LA MAISON BASQUE EN 1916.
Dans la société basque des années 1900, la maison ce ne sont pas seulement des murs appartenant à une famille, c'est bien plus que cela.
Voici ce que rapporta à ce sujet la revue hebdomadaire En Route, le 26 octobre 1916, sous la
plume de Paul Martignon :
"Une vieille ferme Basque.
Les trois caractéristiques de la "maison type" basque sont : les bois apparents dans la structure, la couleur brun rougeâtre de ces bois, et la forme du toit aux pentes inégales.
Une renaissance d'architecture locale. La maison Basque.
Conserver du pays où l’on édifie le caractère propre à son architecture locale, voilà ce qui devrait être la règle inspiratrice pour l’architecte et le propriétaire.
Et cependant !... Le temps n’est pas loin où, sur les côtes bretonnes, normandes et basques, pour ne parler que de ces régions-là, chaque construction nouvelle prenait les traits sans caractère, sans style ni inspiration de la construction moderne. Certes, dans nos villes, de telles villas, chalets, maisons, choquent déjà ; pourtant elles ne paraissent pas un défi jeté aux yeux comme ces chalets suisses badigeonnés de jaune et coiffés de rouge, ces maisons à tourelles ou à colonnades aperçues au sein des campagnes ou sur les bords de la mer. Leur laideur échappe aux regards dans la rue large et populeuse ; elle s’impose brutalement entre les verdures d’un parc où elle s’isole.
Tout cela a été bien compris depuis quelques années, pour la côte normande en particulier. Au pays basque, un grand effort reste encore à faire ; cependant il y faut constater une sorte de renaissance ou plutôt de réaction.
Tant que Biarritz, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, n’ont été que de petites stations où les nouvelles constructions étaient rares, les baigneurs se satisfaisant pour la saison des vieilles maisons du pays, elles ont ignoré la laideur de la maison moderne, étalée entre des murs pleins de passé. C’était encore le temps des pignons de bois, des longs toits inégaux penchés sur les rues étroites.
Mais ce temps passa, la vogue vint et s’accentua ; l’étranger se mit à bâtir et de tous côtés s’élevèrent de ces villas amorphes qui sont aussi mal à l’aise en Picardie qu’en Gascogne, à Vichy qu’à Brest.
Cependant, combien était tentante dans ce pays basque l’architecture locale ! L’amateur, l’architecte le plus difficile ne peuvent lui faire le moindre reproche. Élégance, originalité, recueillement du chez-soi, ne possède-t-elle pas tout cela à un haut degré ?
C’est une chose curieuse que la "maison type" basque. Ses caractéristiques, qui frappent d’abord l’œil le moins averti, sont les bois apparents dans la structure, la couleur et la forme du toit.
Ces bois apparents, réservés généralement à la façade, sont encastrés dans le mur où ils tiennent comme des rubans de couleur brun rougeâtre, ou brique. Ils tombent perpendiculairement, encadrant naturellement, les fenêtres entre deux montants. Horizontalement, ils marquent l’étage d’une ligne simple, ou double, unie ou ouvragée, continuée souvent par un balcon de bois.
Le toit est large, eu pente douce et souvent inégale, prolongeant un côté. La tuile employée pour ce toit n’a pas ce vermillon aigu qui incendie uniformément le profil des villes et des cam pagnes. Il est d’un rose dégradé, divers, étoffé de brun et d’orangé, un rose comme déjà mangé par les lichens et les pluies, doux, sobre, harmonisé au paysage.
Ici, le voisinage de l’Océan, qui n’a pas le bleu cru de la Méditerranée — compagne des couleurs vives, — le voisinage aussi de la montagne grise et de la plaine pâle demandent une couleur atténuée qui ne brutalise pas la verdure des tamaris, des bouleaux, des platanes. Cela fait de loin des tons neutres et doux où la lumière joue au lieu de s’écraser.
Ce type de maison basque entre de plus en plus, depuis quelques années, dans la construction nouvelle de la côte. Depuis se sont élevées : à Guéthary, la villa des Sept-Frères, appartenant au vicomte d’Elbée, blanche et toute garnie de balcons de bois ; Ama Ttikia (Petite mère), type plus affirmé de la maison basque, avec des raffinements ingénieux, parfaitement mariés à l’ensemble : les bois bien apparents, le toit avançant, les volets pleins ; à la Croix d’Elizabal, la maison de M. Denburger ; à la Croix-Blanche, celle de M. Basterrecha ; à Cambo, le chalet de M. Roland Gosselin, si recueilli et sobre dans la verdure, et la magnifique Arnaga d’Edmond Rostand, souvent décrite et qui offre sur la colline sa silhouette blanche.
