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samedi 12 juillet 2025

LES BASSES-PYRÉNÉES EN 1823 PAR LOUIS GARNERAY (seconde et dernière partie)

 

LES BASSES-PYRÉNÉES EN 1823.


En 1823, Louis Garneray, peintre officiel de la Marine, parcourt les côtes de la France entière, de 1823 à 1832, à la demande du duc d'Angoulême, qui lui commande des vues des grands ports de France.



pays basque labourd autrefois garneray port peintre
VUE DE BIARRITZ
PAR LOUIS GARNERAY 1823



Voici ce que rapporta à ce sujet Louis Garneray, dans son ouvrage Voyage pittoresque et maritime 

sur les côtes de France :



"Département des Basses-Pyrénées.



... Revenons au port de Saint-Jean-de-Luz, situé au fond de la baie qui porte son nom, et fermé par deux jetées partant de la ville et du village de Sibourre, que nous découvrons à la gauche de notre second tableau.



La Nivelle, qui a son embouchure dans ce port, occupe notre premier plan, et sépare le spectateur de la ville, dont nous voyons à notre droite un quartier appelé le Marais. Le premier édifice que nous remarquons dans ce quartier, à la droite du tableau, et que les quatre tours dont il est flanqué nous font distinguer, est l'hôtel qu'habita Louis XIV, lorsqu'il vint épouser l'infante Marie-Thérèse, après la conclusion de paix des Pyrénées.



En avançant vers la gauche, et longeant toujours les maisons qui bordent le port, on aperçoit une de ces digues auxquelles on donne le nom de Perret, et que l'on oppose à la violence de la mer. Celui-ci qui est surmonté d'un obélisque érigé en l'honneur de S. A. R. Mr le duc d'Angoulême, a été construit ou plutôt reconstruit dernièrement pour renforcer un ancien perret, dont une partie a été détruite par la mer qui, continuant ses ravages, menaçait d'engloutir la ville.



Ce perret est terminé par un autre bâtiment de même nature et de moitié plus bas, attenant de l'autre côté de la jetée. Ce bâtiment, qui garnit une anse sablonneuse, demi-circulaire, ouvre passage à la vague, et lui permet de porter assez avant le vaisseau pour qu'il puisse prendre terre (échouer en langage maritime), sans toucher à la digue, et sauve ainsi le navire et l'équipage du danger qu'ils pourraient courir du le perret supérieur de la droite, où ils seraient infailliblement brisés par la violence du choc ; et d'ailleurs le passage que s'ouvre la mer entre les deux jetées est souvent impraticable dans les gros temps, même avec l'aide des pilotes côtiers, auxquels il est aussi impossible qu'aux autres marins de distinguer le goulet couvert de tous côtés par les vagues de la mer : au reste, dans ce port tout atteste ses ravages, et tout prouve qu'elle a fait, en empiétant sur les terres, des progrès considérables. Sur la plage derrière le perret que nous venons de décrire, et hors de la vue du spectateur, on montre aux étrangers les ruines d'un ancien couvent, dont les parties supérieures se distinguent encore au milieu du sable qui le couvre tout entièrement. C'est à M. de Baudre, ingénieur du département, que les navigateurs et les habitants de Saint-Jean-de-Luz doivent ces belles digues, et les importants travaux de ces deux perrets qui les préservent des plus grands dangers, et qui sont à nos yeux également remarquables par leur conception hardie, et par leur belle exécution.



Au delà du port et de la baie, le port de Socoa sert de relâche aux barques de pêcheurs. Ce port, que nous découvrons à l'horizon, ferme la baie de Saint-Jean-de-Luz, dans la partie méridionale, et ses bastions en défendent l'entrée.



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VUE DU PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ
 PAR LOUIS GARNERAY 1823




Vue de Biarritz.



Le port de Biarritz était jadis une succursale de celui de Saint-Jean-de-Luz. Mais la mer ayant détruit ou comblé une partie du premier, il ne peut plus servir aujourd'hui qu'à armer quelques petites barques de pêcheurs. Toute cette partie du golfe de Gascogne, bordée d'écueils et de brisans, est très dangereuse ; à peine peut-on essayer d'y naviguer encore, même dans les jours de beau temps ; mais aussi cette côte dangereuse est-elle un des plus beaux sites de la France, et l'un des endroits les plus remarquables par  la réunion de tout ce qui peut charmer les yeux du peintre ou de l'admirateur de la nature pittoresque.



Sur le rocher qui domine le second plan et le centre de notre troisième tableau, à droite de la bourgade de Biarritz, on découvre un monceau de ruines informes, que l'herbe dont il est recouvert empêche encore de distinguer ; ces ruines ont sans doute appartenu à un fort qui s'est écroulé sur l'autre côté de la montagne ; plus loin et toujours vers la droite une tour blanche, surmontée d'un fanal, sert de point de reconnaissance pour les navires, pendant le jour comme pendant la nuit ; plus bas et près des brisans, on aperçoit encore la porte d'un ermitage, désert depuis longtemps, et l'avant-corps en bois qui y conduit.



