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lundi 1 mars 2021

CAMBO-LES-BAINS ET LE PAS-DE-ROLAND À ITXASSOU EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1882

CAMBO ET LE PAS-DE-ROLAND À ITXASSOU EN 1882.


Selon une légende, le sabot du cheval de Roland, neveu de Charlemagne, aurait brisé en deux un rocher dans un défilé d'où débouche la Nive, à une endroit appelé aujourd'hui Le Pas de Roland. En Basque, cet endroit s'appelle Atekagaitz, ce qui signifie "mauvais passage".




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PAS DE ROLAND ITXASSOU - ITSASU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Patrie, le 3 septembre 1882, sous la plume de Paul 

Perret :



"Le Pas de Roland



Cambo est un des lieux de villégiature recherchés par les Bordelais, comme Saint-Jean-de-Luz. Seulement, ils viennent à Saint-Jean chercher la mer ; à Cambo ils vont se refaire après la fièvre. Il paraît que la langueur qui succède aux maladies ne résiste pas à l’action des sources ferrugineuses ou sulfureuses de Cambo ; on y arrive sur des matelas et des oreillers, porté sur un brancard ; on prend ses jambes à son cou pour s’en aller. — Quand je songe qu’il y a des sceptiques pour prétendre que nous ne sommes plus au temps des miracles !...



On ne peut nier qu’il ne s’en fasse à Cambo — miracles tout humains, des cures nombreuses et vraiment extraordinaires. Je reparlerai de ces eaux tout à l'heure. La situation de la petite ville n'éveille point d’abord l'attention du voyageur ; le lieu est charmant, mais c'est déjà un charme usé, surtout si l’on vient d'Ustaritz. Les deux bourgades se ressemblent. Cambo est, comme Ustaritz, divisé en deux villages ; seulement ici le niveau des deux est différent. Le bas Cambo est sur la Nive, qui décrit un demi-cercle enserrant une plaine très riche, bornée par des coteaux. Le haut Cambo est joliment planté en terrasse, à quelque deux ou trois cents pieds au-dessus de la rivière, sur l’un des contreforts de l’Ursouya.


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CAMBO PAR SOEURS FEILLET
PAYS BASQUE D'ANTAN


Cette position paraît réellement belle quand on est arrivé sur cette terrasse, ouvrage des hommes et point de la nature, soutenue par une forte maçonnerie, bordée d une double rangée de platanes. Etes-vous amis du platane ? C’est un arbre opulent et gai, très coquet aussi, avec son tronc blanc, dont la première écorce se détache sous la main ou tombe d'elle-même, pour en laisser voir une autre fine et satinée, avec ses grandes feuilles dentelées, d’un vert tendre. Son ombrage est léger et n’intercepte point l'air, comme le feuillage épais et noir des marronniers, par exemple. — A Cambo, ils sont du plus aimable effet, ces platanes sous lesquels viennent s’abriter les baigneurs logés sur la terrasse même, bordée de l’autre côté de cinq ou six hôtels et d’une cinquantaine de maisons. Au-dessous du parapet qui règne au-devant des arbres, descendent des pentes gazonnées, parsemées de taillis, mais si escarpées qu’on ne saurait s’y promener qu'à "quatre pattes" — exercice sans noblesse. Et, d’ailleurs, jugez vous-même s il convient à des convalescents !



Pourtant, un moment vient dans l’année ou l’affluence à Cambo est si grande que les coteaux voisins, comme la plaine et les escarpements eux-mêmes, se couvrant de même. Et l'on s’y tient debout et pressé. La foi peut faire cela ; elle transporte bien des montagnes. Une croyance universellement répandue dans le pays, c’est que si l’on a bu de l’eau de Cambo le 23 juin, veille de la fête du grand saint Jean-Baptiste, on est à peu près assuré de n’avoir point de maladie pendant toute une année. Aussi, de toutes les campagnes et montagnes et de tous les bourgs et hameaux, on accourt par centaines, par milliers. Il faut bien camper sur les hauteurs, la vallée est trop étroite. L’établissement thermal est situé au bord de la rivière, et les sources, qui s’y perdraient si on ne les arrêtait au passage, coulent entre des rochers, sous des arbres énormes. Le lieu est médical et romantique ; mais, le 23 juin, il mérite surtout cette dernière épithète, car les Basques s’y rendent, flûtes et tambourins en tête, et il paraît qu’en effet ils commencent par danser.



