LA TOUR D'AUVERGNE AU PAYS BASQUE EN 1793.
Théophile Malo de La Tour d'Auvergne-Corret est un militaire français, né en 1743 à Carhaix, en Bretagne, à qui Napoléon donna le titre de "premier grenadier de la République".
Voici ce que rapporta à son sujet le journal Les Contemporains, le 23 juin 1895 :
"...Au printemps de 1793, la guerre avec l’Espagne nécessita la présence de nos troupes sur cette frontière. La Tour d’Auvergne rejoignit le 80e avec son bataillon de grenadiers. Le 80e faisait partie de l’armée des Pyrénées-Occidentales. C’est là qu’il devait conquérir son incomparable renommée.
Armée des Pyrénées-Occidentales. La colonne infernale.
L'armée des Pyrénées-Occidentales ne comptait d’abord qu’environ 8 000 hommes assez mal exercés. Heureusement, les Espagnols, plus nombreux, ne se montrèrent point trop entreprenants. Ils en étaient encore à cette vieille méthode de la guerre, qui consistait à procéder conformément à toutes les règles classiques, et où un ruisseau à passer, en face de l'ennemi, demandait souvent un mois d'efforts, de ruses et de combats.
L’hiver interrompait invariablement la lutte, et, dans la bonne saison, des trêves tacites mais réelles donnaient des jours, parfois des mois de repos, aux deux armées.
Vieille méthode qu’on ne saurait trop regretter, aujourd’hui que la guerre est devenue un système d’extermination et de ruine pour les pays les plus riches et les plus puissants.
Que de beaux coups d’épée cependant, que de prouesses des chefs, des soldats ou des régiments dans ces guerres de plusieurs années, où il coulait moins de sang qu'aujourd’hui dans un combat d’avant-garde. Parfois même, quelle politesse ! comme celle qui faillit être si funeste aux Français sur le champ de bataille de Fontenay : Tirez les premiers, Messieurs les Anglais. Peut-être, il est vrai, le général en chef de ces petites armées (3 à 20 000 hommes) avait moins de génie à déployer, mais, en revanche, l'officier avait plus d'initiative el de responsabilité, plus d'efforts personnels à faire et par suite plus de gloire.
COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Que de ruses et de stratagèmes à combiner dans son esprit, aussi bien que de coups d’épée à donner ! Ainsi s'explique le rôle brillant du simple capitaine de grenadiers, La Tour d’Auvergne.
Le général en chef, Servan, avait de nouveau proposé à La Tour d’Auvergne le grade de colonel. La Tour d’Auvergne refusa encore, comme il refusera toujours, car il mourra capitaine.
PORTRAIT DE JOSEPH SERVAN DE GERBEY PAR LOUIS LAFITTE |
"Je me suis toujours tenu a la place ou la Révolution m’a trouvé," écrira-t-il plus tard à un ami. Voici donc à quel sentiment il a obéi. Ayant refusé de suivre ses collègues et ses chefs dans l’émigration, il ne voulut pas que l’on pût attribuer ce refus au désir d’un avancement rapide..... La Révolution l'avait trouvé capitaine, il s’imposa à lui-même de ne point dépasser ce grade ; ses camarades avançaient , devenaient colonels, généraux, commandaient en chef des Corps d’armée, lui, demeurait à son poste subalterne, mettant toute sa gloire à bien servir. (Déroulède.)
Durant toute l’année I793 et jusqu'au mois de juillet 1794, les Espagnols campèrent sur le territoire français et même, dans les premiers jours de la guerre, s'avancèrent jusque sous les murs de Bayonne. S’ils avaient profité de leurs succès pour attaquer hardiment notre petite armée, démoralisée par ses revers, elle eût été incapable de leur résister. Mais ils laissèrent aux Français tout le temps nécessaire pour recevoir des renforts considérables et acquérir ainsi la supériorité numérique, tandis que des chefs intrépides, comme La Tour d'Auvergne, comme Moncey, futur maréchal de France, alors simple capitaine de chasseurs, comme Harispe, encore un futur maréchal de France, formaient nos bataillons et les rendaient invincibles.
LA TOUR D'AUVERGNE |
La Tour d’Auvergne avait électrisé ses grenadiers par cent traits d’une bravoure chevaleresque et tout ensemble d’une prudence consommée. Il les avait guidés à travers les sentiers glacés et les précipices effrayants des montagnes pour surprendre ou éviter l’ennemi, lancés ici à l’attaque des positions, maintenus là à l’arrière-garde dans les moments de déroute, se tenant de sa personne au poste le plus périlleux, souvent les habits criblés de projectiles, mais leur échappant si heureusement que les grenadiers disaient que leur capitaine charmait les balles.
Un soir, une avant-garde de grenadiers, venue camper sur le bord d'une rivière et loin de tout village, se trouva sans vivres. De l'autre côté de l’eau, des soldats espagnols allumaient leurs feux et apprêtaient leur repas. "Qui veut dîner me suive !" s’écrie La Tour d’Auvergne. Et il se jette à l’eau, traverse la rivière et court sur l'ennemi. Les Espagnols, surpris, s’enfuient en toute hâte, abandonnant leur repas à nos grenadiers.
La Tour d’Auvergne, raconte un récit contemporain, est commandé pour aller, à la tête d’une petite troupe, à la découverte de l'ennemi. Après quelques heures de marche, il se trouve en face d’une armée nombreuse. Ni lui ni ses compagnons d’armes n’en sont déconcertés.
Leur bonne contenance et leur feu bien dirigé en imposent quelque temps à 8 ou 10 000 Espagnols ; mais les munitions étaient au moment de leur manquer. Leur chef, qui le sait, ordonne à ses soldats d’avoir leurs fusils bien chargés, et fait aussi charger à mitraille ses petites pièces de campagne, mais partout il défend de tirer. Alors s'annonçait déjà cette cruelle épidémie, je veux dire cet esprit de soupçon qu’un génie infernal souffla sur les diverses parties de la France, et auquel on immola tant de patriotes vertueux. La Tour d’Auvergne faillit, en ce moment, en être la victime. A l’ordre de ne pas tirer, il entendit quelques voix répondre : "C’est un ci-devant ; il veut nous trahir. — Soldats, crie l’intrépide chef à sa troupe, vous me connaissez, je suis votre camarade, votre ami ; méprisez ces discours de fous et exécutez mes ordres ; nous sortirons de ce pas avec gloire."
Cependant, au silence des Français, les Espagnols se persuadent qu’ils ne demandent qu’à se rendre, et ils approchent témérairement. Dès que La Tour d’Auvergne les voit bien à portée, il fait décharger sur eux sa mousqueterie et ses canons à mitraille. Les Espagnols, criblés, culbutés, épouvantés, sont dans le plus grand désordre. Le commandant français profite de ce moment, fait filer sa petite troupe dans le meilleur état, et se retire ainsi avec quelques prisonniers, et sans avoir perdu un seul homme.
LA TOUR D'AUVERGNE |
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