L'AFFAIRE FINALY AU PAYS BASQUE EN 1953.
En ce début d'année 1953, sans atteindre les proportions de l'affaire Stavisky, l'affaire Finaly fait tout de même de Bayonne une des capitales mondiales du fait divers.
Je vous ai déjà parlé de cette affaire dans un article précédent.
Voici ce que rapporta le journal Carrefour, dans son édition du 25 février 1953 :
...Le vieux passeur ignore les scrupules.
— Pour ma part, je n’eusse pas accepté de participer à l’enlèvement, à moins qu'une autorité ecclésiastique ne prenne à sa charge les scrupules de ma conscience.
Ces scrupules-là, le vieux passeur José Susperreguy les ignore. L'ayant retrouvé, après la messe, en liberté provisoire, à la ferme ou il se repose entre deux courses en montagne, il a consenti contre versement préalable d'un billet de mille francs, à animer d’un sourire les rides de sa vieille tête de bois sculpté pour narrer et reconstituer l’aventure dont il fut, au matin du 13 février, le principal acteur.
LE PASSEUR JOSE SUSPERREGUY |
— Le départ avait été fixé à 7 h. 30. Il faisait un temps épouvantable et le sentier de la montagne était recouvert de 20 centimètres de neige. A l’heure dite le curé arriva, tenant les enfants par la main. Ils étaient emmitouflés dans leur capuchon chaussés de souliers de ville. On s'est mis en route sans attendre, pour profiter des quelques instants d’obscurité oui nous restaient avant le jour.
LES FRERES FINALY |
Je marchais devant et mes bottes de caoutchouc creusaient à chaque pas des trous profonds dans la neige. L’aîné des enfants me suivait, prenant soin de poser ses pieds dans mes traces. Puis venait le curé. Enfin, le plus jeune des gamins.
Personne ne disait mot, mais la montée fut pénible et les pauvres petits et moi-même, vu mes 66 ans, serrions les dents, animés de la farouche volonté d'arriver. Il nous fallut quatre heures pour parcourir les quatre kilomètres qui nous séparaient de la frontière. Arrivés là, je leur montrai, dans le creux de la vallée la fumée de la ferme où on nous attendait :
— Nous sommes sauvés, mon Dieu ! nous sommes sauvés ! crièrent-ils en embrassant de joie la soutane du curé.
Il avait été prévu que nous nous séparerions à cet endroit de l'abbé Ibarburu, et il nous suivit longtemps des yeux, tandis que, donnant la main aux enfants, j’amorçais la descente. Il nous restait encore une heure de route, mais les petits purent se réconforter, acheter des souliers et se reposer plusieurs heures dans la venta frontalière où l'on nous accueillit sans nous questionner.
Rentré à pied, je touchai les 10 000 francs que j'avais fixés pour le passage, le fermier espagnol recevant la même somme, qui lui fut remise le lendemain au marché d’Irun...
Pour nous autres, passeurs, concluait le père Ttomo, cette affaire-la est une affaire banale et cette frontière, que les "gabelou" prétendent garder, nous ne l’avons jamais reconnue. Le pays basque c’est ici et de l'autre côté.
Regardez ! ajoutait-il. pointant le doigt vers une bicoque aux tuiles moussues, nichée dans un coude de la Bidassoa, c'est là que je suis né, et ce n'est pas parce que j'ai franchi pour la première fois le ruisseau il y a trente-trois ans que l'on m'empêchera d'y retourner quand je veux...
La frontière, c'est une pierre de six pouces, fichée en terre au bord du sentier".
Et le père Ttomo donne un coup de pied rageur dans ce méchant caillou.
Rentreront-ils en France ?
Et maintenant, la question se pose : ces enfants seront-ils rapatriés en France ? Nul ne peut le dire, mais il semble que des tentatives soient en cours, car on signale, tant en France qu'en Espagne, des déplacements de hautes personnalités du clergé. Un père jésuite, envoyé spécial du cardinal Gerlier, primat des Gaules, a franchi hier la frontière d’Hendaye se rendant en Espagne. L’évêque de la province de Guipuzcoa est parti le même jour pour Madrid, cependant que le vicaire général de l’évêché de Bayonne montait dans le train de Paris.
CARDINAL PIERRE GERLIER |
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