De nouvelles troupes d’arrivants se succèdent sans cesse de minuit aux premières lueurs du matin. Ils poussent devant eux des mulets chargés de bouteilles et de jarres ; après avoir bu pour leur compte, ils les rempliront et porteront l’eau miraculeuse à leurs parents malades. L’efficacité n’est peut-être pas la même pour tous, puisque ceux-ci, enfin, ne la boiront que le 2i juin ; mais les porteurs obligeants n’ont pas autant de souci de cette différence que s’ils s’y exposaient eux-mêmes. On est toujours moins exigeant pour les autres que pour soi. — Après avoir bu, ils ne sont, au reste, qu’à demi rassurés. La libation du 23 juin à Cambo n'est qu’une des deux précautions à prendre, chaque année, contre le mal. La deuxième consiste à se baigner dans la mer, à Biarritz, le dimanche qui suit l'Assomption. Ces deux choses faites, un bon Basque dort dix mois durant sur ses deux oreilles ; il défie la fièvre et la peste.



Au mois d’août, les baigneurs et buveurs sont nombreux à Cambo ; mais ce n'est plus le peuple des malades, c’en est le choix et l’aristocratie. Il y a une source sulfureuse assez chaude et une source ferrugineuse froide. On y reçoit la médication en douches, en bains, en inhalations, et dans presque tous les traitements, l’action des deux sources est combinée. Les maladies des voies respiratoires, de la peau, de l’estomac, les rhumatismes et la chloras paraissent être combattus avec succès. On peut dire du nouvel établissement qu’il est tout luisant neuf ; il paraît bien ordonné. D’ailleurs, les malades y vivent dans un milieu salubre, suffisamment pourvu des distractions, qui ne sont point achetées par trop de fatigues. Excursions faciles, assez variées et peu lointaines.



Là-bas, une hauteur où l’on monte par des lacets très doux, et que de grands châtaigniers ombragent, s’appelle la Montagne-des-Dames. Très bien nommée. La vue en est agreste ; mais ce n’est pas une vue de montagnes, et les yeux se heurtent seulement à des coteaux, qui ne sont que les premiers faîtes de l’Ursouya et du Mondarrain. Au flanc de l’Ursouya sont campées d’agréables ruines, et voilà pour les baigneurs qui manient un peu le crayon.



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GARE ET MONTAGNE DES DAMES CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN



Pour ceux que l’archéologie chatouille, il y a le camp de César au sud, avec une légère inclinaison vers l’est. Le général de Nansouty, qui fait autorité en toutes choses dans les Pyrénées, n’a point voulu voir un ouvrage romain dans ce retranchement, qui n’est pas, en effet, construit suivant les règles romaines. Ce n’est rien de plus, rien de moins qu’un énorme labyrinthe s’enroulant en vingt replis garnis de talus, défendu par des fossés ; l’enceinte est assez vaste pour recevoir tout un peuple. Dix mille personnes y tiendraient sans peine. Quelques savants étrangers ont insinué que le camp de César pourrait bien n’être qu’un campement ibère, remontant, par conséquent, à une antiquité considérable. Mais les savants du pays ont fait leur siège sur le labyrinthe : c’est un ouvrage de Légionnaires. Au reste, ces mêmes savants, étant en voie d’hypothèse, en ont formé de toutes sortes sur ce coin du pays ; et, par exemple, Cambo n’étant pas, en effet, un nom basque, ils veulent voir ici une colonie celtique. — quant à moi — s’il faut le dire — étant un pur, un vrai Celte, je ne voudrais point contredire une supposition qui me fait voir dans mes pères la même idée voyageuse que dans leurs fils.



