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jeudi 6 août 2020

SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1881 (deuxième et dernière partie)


SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1881.


La ville de Saint-Jean-de-Luz comprend, en 1881, 4 451 habitants et est administrée par le Maire Républicain Martin Guilbeau.


pays basque autrefois 1900
ST JEAN DE LUZ EN 1865
PHOTO DE LADISLAS KONARZEWSKI


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Vie Moderne, le 8 octobre 1881 :



"Chronique - La Vie Mondaine - Saint-Jean-de-Luz.




...Le tambour des Basques est un diminutif de ceux que le général Farre a proscrits, et les ménestrels du pays en jouent d’une seule main pour marquer la mesure, tandis que de l'autre ils tiennent une sorte de fifre à embouchure dont les sons aigus produisent avec le tambour le contraste le plus bizarre.



pays basque autrefois musiciens
CHIRULA ET TAMBOURIN
PAR BAUDICHON



Eh ! non, les Espagnols n’ont guère plus de castagnettes et le claquement régulier de leurs doigts les remplace avantageusement : rien de plus extraordinaire en effet que de voir toute une foule dansant, avec mille contorsions, sur une place publique et claquant des doigts à chaque mesure, avec la régularité du balancier : je me souviens avoir un soir contemplé ce spectacle pendant une heure ; je fus pris d’abord d’un fou rire, me croyant à la cour des Miracles ou dans un asile d’aliénés ; puis le rythme finit par m'empoigner et j’eus toutes les peines du monde à me retenir d’aller gambader aussi dans la foule en claquant des doigts. — Appelez cela de la folie contagieuse, si vous le voulez, mais c’est comme ça !




Quant aux castagnettes, croyez-moi, quand on vous en fera entendre, soyez persuadé que c'est à votre intention et pour l’amour de votre porte-monnaie ; dans vingt ans il n’y aura même plus de guitares et si elles doivent emporter avec elles les chansons nasillardes du pays, il ne faudra pas trop les regretter.




Ce qui est vrai, c'est le proverbe qui dit : "Courir comme un Basque." Du temps où il n'y avait pas encore de chemin de fer dans ce pays, les femmes de pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz partaient le matin, nu-pieds, les jupes retroussées jusqu'à mi-jambe, et faisaient d'une traite et en courant, avec un fort poids sur la tête, vingt-deux kilomètres, pour aller vendre la sardine à Bayonne. Le soir, elles revenaient allégées, mais toujours du même train.



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LES CASCAROTTES
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il y a une autre locution, également juste, qui concerne les Basques : "Parler le français comme une vache espagnole". Traduisez : comme un Basque espagnol. Cette locution est d'autant plus juste que ces braves gens ne parlent pas mieux l'espagnol que le français ; mais les Bas-Bretons n'ont pas, que je sache, une plus grande facilité pour notre langue, et n'est-ce pas à ceux-ci que nous devons le verbe élégant baragouiner ?



La vie mondaine à Saint-Jean-de-Luz n'est pas encore des plus développées ; elle se bornait jusqu'ici à de longues causeries sur la plage le matin et l'après-midi, et surtout à de fréquentes excursions à Biarritz.



Maintenant, tout est changé, Saint-jean-de-Luz est en passe de devenir une station balnéaire des plus élégantes, les terrains qui valaient, il y a deux ans, un franc le mètre, valent aujourd'hui vingt-cinq francs ; songez-donc, on a construit deux casinos en une année, rien que deux pour commencer : il y en aura peut-être vingt dans dix ans ! Il est vrai de dire que le Grand Casino est un des mieux réussis que j'aie vus jusqu'ici, bien situé, élégant, confortable, et surtout surveillé de très près comme celui de Biarritz : tout autour, on va construire de nombreuses villas avec jardins ; bientôt l'on en reconnaîtra plus cette vieille ville qui semblait sous cloche, comme une pendule Empire, depuis le jour où elle eut l'honneur de voir célébrer les épousailles du Grand Roi avec l'Infante Marie-Thérèse.


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LE GRAND CASINO DE ST JEAN DE LUZ 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ciboure n'est séparé de Saint-Jean-de-Luz que par la Nivelle... et de vieilles rancunes de clocher.


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EGLISE DE CIBOURE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Lorsque l'Inquisition chassa d'Espagne les Maures, les juifs et les gitanes, les juifs vinrent à Bayonne peupler le quartier Saint-Esprit et les gitanes campèrent à Ciboure en face de Saint-Jean-de-Luz. Ils y sont restés sous le nom générique de Cascarots qu'on retrouve dans toutes nos parades foraines depuis des siècles, mais dont j'ignore la signification.



Ils ont conservé leur type, leur couleur bronzée, leurs cheveux crépus, leur sauvagerie naturelle et aussi leurs moeurs ; ils ont un roi dont les fonctions ne sont probablement guère plus étendues que les honneurs ; ils se contentent de l'appeler père, mais je le soupçonne quelque peu d'être en relations maçonniques avec son frère de Francfort, qu'on dit être le chef de toute la race.




Ils n'ont subi qu'une seule transformation, celle de la vie nomade à la vie sédentaire ; et qui plus est, leurs vieilles maisons se transforment peu à peu en élégants chalets basques à l'usage des étrangers.




Où allons-nous, grand Dieu ! si les bohémiens eux-mêmes font de la haute finance ? - Gypsies, mes amis, on ne dira plus que vous avez le teint cuivré !




Les querelles des Cascarots avec les habitants de Saint-Jean-de-Luz furent tellement sanglantes au XVIIème siècle, que le cardinal Mazarin établit un couvent de capucins entre les deux villes, à seule fin de séparer les combattants. Tout alla bien pendant un certain temps, mais un beau jour on raisonna dans le cloître des motifs de cette haine ; c'en fut assez pour allumer la guerre : on discuta, on disputa et on se querella si bien qu'au lieu de séparer les combattants, nos pères capucins prenaient fait et cause qui pour les uns, qui pour les autres.


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CASCAROTS
PAYS BASQUE D'ANTAN

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UNTXIN SOCOA 1880
PAYS BASQUE D'ANTAN

Moralité : Ne raisonnez jamais les querelles des autres.



Je termine ici cette course vagabonde sur nos côtes ; je ne l'ai entreprise ni comme poète, ni comme spéculateur, ni comme baigneur pour dames, à l'exemple de Dupuis dans Niniche. - Je l'ai faite en simple curieux, un peu en artiste et en amateur du monde  et de ses plaisirs...



Cependant là-bas la forêt frissonne et secoue sur le sol humide ses vertes frondaisons d'antan. Le cerf et le sanglier fuient sous bois.




Entendez-vous l'hallali du piqueur ? - La meute, les habits rouges, les amazones, tout cela passe comme l'ouragan, franchissant barrières et fossés.


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CHASSE AU RENARD BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Hallali ! la bête est rendue et se débat en vain dans un dernier effort.




Hallali ! le cerf expire aux pieds de ses vainqueurs, Diane la blonde sourit à sa mort.




Hallali !... J'y cours, et vous fais bien ma révérence."







Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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