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mardi 2 avril 2019

LA LANGUE BASQUE EN MARS 1873 (deuxième et dernière partie)


LA LANGUE BASQUE EN 1873.


Au cours des siècles, de nombreux savants et linguistes ont étudié la langue Basque.


langue basque autrefois
DICTIONNAIRE BASQUE FRANCAIS VAN EYS 1873
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta le journal La République Française, dans son édition du 28 mars 1873 :




"...Mais, en examinant attentivement les diverses formes des deux auxiliaires, on arrive à distinguer nettement diverses syllabes, diverses lettres, qui interviennent constamment dès que tel sens se manifeste ; il faut donc les considérer comme portant en elles ce sens même. On reconnaît ainsi que la vaste complexité du verbe basque se réduit à une agglomération méthodique et régulière de pronoms et d’un radical verbal, tous plus ou moins altérés ; mais ces altérations ne sont jamais organiques, elles sont toujours phonétiques, c'est-à-dire que jamais, par exemple, les variations du radical verbal ne correspondent forcément à nos idées de rapport  (temps, mode, personne), comme il arrive au français qui dis "je fais" au présent et "je fis" au passé. Ces changements sont seulement déterminés par le principe général d’une facilitation de la diction, par l’atténuation et même le renforcement de certaines syllabes. 


guidaria edo escu liburua
GUIDE DE CONVERSATION FRANCAIS-BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN





Les personnes un peu au courant de la science des langues n'hésiteront pas, sur ce simple exposé, à placer le basque dans le second des trois grands groupes linguistiques admis par les savants actuels. L'euscara vient se ranger en effet dans la même classe que le japonais, le tamoul, le turc, le finnois, le hongrois ou magyar et les idiomes indigènes du Canada, il est, comme ces langues, essentiellement agglutinant, c'est-à-dire qu’il est capable, à l'aile de particules indépendantes mais plus ou moins réduites et usées dans la suite des temps, de former de chaque mot un nombre très considérable de dérivés. Ce procédé, assez inférieur, est généralement reconnu comme historiquement antérieur à celui qui caractérise les langues à flexion (indo-européennes et sémitiques), c’est-à dire l’altération des voyelles radicales dans le but d’exprimer des variations différentes de la même idée dans le temps, l'espace ou le lieu. 










Or, nous savons que les langues indo-européennes, parlées aujourd’hui dans presque toute l’Europe, sont venues de l’Asie, à commencer par le celte, représenté actuellement en France par le bas-breton. Mais nous trouvons, au milieu d’elles, comme trois îlots de langues agglutinantes : le finnois, le magyar et le basque, sur les migrations desquels nous n’avons aucune donnée, car nous ne parions pas du turc dont l’origine topographique nous est connue. Le finnois et le magyar sont, d’ailleurs, parents entre eux et avec les langues de la Sibérie ; le basque reste isolé. Nous avons donc le droit de poser les théorèmes suivants : la langue basque était parlée en Europe, avant l’arrivée des Aryas dont les Indo Européens actuels sont les descendants directs, par une race différente. La langue basque existait avant que les grands groupes des langues indo-européennes (sanscrit, grec, latin, germain, slave, celte) n’aient été produits. C’est un reste des vieux idiomes de l’Europe. Mais il n’est pas possible d’indiquer même approximativement un chiffre quelconque d'années. 


langue basque
LA LANGUE BASQUE ET LES IDIOMES ARYENS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous touchons là à une question qui a, de tout temps, préoccupé les amateurs des causes premières ou finales, qui a bouleversé bien des cerveaux de métaphysiciens, et qui a fait écrire de gros volumes, la question de "l’origine des Basques". Elle est pourtant assez secondaire ; ou du moins, peu importe, pour le moment, de savoir si les Basques sont les frères des Phéniciens et sont venus en Espagne par l’Afrique et le détroit de Gibraltar, s’ils sont arrivés de l’Asie ou s’ils ne doivent être regardés que comme une colonie d'Américains transportés en Europe à travers l’Océan et l’Atlantide de Platon.




Nous voulons dire que l’erreur de ceux qui prennent la langue basque pour base de pareilles recherches est considérable. On a maint exemple de races disparues par une diminution lente, par des croisements incessants, par une immixtion prolongée d'éléments étrangers toujours nombreux et toujours renouvelés, mais ayant légué leurs langues aux populations qui ont pris leur place. Et comme de pareilles métamorphoses ont pu avoir lieu dans toutes les régions du globe, il est difficile de déterminer d’une façon précise, dès qu’il ne s'agit plus des idiomes indo -européens, les plus jeunes de tous, quelle langue caractérise spécialement telle race non aryenne. 


langue basque vicaire
ESSAI SUR LA LANGUE BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ce qu'il importe, en revanche, de savoir ; ce qu’il est utile, nécessaire, indispensable de connaître, c’est l’état de civilisation des Basques antiques. C’est tout ce que la linguistique peut nous faire découvrir ; et l’escuara, scientifiquement attaqué dans ce sens, devra sûrement satisfaire notre curiosité. Pour atteindre ce but, il sera suffisant de reconstituer l’état le plus simple, le plus primitif de l’idiome basque ; en un mot de dresser, aussi exactement que possible, la double liste des racines euscariennes de signification et des racines euscariennes de rapport. Le langage et la pensée sont toujours étroitement solidaires l’un de l’autre ; ils naissent, se développent et meurent ensemble ; ce sont, l’un et l’autre, des produits spontanés de l’organisme naturel , mais nullement indépendants l’un de l’autre et aidant l’un et l’autre à leur développement mutuel et réciproque. Une race dont le langage est très pauvre doit nécessairement être très pauvre en idées.

