ANTOINE D'ABBADIE.
Antoine Thomson d'Abbadie d'Arrast, né le 3 janvier 1810 à Dublin et mort le 19 mars 1897 à Paris, est un savant et voyageur français.
ANTOINE D'ABABDIE D'ARRAST |
Voici ce que rapporta à son sujet le journal Les Contemporains, dans son édition du 1/01/1911 :
"Antoine d'Abbadie, Explorateur (1810-1897)
I. Origines — Education. La famille et le collège.
Charlemagne, très chrétien empereur d'Occident, avait institué, pour défendre la frontière méridionale de son royaume contre les incursions des Sarrasins, des abbés laïques, qui vivaient la lance au poing dans les monastères du pays basque et, en échange de leurs services militaires, avaient droit à la dîme et participaient à la nomination des curés. C’est d’une ancienne famille de ces abbés laïques que descendaient les d’Abbadie ; leur nom même est le témoignage étymologique de cette origine.
Vers la fin du XVIIIe siècle, la famille était représentée par Michel d’Abbadie, qui, aux premiers grondements de l’orage révolutionnaire, émigra en Irlande. Il se maria en terre étrangère avec une Irlandaise, Mlle Thompson, et c’est de ce mariage que naquit à Dublin, le 3 janvier 1810, l’intrépide, savant et pieux explorateur, Antoine d’Abbadie.
ANTOINE D'ABBADIE |
Les dix premières années de l’enfant s’écoulèrent à l’étranger. Retenu par la famille de sa femme, Michel d’Abbadie prolongea, en effet, son absence bien au delà de l’apaisement des troubles de la Révolution ; il ne revint en France que vers 1820 et se fixa d’abord à Toulouse pour régler l’éducation de ses enfants. Education tout anglaise, où Mme d’Abbadie, qui était une femme très instruite et qui savait le grec, s'attachait évidemment à mettre plus de raison que de sentiment. La surveillance des enfants, surveillance d’ailleurs très rigoureuse, était confiée jour et nuit à une gouvernante, et les relations familiales n'avaient droit quotidiennement qu’à une heure au plus, pendant laquelle il n’était pas môme question d’affectueux épanchements, mais tout simplement de jeux tranquilles dans un coin de la salle, en écoutant un conte du père. Tout tutoiement était banni, et aux questions posées par les parents il fallait répondre par des oui, Monsieur, et des oui, Madame.
Qui pis est, l’esprit de la famille était imbu du scepticisme voltairien auquel la société française du XVIIe siècle s’était si largement abandonnée sans prévoir l’effroyable bouleversement qu'il allait provoquer, et il fallut que la Providence veillât avec une spéciale sollicitude sur le jeune Antoine, comme sur son frère Arnauld, pour que de ce milieu, où la foi était si fragile et si dédaignée, pussent sortir les chrétiens convaincus et intrépides qu’ils furent.
ARNAULD D'ABBADIE |
Pendant trois ans, Antoine reçut à la maison cette froide éducation anglaise, sous la tutelle de ses parents et la direction de sa gouvernante, loin du martinet du maître d’études. Avide de savoir, il s’instruisait par la méthode objective des leçons de choses.
— Qu’y a-t-il au bout du chemin ? demandait-il à sa gouvernante.
— Une rivière, lui était-il répondu.
— Et après la rivière ?
— Une montagne.
— Et après la montagne ?
— Je ne sais plus, je n’y suis jamais allée.
— Eh bien ! j'irai voir...
Il tint parole, et plus tard il alla voir ; ce fut, toute sa vie, sa méthode pour résoudre les problèmes qui se posaient devant son esprit. Quand il eut treize ans, on le mit au collège ; dès que les sources des connaissances humaines lui furent ainsi ouvertes, il y but largement. Il s’assimila avec une extraordinaire activité les langues et les littératures anciennes, et le grec lui demeura assez familier pour qu’il ait pu écrire dans cet idiome quelques-uns de ses registres de voyage.
En 1826, il est en philosophie, et le carnet sur lequel il a noté ses impressions nous révèle l’emploi assez original, mais très consciencieusement laborieux, qu’il fait de ses journées. Lever à 7 heures, puis, au collège, leçon de géométrie ; ensuite, si c’est un lundi ou un vendredi, cours de physique, fait par un jeune professeur qui a le secret, en ces matières graves, d’ "amuser" les élèves ; à 11 heures, leçons de chimie du savant Despan ; à 2 h. 1/2, classe de philosophie. C’est, nous révèle le jeune philosophe, la classe de dégoût, distillant le mortel ennui des syllogismes. Mais à cet ennui que de compensations ! D'abord une première place au collège dans ce domaine abhorré des syllogisme ; puis la lecture passionnante des œuvres de Buffon, un constant commerce avec les pages "tour à tour sublimes, éloquentes, mélancoliques" de Chateaubriand, dont les Natchez l'émotionnèrent à ce point et lui firent verser tant de larmes qu'un instant on le crut atteint d'une dangereuse fluxion des yeux.
LES NATCHEZ DE CHATEAUBRIAND |
Et par-dessus tout le doux espoir d'étudier bientôt l’hébreu jetait dans sa vie une joie incomparable. Ce bonheur — c’est lui qui nous le confie, —il n’eût pas voulu l’échanger contre la gloire d'un Voltaire et d’un Masséna :
— Mon héritage dans ce monde me contente, et je bénis le Seigneur qui me l'a donné.
Son ardeur à s'instruire était sans mesure et embrassait simultanément les domaines les plus divers dans la science comme dans la littérature. Il ne quittait Chateaubriand ou Casimir Delavigne que pour l'Astronomie de Francœur, la Chimie d'Orfila ou les œuvres de Gay-Lussac. C’est en travaillant par cette méthode au moins originale qu’il se préparait aux épreuves du baccalauréat ; il les affronta en août 1827 et en sortit brillamment.
II. Préparation à la carrière d'explorateur — Entraînement physique et culture scientifique.
Le baccalauréat, terme de ses études classiques, n’était cependant à ses yeux ni un but ni un moyen, et il ne rêvait d'aucune des carrières auxquelles ce diplôme eût pu lui servir de porte d'entrée. Les sentiers battus ne l’attiraient point, et ses préoccupations d’avenir étaient dominées par un projet renfermé au plus profond de son coeur.
Ce projet "si insensé, mais si beau", qui faisait "les délices de tous ses loisirs", répondait à la fois aux aspirations de son esprit passionné de science et à un désir de servir utilement sa foi chrétienne. Depuis l'époque déjà lointaine où il s’était promis d’aller voir ce qu’il y avait derrière la montagne, ses goûts n’avaient point changé et s’étaient au contraire développés.
C'était aux voyages lointains, aux explorations des pays inconnus qu’il voulait consacrer sa vie. Ainsi s’expliquent à la fois et son enthousiasme pour les livres de Chateaubriand, pleins des tableaux séduisants de la nature exotique, et l’attrait qu'exerçaient sur lui ces sciences exactes dont la connaissance est si nécessaire aux voyageurs.
ANTOINE D'ABBADIE D'ARRAST |
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