s'extasier sur les beautés de ce joli coin de France.


Après déjeuner, le roi fila en auto suivi de ses amis, vers le gai petit village d'Ascain, au pied de la Rhune, où la Nivelle foisonne de truites exquises, où les gracieuses palombes sont revenues avec les oiseaux chanteurs: les chardonnerets, pinsons, linots et tarins.



Le roi mit pied à terre. Comme un jeune homme, il se mit à cueillir des œillets sauvages des marguerites, des jonquilles et des fougères, qu'il offrit à Mrs Morris. Puis, tirant sa montre, il rappela à ses amis qu'ils avaient rendez-vous au Golf Club de Ciboure pour aller prendre le thé. 


ciboure autrefois
GOLF DE LA NIVELLE CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Chemin faisant, le roi s'enquit de tout ce qui se faisait dans le pays. On lui apprit que tout y était en voie de transformation. L'enthousiasme de ses compatriotes pour ce groupe de sites merveilleux va toujours croissant. Les visiteurs ne se contentent plus de revenir; maintenant, ils construisent et se fixent dans le pays, ne retournant dans le leur que pour y aller voir leurs proches, ou pour des rendez-vous d'affaires. Ils ont apporté là leurs moeurs, leurs coutumes, leurs jeux, leurs aliments, leur langue — bien mieux, quelques-uns se sont mis à parler basque avec une aisance qui stupéfie les indigènes.


Et la terre, qui ne valait, il y a deux ou trois ans, que deux francs le mètre, se vend couramment dix et davantage.



Tout un système de tramways, qui sera probablement terminé vers le 15 juillet, va mettre en valeur des milliers d'hectares de terrains auxquels personne n'avait encore songé.



Cette colline de Ciboure fut longtemps la rivale de Saint-Jean. Aujourd'hui, une communauté d'intérêts les a réunies. Et toutes deux ont un avenir, et, mieux encore, un présent des plus enviables, depuis que les Anglais ont établi un golf à neuf trous, le plus aimable de tous les golfs de la région où il y en a déjà au moins cinq.



— Moi, dit souvent le roi, je ne voudrais pas jouer au golf ici, le pays est trop joli ; j'aurais des distractions, et je ne saurais plus mettre dans le trou.



Sourire d'avril, voilà bien des tiennes! 




Et tout cela n'est rien à côté de cette merveilleuse route de la Corniche, dont le pays va être doté. Car c'est chose décidée et signée. Un tramway électrique va nous conduire de Biarritz à Bilbao, en longeant la mer et les montagnes, passant par toutes les villes riveraines de l'Océan : Bidart, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Ciboure, Hendaye, Béhobie. De bons hôtels ne vont pas tarder à surgir tout le long de cette route royale, surtout à Saint-Jean-de-Luz et à Ciboure, où les hôtels, de l'aveu de leurs propriétaires, ne pouvaient suffire à héberger les amoureux du paradis basque. Cette corniche se fait ; elle est déjà commencée, et le roi a promis de l'inaugurer.


saint jean de luz autrefois
TRAMWAY ST JEAN DE LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

En attendant, suivons Sa Majesté installée dans l'agréable Golf Club de Ciboure. 



ciboure autrefois
ARNAUD MASSY GOLF DE LA NIVELLE CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Après s'être fait tout montrer, le roi a vivement félicité les membres du comité, puis a déclaré qu'il ferait volontiers une partie de croquet. Il s'y montra d'une jolie force.




- Je ne comprends pas, dit-il à ceux qui l'entouraient, que ce jeu ait perdu sa vogue d'autrefois. C'est un jeu si sociable. Combien il est plus hygiénique que le billard! En outre, il contribue à faire des mariages. Il parait que depuis qu'on délaisse le croquet la natalité a diminué.




Ce fut avec une indignation comique que le roi ponctua cette sortie en donnant un vigoureux coup de maillet à sa boule.


hendaye autrefois
CROQUET PLAGE HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Lord et lady Lonsborough, dont Sa Majesté était l'invité, lui confièrent que le club si pimpant était, il y a moins de deux ans, une ferme laide et en ruines.