Les bains de mer de Biarritz sont très connus dans la contrée, et très fréquentée chaque année, malgré les nombreux malheurs qui en résultent. M. de Jouy a consacré à les décrire un numéro de son Ermite en province, et a ainsi révélé leur existence à la plupart de nos lecteurs, ce qui nous dispense d'en parler ici, autrement que pour mémoire. L'affluence qu'attirent ces bains, et le peu de pêche que l'on fait dans le pays, suffisent pour donner à Biarritz une apparence de propreté qui annonce une honnête aisance, et qui semblerait dénoter l'opulence dans tout autre pays que la Biscaye, où elle est également l'apanage du pauvre et du riche, tant dans l'intérieur des ménages qu'à l'extérieur des maisons, la plupart peintes en blanc et entretenues avec un soin qui est presque du luxe.


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LIVRE L'HERMITE EN PROVINCE
E DE JOUY



Ce petit endroit est visité par tous les voyageurs qui parcourent la Biscaye, tant les beautés pittoresques de sa position sont célèbres. On s'y rend de Bayonne d'une manière très agréable dans les cacolets, espèces de doubles selles propres à recevoir sur le dos du même cheval le voyageur et la jeune conductrice ou cacolétière à laquelle les rênes sont confiées : ces cacolétières sont presque toutes jolies, ce qui n'est pas un des moindres attraits à ces promenades agrestes, que tous ceux qui ont visité le pays ne peuvent se rappeler sans plaisir.


Vue de l'embouchure de l'Adour.


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VUE DE L'EMBOUCHURE DE L'ADOUR
PAR LOUIS GARNERAY 1823



Revenons à Bayonne, que nous avons déjà annoncé devoir visiter. Commençons par le Boucau, à la vue duquel l'Adour vient mêler ses eaux à celles de la mer et examinons avec le lecteur cette fameuse passe, connue sous le nom de Barre de Bayonne ; objet d'effroi pour les intrépides marins.



L'embouchure actuelle de l'Adour, où se trouve cette dangereuse passe, est garnie d'écueils terribles causés par la mobilité des bancs de sables, écueils que ne pouvait prévoir le célèbre ingénieur Louis de Foix, lorsqu'il creusa, sous le règne d'Henri IV, ce nouveau débouché au fleuve, et ferma, par de fortes digues, son lit naturel, pour éviter aux navigateurs de ces bords un inutile trajet de plus de six lieues.



La tour du Boucau, qui domine la gauche de notre quatrième tableau, élevée sur la jetée qui termine la rive de l'Adour, à plus de 75 pieds au-dessus du niveau de la basse mer, est surmontée d'un mât de pavillon dont l'inclinaison, dirigée par le pilote-major dans les jours de gros temps, indique aux navires la route qu'ils doivent parcourir pour se dérober aux plus grands dangers.



Quand il fait beau, les pilotes, montés sur de légers esquifs, vont jusque dans la pleine mer à la rencontre des vaisseaux qui arrivent à Bayonne. Dans les jours de dangers, ils les attendent, en deçà de la barre, sur ces mêmes chaloupes, qui se placent toujours de chaque côté de la passe.



Au pied de la tour du Boucau, d'où l'on ne découvre aucune habitation, l'oeil est frappé par le plus triste des spectacles ; d'un côté des sables que le vent soulève et disperse au loin en nuages jaunâtres, un horizon désert et un silence effrayant ; de tout autre côté, l'immensité des mers, et cette barre redoutable dont l'aspect rompt seul la monotonie du tableau, et dont les mugissements sinistres interrompent un triste silence par un bruit plus triste cent fois. Elle s'élève, mugit, retombe dans le sein de l'onde qu'elle blanchit de flots, d'écumes : et malheur alors à l'imprudent nautonier qui n'a pas aperçu le signal hospitalier du pilote ; trompé par le calme dont il jouissait naguère, s'il a franchi la passe désastreuse, il viendra se briser sur les bancs de sable qu'elle surmonte, et les rives de l'Adour se couvriront de ses débris.



Depuis l'embouchure de la Bidassoa jusqu'à l'embouchure de l'Adour, nous avons décrit d'Andaye à Saint-Jean-de-Luz, à Biarritz, au Boucau, une courbe dont nous continuerons à parcourir tous les points.



Terminons ici notre première tournée, et laissons nos lecteurs à Bayonne, que nous leur ferons mieux connaître dans nos livraisons suivantes, où nous poursuivrons avec constance la tâche que nous nous sommes imposée. Heureux si notre ouvrage obtient les suffrages de nos braves marins, en leur rappelant des travaux aussi nobles que pénibles, mais qu'une renommée stérile ne vient pas même toujours payer des maux les plus réels et des plus horribles dangers !"



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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