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vendredi 19 avril 2019

LA LANGUE BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (deuxième partie)


LA LANGUE BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.



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REVOLUTION FRANCAISE


Le Pays Basque Nord, formé du Labourd, de la Soule et de la Basse-Navarre a été englobé avec 

le Béarn dans le département des Basses-Pyrénées, le 4 mars 1790.




Voici ce que raconta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son 

édition du 28 mai 1932 :


"La Révolution et la langue basque. 



Le temps de la Convention.



La politique linguistique de la Convention se déroule naturellement en fonction de ses trois époques successives : la Convention girondine, la Convention montagnarde, la Convention thermidorienne. 



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ETATS GENERAUX REVOLUTION FRANCAISE



Les Girondins rêvent de République universelle et de propagande extérieure : le français sera l’un de leurs moyens d'action. Et Deutzel de déplorer, le 7 novembre 1792, que "le basque et le bas-breton (soient) les seuls idiomes dont l’effet de la traduction se bornera seulement aux habitants de la République". Car la propagande intérieure va de pair avec la propagande extérieure : il faut bien multiplier, au Pays Basque catholique, la littérature "républicaine". A la demande de Grégoire, une nouvelle impulsion est donnée à l'œuvre des traductions officielles ; le rapport Deutzel est suivi de la création d’une commission spéciale ; Meillan en fut membre ; il était le député girondin de Bayonne. D'autre part, le 18 novembre 1792, Dithurbide offrit ses services à Garat, alors ministre de la Justice. 




Il proposa d’ailleurs à la Convention de borner aux idiomes le travail de traduction, spécialement au basque et au bas-breton, les patois n'étant que "des corruptions du français". Arrivés chez nous en octobre 1792, les premiers commissaires de la Convention, — en tête Lazare Carnot aperçurent "l’ignorance et l’égoïsme" résultant des idiomes ; ils s’étonnèrent de voir des pays géographiquement voisins être aussi différents et aussi étrangers les uns aux autres à cause de leur langue opposée. 



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SERMENT DU JEU DE PAUME REVOLUTION FRANCAISE



Des Pyrénées Occidentales, Régnier écrit à Roland, ministre de l’Intérieur : "Les Basques sont courageux, intrépides, parlant un langage qui n’a aucun rapport avec les langues connues. Cette langue n’est point écrite, quoique très facile à écrire ; quelques livres de dévotion sont les seuls qu’il y ait à cet idiome. Les prêtres ont toute la confiance de ces peuples. Les Basques sont très fanatiques, faute d’instruction ; il serait très essentiel et de toute nécessité qu’on traduisit en langue basque plusieurs bons ouvrages sur la Révolution pour éclairer ces hommes égarés. Je suis parvenu à rassembler un comité de traducteurs qui se feront un plaisir de traduire et coopérer avec moi à l’instruction de ces gens égarés, mais il faut que la République fasse les frais de l’impression". Régnier ajoute que les commissaires en mission, Carnot, Garrau, Lamarque, sont persuadés de cette nécessité. 




La Convention montagnarde, elle aussi, suivit tout d’abord cette politique. Le 20 juin 1793, devant les "égarements" où sont tombés quelques départements, le Comité de Salut Public ordonnait au ministre de l’Intérieur la création immédiate d’un bureau de traduction où les lois, le Bulletin de la Convention, les proclamations et pièces indispensables seraient traduites en idiomes, notamment en basque. De Saint-Pée, Fourcade informe Garat, à la date du 24 juillet 1793, que Duhalde a traduit en basque l’Acte Constitutionnel : sans doute celui de l'an I, destiné précisément à rallier les départements "fédéralistes". Le fait était "d’autant plus nécessaire que les aristocrates d’Ustaritz ont profité du contraire pour aigrir les citoyens... Vous devriez faire une adresse au peuple basque." 



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MIRABEAU ET ASSEMBLEE CONSTITUANTE REVOLUTION FRANCAISE



Pourtant, le pur esprit révolutionnaire s’inquiétait de ces concessions. A la suite du rapport Deutzel, "la Chronique de Paris parla d'extirpation pure et simple des idiomes, mettant le basque et le bas-breton sur le même pied que "le turc et le chinois". Par-dessus tout, nous voici parvenus à l’époque où le basque devient un danger national aux yeux des montagnards de la Convention. Ces pays à idiome, Alsace, Corse, Flandre, Bretagne, Pays Basque se dressaient, pour un motif ou un autre, contre la Révolution. Au Pays Basque, c’était l’attachement au catholicisme qui avait provoqué la rupture. L’heure des mesures violentes était venue. 