— Qu'il plaise à Votre Majesté, dit lord Lonsborough, de savoir que la transformation de cette ferme est due à un gentilhomme irlandais, le comte Obyrne, qui devina le golf idéal dans le cadre merveilleux, sur cette plaine déshéritée connue sous le nom d'Olhabrietta, et il eut vite fait de réussir, sans bourse délier. Il alla trouver la municipalité et dit : "Vous voulez des Anglais, encore des Anglais, toujours des Anglais chez vous. Si vous ne leur donnez pas un golf, ils vont aller ailleurs. Faites les frais nécessaires. Il faut 250 000 francs. Dans deux ans vous serez remboursés." En huit jours, le capital était souscrit. Pourquoi  Parce que le colonel avait parlé basque! Ici, un étranger qui parle la langue du pays peut tout ce qu'il veut.


ciboure autrefois
GOLF DE LA NIVELLE CIBOURE - ZIBURU
PAYS BASQUE D'ANTAN


"Le comte Obyrne tint parole. Quand les résidents virent une plaine d'un vert émeraude ornée des trous et des obstacles classiques surgir d'un néant nauséabond, ils ne se firent pas prier. Ils allèrent jouer avec frénésie. Tous s'abonnèrent à raison de cent francs par tête. Leur exemple fut suivi. Puis on vit arriver en toute saison, par de beaux ou mauvais temps, en hiver comme en été, des amateurs qui devinrent actionnaires afin de ne pas s'abonner et, le plus curieux, c'est qu'en jouant ils sont devenus, par la même occasion, propriétaires de terrains à bâtir qui se trouvaient en bordure du golf. De sorte qu'en moins de deux ans les habitants de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure ont repassé leurs achats aux Anglais. En ce qui concerne la municipalité, celle-ci avait atteint son but : elle a eu les Anglais et le golf tant désirés. Le bénéfice à prévoir n'est pas banal. Déjà le terrain à trois lieues à la ronde se vend le double et le triple, et il continuera."




— Voilà de la bonne finance, observa le roi, ou je n'y connais rien. Ce pays ne tardera pas à être le rendez-vous champêtre des deux mondes et de leurs financiers les plus avisés.




L'autre jour, le temps était douteux, mais le roi, après avoir consulté son baromètre, ses secrétaires, le chef du personnel et son médecin, monta en auto pour aller à quatorze kilomètres de Biarritz voir passer une chasse au renard.


biarritz autrefois
CHASSE AU RENARD BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le vent soufflait en tempête; la bise était aigre en diable. Le roi descendit sur le sommet d'une colline, en face d'une petite taverne de rouliers. L'aubergiste le reconnut tout de suite. Il l'aborda en soulevant sa casquette et lui dit : 


— Venez par ici, "Monsieur le Roi" ; par la fenêtre de chez nous vous verrez tout sans risquer d'attraper du mal. "Femme! criait-il, vite une flambée et va tirer un pichet de cidre."




Avec sa bonhomie habituelle, "Monsieur le Roi" suivit son hôte tout comme il aurait accepté l'invitation d'un pair du Royaume-Uni. Il but un verre, de cidre et le proclama excellent, puis un second, et il en commanda une douzaine de bouteilles, qu'il paya d'un louis en remerciant de son hospitalité le vieux paysan basque.



Trois jours après, il y avait rendez-vous de chasse dans la cour du palais. Le roi, qui s'entretenait avec les piqueurs, avisa un homme que les gardes empêchaient d'entrer. C'était l'aubergiste qui apportait ses douze bouteilles. Le roi donna l'ordre de le faire entrer et lui dit : 


pays basque autrefois
LE ROI EDOUARD VII A L'HÔTEL DU PALAIS BIARRITZ 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN

— "Monsieur l'aubergiste", c'est mon tour de vous donner l'hospitalité. Restez-là et vous verrez le départ pour la chasse.


— Mais, dit le bonhomme, j'ai amené mes parents avec moi.


— Faites-les entrer.



Et quand il les vit, le roi leur rendit leur salut et s'enquit de la santé de l'épouse de l'aubergiste.


— Il est si brave homme, ce roi, disait l'autre jour la caissière de mon barbier. Et Figaro de répondre :

— Pardi ! il est plus Français qu'Anglais, il a fait toutes ses études à Paris (textuel).



Une autre fois, l'auto du roi, suivant le bord de la Nivelle, s'arrêta à quelques mètres d'un pêcheur. Le roi descendit et se dirigea vers l'homme qui n'avait rien entendu venir.


biarritz autrefois
EDOUARD VII BIARRITZ - MIARRITZE 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN


— Bonne pêche, monsieur ?




L'homme à la ligne eut un soubresaut, dévisagea le gêneur, grogna, et, pour toute réponse, montra son panier vide.




— Allons-nous-en, dit le roi en riant à son secrétaire, ce n'est pas le poisson, mais le pêcheur qui va mordre.



Ce même soir il y avait un grand dîner au palais en l'honneur de sir James Green, un grand ami d'Edouard VII.