 

Pour reconstituer, dans toute sa pureté, le vocabulaire primitif euscarien, il faut rechercher toutes les expressions usitées dans les différents dialectes, et ne les admettre comme originales que si l’on s'est assuré qu’indubitablement elles n’appartiennent pas en propre à d’autres idiomes avec lesquels le basque a pu se trouver en contact.


langue basque
GUIDE DE CONVERSATION FRANCAIS-BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN




Or, l’histoire nous apprend que, parmi ces idiomes, on peut compter le celte, l’arabe, mais principalement le latin. L’influence de ce dernier a dû être d’autant plus puissante qu’elle a été continue et prolongée pendant vingt siècles, et qu’elle s'est exercée plus activement à des époques de travail et de progrès universel. Par conséquent, il est nécessaire, pour bien connaître le basque, de savoir à fond le latin et l’histoire complète de ses dérivés géographiquement les plus rapprochés du basque, c’est à-dire de l’espagnol et du français tant dans son état actuel littéraire que dans les divers patois gascons et béarnais de la langue d’oc. 




Pour retrouver les formes grammaticales primitives, il faut dresser le tableau complet de ces formes dans tous les dialectes du basque ; il faut rechercher quelles formes sont secondaires et dérivées d autres plus anciennes, etc. Et ce travail est d’au tant plus délicat que les variétés actuelles de la langue basque sont, pour ainsi dire, innombrables, chaque village ayant quelque particularité qui lui est propre. Le plus habile philologue qui ait analysé l’euscarien, le prince L.-L. Bonaparte, ne compte pas moins de huit dialectes, formant vingt cinq variétés principales. Ces dialectes sont : en Espagne, le biscaïen, le guipuzcoan, le haut navarrais méridional et septentrional, dont le nom seul indique la répartition géographique ; en France, le labourdin, parlé vers la partie sud-ouest de l’arrondissement de Bayonne, le souletin dans le sud-est de l’arrondissement de Mauléon, et le bas-navarrais occidental et oriental, entre ces deux derniers. 




Une des grandes difficultés de cette étude, c’est que les documents manquent. Nous n’avons aucune preuve écrite de l'existence du basque avant le dixième siècle, car les inscriptions dites ibériennes ne sont pas encore lues, et il n'est point démontré qu'elles soient en euscarien antique. Du dixième siècle au seizième, nous ne trouvons que des noms de lieux dans diverses chartes, coutumes, lettres patentes, bulles du pape, etc. Le premier texte basque imprimé connu est le passage du chapitre 9 du livre II de Rabelais, qui fut publié en 1542. Les changements subis par la langue depuis cette époque sont sans doute sensibles, mais ils sont très peu considérables. 


litterature francaise rabelais
PANTAGRUEL DE FRANCOIS RABELAIS 1542



Il n’y a pas de littérature basque. La plupart des livres répandus dans le pays ont été composés par des auteurs qui avaient reçu une éducation purement française ou espagnole ; les chants et contes populaires, à part certains couplets, certains récits où des sentiments naturels sont exactement rendus, sont généralement des œuvres très médiocres. Quant aux écrits publiés, dans des langues étrangères, relativement à l'étude du basque, nous ne citerons que l'Essai de grammaire de M. Vasti Etjs, qui, quoique très élémentaire, est le traité d’ensemble le plus scientifique et le plus méthodiquement conçu. Il convient de mentionner aussi les publications du prince L.-L. Bonaparte, particulièrement précieuses pour l’étude des diverses variétés dialectales. II n’y a pas lieu de parler des autres ouvrages, parce qu’ils sont en général l'œuvre, plus ou moins bien ordonnée, non de véritables linguistes, mais de philologues ou de grammairiens. 


langue basque bonaparte
LOUIS LUCIEN BONAPARTE
PAYS BASQUE D'ANTAN



On ne saurait en effet songer à étudier la langue barque dans un but pratique : il n’y aurait à ce travail aucune utilité réelle. Le voyageur trouve aujourd'hui à se faire comprendre à peu près partout dans le pays basque. Presque tous les enfants savent le français qu'ils commencent même, indice grave, à parler entre eux. En même temps que les besoins se multiplient et que la facilité plus grande des communications met le cultivateur ou le pasteur basque plus souvent en rapport avec des Gascons, des Français ou des Espagnols, le vieil idiome euscarien s’altère et se perd de plus en plus. Tout indique sa disparition complète dans un avenir peut-être plus rapproché qu’on ne le pense. 




Nous croyons qu’il y a plus à se féliciter qu’à se plaindre de la mort prochaine d’un idiome dont l’âge nous reporte à une époque de civilisation très inférieure. Au point de vue social, d’ailleurs, la langue basque est le principal obstacle à l'éducation de populations naturellement intelligentes, qu'un clergé puissant et quelques pseudo-hobereaux, fort ignorants eux mêmes entretiennent soigneusement dans une ignorance absolue. Les Basques ne lisent jamais ! Ils ne s’intéressent que fort peu aux affaires de leur pays : nous n’en avons eu que trop de preuves pendant la guerre de 1870 ; ils ne se préoccupent guère que de vivre, sans chercher à améliorer leurs conditions d’existence. Puisqu'ils sont tout à fait incapables de former à eux seuls une nationalité distincte, il faut souhaiter leur fusion complète et rapide avec les peuples déjà éveillés à la vie moderne, dont leur langage les sépare comme par une barrière infranchissable. Mais, le mouvement est commencé ; un siècle peut-être ne s’écoulera pas avant que le pays basque, initié à l'activité et à la lutte féconde, ait compris comme tout le reste de la France ou de l'Espagne que le salut du monde est dans l'effort individuel, au milieu du travail commun, dans le développement illimité de la science et dans l'avènement définitif de la liberté."






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