VILLA SEPT-FRERES GUETHARY PAYS BASQUE D'ANTAN |
VILLA AMA TTIKIA GUETHARY PAYS BASQUE D'ANTAN |
VILLA ARNAGA CAMBO-LES-BAINS PAYS BASQUE D'ANTAN |
A Saint-Jean-de-Luz nous trouvons aussi, dans maintes nouvelles constructions, la recherche du style basque : villa Miragarria, etc. ; un des grands hôtels de la ville, l’hôtel du Golf, s’en est aussi inspiré ; à Ciboure, les villas Ixcilleta, etc. ; à Hendaye, qui se bâtit si vite, nombreux sont les chalets basques. L’hôtel Eskualduna, tout en suivant d’assez loin le style local, en dérive cependant.
VILLAS MIRAGARRIA JAIZQUIBEL ERAUNSSIA SAINT-JEAN-DE-LUZ |
HÔTEL ESKUALDUNA HENDAYE 1913 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Si la maison basque est toujours coiffée d’ardoise rose, elle n’a pas obligatoirement les bois apparents. La villa des Sept-Frères, à Guéthary, citée plus haut, en est un exemple ; elle appartient à ce modèle : murs blancs unis, volets bruns, toit en auvent, balcons de bois, comme on en voit tant à Saint-Jean-Pied-de-Port, Ascain, Saint-Pée-sur-Nivelle, Sare, ou encore, tout à fait sur la côte, comme ce village de Bidart qui de loin est un aveuglant chapelet blanc.
Nous voudrions citer ici, sur la renaissance de l’architecture basque, l’avis très autorisé de M. Étienne Decrept, l’auteur de Maïtena.
"Des propriétaires de fortune médiocre faisaient bâtir des constructions dont la prétention et l’inharmonie provoquaient des hurlements chez les hommes capables d’établir des rapports entre les diverses choses qui concourent à la formation d’un ensemble eurythmique.
Or, je constate avec joie, depuis quelques années, que cet ensemble se crée, par-ci, par-là, de par la volonté de propriétaires instruits et d’architectes persévérants. Il faut espérer que ce mouvement s’étendra à tout le pays, au lieu de se localiser sur le littoral. Aussi bien, il a gagné le Guipuzcoa et même la Biscaye, où les maisons basques de style labourdin se multiplient. Je désire que cet engouement se généralise, atteigne la ville au lieu de se cantonner exclusivement dans la campagne, y fasse monter les maisons en façade sur le trottoir, les auberges pittoresques en encorbellement, les magasins réjouissants à l’œil par la variété des lignes, rappelant assez exactement ces délicieuses rues du moyen âge dont les dessins de Gustave Doré et Henri Pille nous donnent une idée si séduisante, et enfin les églises et édifices du culte. Tout cela, bien entendu, sans préjudice des ressources que nous procure le confort moderne. Le Passé a de l’excellent, et je suis d’accord sur ce point avec Taine, mais le Présent a du bon qu'il convient de ne pas négliger."
On voit par ce qui précède l’effort chaleureux qui semble vouloir porter à sa place l'architecture locale basque. Aussi ne désespérons nous pas de voir un jour Guéthary, Bidart, Saint-Jean-de-Luz, Hendaye, toutes nos plages en vogue, harmonisées au paysage et ne l’éclaboussant plus. Pourquoi tout cela ne viendrait-il pas vite ? Pourquoi n’aurions-nous pas encore cette surprise que j’eus, un matin de septembre peu lointain, à Ciboure ?
Je montais, pour la centième fois peut-être en quelques années, un chemin que j’aime, qui regarde la mer, tourne entre les ronces et les troènes, passe devant la vieille église de Bordagin et redescend ensuite vers la vue de terre : plaine bleue, Rhune violette. Depuis des années, j’avais remarqué là, une ferme basque précédée de deux platanes, une vraie maison type avec ses bois bruns encadrant ses fenêtres.
BORDAGAIN CIBOURE 1913 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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