LES BAINS DE MER À BIARRITZ EN 1839.
Dès la fin du 18ème siècle, les "étrangers" viennent à Biarritz pour prendre des bains de mer.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Courrier de la Côte d'Or, le 19 novembre 1839 :
"Biarritz et les bains de mer.
Ne faudrait-il pas aux bains de mer de Biarritz quelque prospectus pompeux et brillant pour appeler l’attention de la foule et la précipiter, plus curieuse et plus empressée, sur ce rocher pittoresque ? Ne faudrait-il pas aussi la sanction de la mode à cette nature énergique ? et quelque prétendant chercheur de couronnes, on quelque émir, vaincus tous deux et recommandés à notre hospitalité, ne suffiraient-ils pas à la fortune de Biarritz, comme la duchesse de Berri a suffi à celle de Dieppe ? Peut-être cette illustration d’un lointain village jeté sur une côte orageuse et déserte, a-t-elle été tentée par quelque magnifique incognito ; mais, soit insouciance méridionale ou occasion peu intelligente, la municipalité de Biarritz ne crut pas devoir immortaliser le fait par un marbre reconnaissant, et je ne pense pas qu’elle veuille recourir aujourd’hui à une pétition qui vienne rappeler la naïveté dieppoise.
En dépit de la mode, Biarritz réunit chaque année une émigration plus nombreuse ; et bientôt la ville de Bayonne, déjà si vivement recommandée, rencontrera à ses portes non seulement les sources si diversement recommandables des Pyrénées, mais encore des bains de mer dont la haute vertu tonique puisse solliciter déjà les tempérament énervés et la passion voyageuse des gentilshommes d’outremer. Alors Biarritz aura une belle place dans les travaux des géographes et des statisticiens ; alors il reconquerra par ses bains son antique illustration par la pêche de la baleine.
BIARRITZ 1843 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Maintenant, vous qui connaissez Bayonne, et qui avez parcouru maintes fois cette longue chaussée qui court de l’extrémité des Allées-Marines jusqu’aux pignadas, suivez-moi avec confiance : car c’est là le véritable chemin de Biarritz, le chemin de l’artiste et du poète, qui dédaignent habituellement les domaines des commissaires-voyers. Suivez-moi sans mécompte et sans impatience : car des deux rôles que le hasard nous a faits, le vôtre est un rôle de paresseuse attention, qui n’engage ni le goût, ni l’esprit, ni la conscience ; tandis que j’ai bien une autre couronne d’épines à porter.
A quelques toises des ruines de l’ancienne verrerie, ou pénètre dans ces bois de plus dont la verdure éternelle défie les vents de l’automne et la morsure meurtrière de l’hiver. On louvoie plutôt qu’on ne marche, pendant une heure environ, sur un sol sableux et mouvant dont les accidents imitent les ondulations de la mer. Tantôt vous descendez dans un ravin profond, et votre regard est borné de toutes parts par les dunes; tantôt vous montez sur la cime d’une de ces vagues immobiles, et votre œil glisse au loin sur la mer entre deux branches noueuses qui se penchent çà et là ; ce sont d’admirables études de troncs d’arbres, de racines découvertes et entrelacées comme un nid de serpents, de pins creusés ou abattus par la vieillesse, de jeunes pousses pleines de vigueur ; partout la forêt dispute aux sables la possession de cette partie de la côte.
Les bois de pins cessent, et à une petite distance de la Chambre d’Amour, groupe de maisons qui appartiennent à la commune d’Anglet, et dont je raconterai tout à l’heure la triste et naïve légende, on rencontre au sommet d’immenses dunes ou sur leurs flancs mobiles, des vignes enfermées par des haies de roseaux, qu’on prendrait au loin pour les compartiments inégaux et accidentés d’une carte géographique : c’est là un produit étrange et estimé de ces sables merveilleux ; et lorsqu’on a goûté une première fois de leur vin pétillant, on ne veut pas croire qu’il ait puisé sa sève et sa vigueur dans les entrailles d’un sable marin tourmenté par les vents et par les transformations de la côte. On a cru longtemps qu’il s’y trouvait au-dessous des marnes argileuses capables de fécondation comme les collines crayeuses de la Champagne ; mais toutes les expériences ont prouvé que ces dunes sont formées de sable pur ; leur mobilité, d’ailleurs, attestée par des témoins oculaires, repousserait facilement cette conjecture d'un sol quelconque recouvert d’une couche de sable plus ou moins profonde. On a vu de ces masses de plusieurs centaines de pieds de circonférence se déplacer, se creuser, s’arrondir, s’aiguiser ou disparaître après une nuit d’orage, ensevelissant dans leurs rapides convulsions les vignes qu’elles avaient longtemps portées ; la mer ne perd rien de sa puissance sur ces sables, dont elle se reconnaît souveraine, et elle leur imprime parfois quelque chose de sa dévorante mobilité.