Le 29 octobre 1792, Régnier n’écrivait-il pas déjà : "A Ustaritz, le fanatisme domine ; peu de personnes savent parler français ; les prêtres basques et quelques autres mauvais citoyens ont interprété à ces in fortunés habitants, les décrets comme ils ont eu intérêt... Sans instruction en basque, le patriotisme pur aura de la peine à se propager." Son rapport du 6 décembre 1792, montre comment à Saint-Jean-Pied-de-Port, tous les jours de marché, on lisait en basque, les nouvelles ; la campagne pour les assignats se faisait en basque comme en français. 



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CAMILLE DESMOULINS AU PALAIS ROYAL REVOLUTION FRANCAISE


Les incidents graves se multipliaient cependant, tandis que les députés en mission étaient dans l’incapacité de se faire comprendre. La guerre avec l’Espagne compliquait terriblement la situation : en général, les Basques se battaient avec "entrain" et courage, mais les habitants des Aldudes avaient demandé leur annexion à l’Espagne ; au camp de Sare, la compagnie des miquelets recrutée dans le pays, passait à l’ennemi le 2 mai 1793. Au contraire, La Tour d’Auvergne, un Breton, exerçait sur ses Basques un "extraordinaire ascendant" ; officier d’ancien régime à Bayonne, La Tour d’Auvergne avait, en effet, appris la langue basque. De Saint-Jean-Pied-de-Port, Féraud réclama qu'on lui adjoignit Neveu, à raison de ses connaissances en la matière : celui-ci avait été effectivement envoyé, le 9 mars, comme représentant en mission et rappelé peu après. 




De plus en plus, le basque apparaissait comme un obstacle à briser. Barère se chargea de l’attaque : au nom du Comité de Salut public, il fonça à la Convention, le 27 janvier 1794 (8 pluviôse an II) : la Contre-Révolution parlait italien en Corse, le fédéralisme s’exprimait en bas-breton, l’émigration en allemand ou flamand ; "si les Basques ont su défendre la République le long de la Bidassoa", ils sont sous la domination de leurs prêtres : "le fanatisme parle basque"... "Brisons ces jargons barbares et grossiers." La discussion fut brève. Si difficile que puisse être sa pratique, le décret du 8 pluviôse ordonnait dans un délai de 10 jours, l’installation dans chaque commune des pays à idiomes, Pays Basque nommément cité, des instituteurs qui recevraient obligatoirement les enfants des deux sexes et instruiraient le peuple parlant un "idiome étranger", chaque décadi, c’est-à-dire chaque dimanche révolutionnaire. Trouver en dix jours un personnel bilingue s’avéra d’ailleurs impossible en Pays Basque. Un décret complémentaire stipulait la nullité de tout acte public, même un contrat sous-seing privé, rédigé en basque : tout officier public qui se permettrait d’en recevoir un seul serait aussitôt emprisonné. 



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PRISE DE LA BASTILLE REVOLUTION FRANCAISE



Grégoire suivit. Son rapport du 9 prairial an II, 28 mai 1794, fut discuté le 6 juin à la Convention. C’était une charge à fond de train contre nos trente patois et nos idiomes, ravalés au rang du "parler des nègres de nos colonies". S'appuyant sur le rapport d'octobre 1792, sans doute de Régnier, Grégoire rappelait les lettres des représentants, disant que "chez les Basques, peuple doux et brave, un grand nombre était accessible au fanatisme parce que l’idiome était un obstacle à la propagation des lumières". 




La mesure à prendre était radicale : interdire de se marier à tous ceux qui ignoreraient le français. Mais les patois étaient, au regard de la Convention, moins dangereux que les idiomes : elle se contenta de mettre à l’ordre du jour "l’idiome de la liberté", de décider une adresse au peuple français. Selon l’usage, diverses Sociétés populaires approuvèrent, entre autres celle de Dax."




A suivre...




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