Au sud-ouest, autre promenade — pour les dames encore, celle-ci, — c’est la montagne de la Bergerie, laquelle montagne est à peine une colline. La distance est de mille mètres jusqu’au sommet. Encore y avait-on monter par une pente insensible, sous des ombrages. Les habitants de Cambo prétendent qu’on y arrive "par enchantement". On trouve en haut une étable qui sert d’abri à de nombreux troupeaux de moutons, ou qui doit leur en servir. J’ai comme un vague sentiment que ces moutons sont imaginaires ; je ne les ai pas vus. On m’a dit qu’ils paissaient un peu partout dans les ravines ; je leur souhaite une herbe tendre. De la Bergerie, j’embrasse un joli panorama. Cambo est à mes pieds ; un peu plus loin, sur la même ligne, Itsatsou ; en face, Laressore, Ustaritz, des ruines, des châteaux ; à l’ouest, la mer toute illuminée des reflets rouges du couchant. Je n’ai pas perdu la journée qui va finir.



Le matin, je quitte Cambo. La route suit d’abord la rive gauche de la Nive, puis s’élève, et tout à coup une magnifique échappée s’ouvre sur les monts. L’Ursouya, le Mondarrain, la Rhune tiennent et ferment l’horizon. J’entre dans Itsatsou, village singulier, placé au seuil d’un rude passage, et lui-même riant, paisible et comme endormi sous de gros bouquets de cerisiers. Le guide me rejoint, il amène les chevaux. Quant à moi, j'aurais bien préféré enfourcher un de ces petits ânes, à la jambe fine et nerveuse, que j’ai vus dans le bourg... Mais, que voulez-vous ?... Le respect humain !...



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PONT MEUNIER ATTELAGE ITXASSOU
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous allons faire l’ascension du Mondarrain. Ce n’est pas le pic du Midi ! Moins de huit cents mètres. Encore cette pyramide — car le petit mont est conique — a-t-il la courtoisie de se laisser aborder à cheval. En tout, c’est une montagne civilisée. Et d’abord, c’est peut-être la seule au monde dont le pied soit tapissé de cerisiers, et je sais bien que les Parisiens ne me croiront pas, ce qui ne m’empêchera pas de le dire : ce "pain de sucre" produit des cerises plus savoureuses que celles de Montmorency. A la cerisaie, des noyers succèdent. Le Basque fait grand état de leurs fruits ; il dit : Quand on a des noix, on trouve toujours assez de pierres pour les casser, on ne meurt pas de faim. — Sur le versant du Mondarrain, après les noyers, les chênes ; ils couvrent les lacets du chemin, que des sources traversent. Presque toutes sont ferrugineuses. On ne se lasse pas aisément de cheminer sous la chênaie à la voûte fraîche, et l’on regrette d’arriver sitôt au faîte. L’ascension n’a pas demandé plus d’une heure. Les ruines d’une forteresse couronnent le mont. Les savants du pays, obéissant à leur idée fixe, ont vu dans ces énormes murailles "un poste d’observation" établi par les Cantabres. Pour le coup, cela est un peu fort ! D’ailleurs, l’observatoire eût été bon, car de la cime du Mondarrain on embrasse la vallée de la Nive, la côte et la mer, de l’embouchure de l’Adour à celle de la Bidassoa. Cette vue, le vrai touriste, qui doit participer du naturel des grimpeurs, l’a goûtée déjà bien des fois dans le pays Labourdin ; n’importe ! — elle paraît à chaque épreuve plus radieuse et plus belle.