Dans toute cette commune d’Anglet, qui s’éparpille si joyeuse et si riante jusque sur les falaises solitaires qui dominent la plage, il n’est pas une bonne vieille femme qui ne sache une légende et une prière sur cette grotte connue dans le pays sous le nom poétique et naïf de Chambre d’Amour. Tantôt ce sont les pastorales amours des bergers Oura et de la bergère Edera, d’Angèle et de Psycale, chantées par M. Népomucène Lemercier et éteintes par quelque haute mer d’équinoxe ou de pleine lune ; tantôt c’est le Basque Laorens, orphelin et pauvre, que la belle et riche Saubade, jeune fille d’Anglet au teint brun, attendait, comme Héro, dans la grotte fatale : un soir le ciel était sombre ; la mer tressaillait sourdement, et les goélands agitaient en criant leurs longues ailes blanches. Le couple endormi et confiant fut réveillé tout à coup par l'embrun écumeux d’une lame ; la grotte était cernée. . . . , la mer battit longtemps les roches noircies, et le lendemain on trouva les deux amants liés dans une dernière étreinte, et couchés sur un lit de sable et d'algues marines. Maintenant, pour ceux qui savent dorer les légendes, voici une triste et touchante histoire : racontez-la aux veillées des Cinq-Cantons, d’Anglet, de Biarritz , de Guétary, et vous aurez autour de vous, pour s’attendrir ou s'effrayer, de hardis pêcheurs et de courageuses jeunes filles, population forte et crédule pour laquelle la mer est une providence et une patrie.
LAORENS ET SAUBADE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les eaux de la marée montante n’arrivent plus dans la grotte.
La voûte, qui s’abaisse graduellement jusqu’au sol, est formée d’un seul bloc calcaire où se rencontrent quelques nummulites. Une foule de noms et de dates en tapissent les parois, et attestent l’antique célébrité de la légende ; scellés aujourd'hui sous les sables qui ont fermé définitivement l’entrée de la grotte, tous ces noms exerceront peut-être dans quelques mille années les recherches scientifiques de nos successeurs.....
Une pensée triste pourtant vous saisit dans cette espèce de coque creusée par la mer, et où les bruits du dehors arrivent à l’oreille avec une résonnance singulière ; je me suis surpris cherchant involontairement du regard la place et le souvenir consacrés par la légende.
La Chambre d’amour est aujourd'hui dépouillée de son attrait de terreur et de mystère : solitaire et abandonnée, elle n’est plus témoin que des amours cent fois renouvelées des goélands et des éperviers qui planent et s’ébattent incessamment sur cette côte. Tous les vieux souvenirs que recommandaient autrefois une chapelle, une roche, un héritage ou un tombeau, sont éteints ou déflorés, et il faut au chroniqueur ou au romancier de longues études pour raviver ces couleurs et donner quelque prix à un récit des temps passés.
Un regret donc à ces amants malheureux ; un souvenir de reconnaissance à cette halte hospitalière qui a rafraîchi nos lèvres et nos pieds brûlants ; voici la route : encore un peu de sable, puis le sable et la terre disparaissent sous un tapis de plantes vivaces et sauvages ; le lin maritime, l’astragale bayonnais, le smilax piquant, le plantin des Alpes et l’ajonc entrelacent de toutes parts leurs racines vigoureuses ; le sol a changé ainsi que le regard ; la mer gronde aux pieds des hautes falaises que vous foulez ; le phare de Biarritz est devant vous, majestueux et élégant, sur le cap de Saint-Martin, qui semble lui servir de socle.
PHARE BIARRITZ 1905 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce monument, si utile dans des parages dont les courants rapides des côtes d'Espagne multiplient les dangers, a la forme élancée d’une colonne de 140 pieds d'élévation. Un escalier de pierre, d’un dessin correct et facile, conduit à la cage de la lanterne, sorte de chemise de verre, dont chaque détail est un effort et un succès de l'art. Des gardiens veillent par tour à l'entretien de cette lampe, dont le foyer mobile et à éclipses éclaire et guide les navires à quatre lieues au large. Cette constante et bienfaisante apparition porte la confiance au cœur des marins qu'une nuit profonde et orageuse ou les feux plus perfides de la côte peuvent égarer.
CÔTE DES BASQUES 1843 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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