Le lendemain, j'avais été faire un tour au palais. Ma bonne fortune me fit rencontrer M. Damon, l'aimable factotum de M. Pattard. Profitant de l'aubaine, j'appris que le roi, suivant son habitude, était de très bonne humeur et qu'il s'était beaucoup diverti à ce dîner. Les convives étaient seize, dont sept délicieuses femmes. 



— Je ne crois pas être indiscret, dis-je, en demandant — rassurez-vous — pas le nom de ces jolies femmes... mais si le roi suit un régime ?



— Un régime ! Ah ! mais non. C'est le roi des bons vivants. Demandez plutôt à notre chef Marot, le fameux Marot qui fit jadis les beaux jours du Café de la Paix, à Paris. Sa Majesté mange de tout. La seule recommandation que nous a faite son médecin est de veiller à ne pas servir des plats trop "travaillés" (sic).




biarritz autrefois
EDOUARD VII ET SON MEDECIN BIARRITZE - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


— Et comme boisson ?



— M. Pattard, qui connaît les goûts de son hôte, lui a expédié de Monte-Carlo une caisse de chablis Moutonne dont le roi se délecte. Le soir, il boit volontiers une coupe ou deux de Champagne, dont il aime à échantillonner les marques et les années célèbres. Hier, c'était le tour du Montebello.



— Voulez-vous voir les appartements réservés aux personnes dont le roi accepte les invitations à dîner ?



Curieux par métier, j'emboîte le pas à mon cicerone. Et nous voici dans l'ancien cabinet de travail de l'empereur Napoléon III : Une table ovale entourée de douillets petits fauteuils Louis XVI, à dossier bas; dans un coin il y a un buste en bronze du dernier "tyran", la tête coiffée d'un képi de général de division et le menton pourvu de la barbiche impériale.


biarritz avant
EDOUARD VII HÔTEL DU PALAIS BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Rien n'a été changé ici, sauf, bien entendu, le mobilier. Autrefois, à la place de la table, il y avait un bureau Empire, d'un très beau style, qui fut réclamé par l'impératrice. A côté de ce bureau, se trouve un fauteuil recouvert de soie rouge que personne n'a réclamé. C'est cependant celui-là même dans lequel, en 1863, s'assit le comte de Bismarck. Edouard VII fume volontiers sa pipe du matin.




— Notre roi, me dit mon aimable guide, a, lui aussi, bien des souvenirs en commun avec le rêveur en bronze qui lui sourit, sous ses paupières mi-closes, dans l'encoignure où le "service" l'a relégué, mais, en vrai sage, il vit surtout dans le présent.




Après avoir pris une gorgée de café, Sa Majesté allume un long cigare et passe dans ce qui fut autrefois la chambre à coucher de Napoléon III, où il n'y a plus que des tables et des chaises. Et ce sont alors de belles parties de bridge jusqu'à minuit moins le quart, heure à laquelle le roi se retire invariablement.




Edouard VII, qui se laisse vivre ici si doucement sans l'apparence de l'ombre d'un souci, en a cependant un dont il ne saurait se débarrasser. Sa Majesté a la hantise de l'heure. Elle prétend qu'elle a contracté cette faiblesse dès sa plus tendre enfance. Je l'ai entendu raconter que sa nourrice irlandaise lui avait inculqué, dès ses premiers repas, que l'exactitude était la politesse des rois.




— Quoi qu'il en soit, me dit M. Damon, lors de son dernier voyage, l'année dernière à pareille époque, il s'arrêta un instant avant son départ et me dit textuellement, avec cette grosse voix où il y a tant de bonté relevée d'un soupçon de malice : "Monsieur Damon, je suis très content ; tout a marché à ravir, tout, sauf vos horloges. Il n'y en a pas deux qui indiquent la même heure. Afin que vous puissiez mieux régler vos pendules, voici un chronomètre anglais du dernier modèle." Et ce disant, il me tendit la montre que voici, dont le couvercle porte les chiffres E. R. Jamais cette montre n'a varié d'une seconde. Depuis que je l'ai, j'ai attrapé la marotte royale, et il faut croire que le microbe de l'exactitude a rencontré chez moi un terrain favorable, car ce ne sont plus seulement les horloges du palais que je règle, mais aussi celles de la mairie et de tous les établissements publics de notre ville. 




BIARRITZ AUTREFOIS
DERNIER SEJOUR EDOUARD VII BIARRITZ - MIARRITZE 1910
PAYS BASQUE D'ANTAN



Et voilà comment nous avons à Biarritz l'heure unifiée d'Edouard VII, roi des Basques et des Bons Enfants."


(Source :WIKIPEDIA)


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