A la descente, le plus commode et le plus sage est de déjeuner à Itsatsou. Ce village sert encore de point de départ pour l’excursion vraiment célèbre, consacrée, obligatoire des environs de Cambo — le Pas-de-Roland. — Le guide a placé devant lui, sur son cheval, un panier de provisions ; la salle à manger, fournie par la nature, s’ouvre sous les cerisiers. Itsatsou est décidément un délicieux village, avec ses maisonnettes entourées de vergers ; l’herbe y est aussi épaisse que dans les herbages normands, et ce paysage vert forme un très vif contraste avec l'aridité des grandes roches que l’on aperçoit se dressant là-bas, à l’issue de la bourgade. Elles forment un long couloir, en avant de la ligne des monts ; les yeux s’arrêtent à celte muraille ; tout à coup on se soulève de son lit d’herbe, malgré soi, pris d’inquiétude. Où donc est la Nive ?



La rivière a tout simplement disparu dans la gorge, et l’on va curieusement la chercher. Dans les Pyrénées mêmes, il y a peu de tableaux d’une beauté si rude. De vieux châtaigniers, allongeant d’énormes bras morts à travers leurs parties feuillues, gardent l’accès du défilé ; leurs racines sont à nu dans ce chaos de pierres, et on ne comprend pas bien de quoi ils se nourrissent depuis des siècles qu’ils sont debout. La gorge se ferme derrière eux ; pourtant les roches, en haut, ne se rejoignent pas tout à fait ; un filet de lumière glisse du côté gauche, éclairant vivement un seul point au milieu de ces ténèbres ; du côté droit, elles s’épaississent encore : c’est la pleine nuit. La rivière bat ces deux terribles bords ; elle a détaché des blocs, qui obstruent son lit, et contre lesquels l’eau se brise avec un redoublement de colère. Ce trou noir s’emplit d’écume blanche.


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PAS DE ROLAND ITXASSOU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Puis les deux murailles s’écartent, la Nive roule une eau d’une pureté de cristal et d’un vert d’émeraude, parmi d’autres blocs grisâtres ; en quelques endroits, elle disparaît encore en partie sous le rocher qui se rejette en avant, et qui surplombe. Un peu plus loin, une roche isolée se dresse au milieu même du lit, formant une arcade assez basse, ouverte en ogive ; la rivière s’y précipite et passe avec un bruit sourd.



Voilà le Pas-de-Roland. On ne sait comment, après la bataille de Roncevaux, le paladin, en héroïque déroute, a pu se trouver dans tant d’endroits à la fois. Pourquoi s’était-il engagé dans cette gorge sauvage ? Arrivait-il en barque ou monté sur un cheval marin ? Le fait est que cette roche insolente lui barrait le chemin. Il la frappa de son pied furieux, la roche s’ouvrit.



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ROLAND A RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voilà quelle était la puissance de ce pied d’airain. Si la Providence nous envoyait, au moment prosaïque où nous sommes, des héros comme Roland, ils embelliraient assez notre prose. Roland, fais briller ta Durandal, et mène-nous contre de nouveaux Sarrasins, qui ne te prendront point par surprise, et que tu vaincras !...



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ROLAND A RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN



Quant à nous, sortons de cette gorge héroïque. Aussi bien, nous voilà tout trempés par la poussière d’écume et d’eau qui la remplit. Ce n’est pas tout : il y règne un terrible courant d’air. Le guide sourit quand je me plains d’être glacé ; cette pitié ironique ne me réchauffe point ; je retrouve avec plaisir l’air libre et le soleil.



Dans le village d’Itsatsou, je rencontre un vieux Basque, au chef branlant sous son ferret ; il m’invite à visiter la croix d’or de l’église, et j’y vais sans me faire prier. Cette croix n’est que d’argent doré enrichi de pierres à la manière espagnole : c’est le présent d’un habitant du village, qui avait fait fortune en Amérique. — Un aventurier basque la ferait plus aisément de nos jours, et la déferait de même à Paris, dans le triangle compris entre l’avenue de l’Opéra, la rue Laffitte et la Bourse."



(Source : Wikipédia et https://feillet.bilketa.eus/fr/paysages/searchs)






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