HENDAYE EN 1838.
Au 19ème siècle, le Pays Basque est à la mode pour les voyageurs, étant souvent une étape dans leur voyage vers l'Espagne.
Voici ce que rapporta le journal Le Temps, le 27 juin 1838, sous la plume de M. Prosper de
Lagarde :
"Hendaye.
...La marée qui redescendait alors avec assez de force, en facilitant notre marche, imprimait à notre frêle embarcation un balancement tout fait agréable, mais qui de temps en temps devenait inquiétant. Il me sembla plusieurs fois que nous allions être engloutis dans les eaux de la Bidassoa. Enfin nous arrivons, la barque est amarrée au rivage et je mets pied en Espagne.
Nous montons à la ville à travers les décombres des fortifications. Il semble encore que Fontarabie vient d’être emportée d’assaut la veille, et pourtant quarante années tout juste et presque jour pour, se sont écoulées depuis la prise de cette place, brillante action qui commença la gloire du général Lamarque.
Dans la séance de la convention nationale du 21 thermidor (8 août 1794), Barrère, après avoir annoncé à la tribune que Fontarabie est tombée au pouvoir de l’armée française, ajoute : "Ce succès a des détails trop singuliers pour être omis dans ce récit."
"Le 14 thermidor (31 juillet 1794), Garreau, représentant du peuple, marcha vers Fontarabie avec trois cents hommes, braves soldats. Lamarque, adjoint à l’état major, capitaine de grenadiers, celui-là même qui est en ce moment à votre barre, porteur des drapeaux espagnols, commandait cette troupe républicaine. Ils prennent un poste au-dessus de Fontarabie, après avoir essayé une décharge à mitraille qui tua trois hommes à côté de Garreau. Celui-ci, maître de la hauteur, fait sommer Fontarabie de ce rendre. Lamarque entre dans la ville en qualité de parlementaire, et menace de l’assaut si elle ne se rend dans quelques heures.
Le conseil de guerre était assemblé. On y voyait deux capucins, un curé, le commandant, le major de la place, le chef de l’artillerie et quelques officiers.
Les capucins insistent d’abord pour se défendre. Ils invoquent Dieu et les saints de leur église, et demandent aux habitants s’ils consentiront jamais à abandonner tant de biens aux ennemis de la religion. Le temps s'écoule. Lamarque va trouver Garreau, leur rapporte une sommation qui ne leur accorde que six minutes, et fait observer que les lois de la guerre obligeront de passer aussi les capucins au fil de l’épée, si la place ne se rend pas dans le délai fixé.
Il y avait dans la place huit cents Espagnols défendus par cinquante bouches à feu. Mais la peur présidait le conseil de guerre. Les capucins n’ont pas jugé à propos d'essayer de l'exécution des lois de la guerre. Le commandant d'ailleurs, fatigué du bombardement qui avait détruit une partie de la ville, s'est rendu prisonnier de guerre, ainsi que la garnison, abandonnant drapeaux, armes, artillerie et munitions. On ne saurait peindre leur étonnement quand ils ont vu qu’ils s’étaient rendus à trois cents républicains. Ils croyaient avoir à faire à plus forte partie."
A côté de ce récit, fait par Barrère, il est curieux de voir dans quels termes Garreau rendait compte de l’événement dans une lettre adressée à Garrot, sou ami et son collègue :
"Quelle victoire, mon cher ami, que celle que nous venons de remporter sur les esclaves du tyran de Madrid !... Il m’est impossible de t’en donner les détails : je ne sais par où commencer ; ils sont tous des plus intéressants. Les soldats de cette armée ne sont pas des hommes, mais des démons ou des dieux. Moi, chétif personnage, j’ai aussi joué mon rôle, et j’ai eu part à l’action. Avec trois cents braves soldats, je me suis porte sous les murs de Fontarabie à portée du pistolet, et, au moment où je m’emparais de la porte, ces coquins d'Espagnols m’ont tiré à mitraille. J’ai eu trois hommes tués à mes côtés ; mais, ne perdant pas courage, je me suis emparé d'une hauteur à demi-portée de canon de la place, et de là j'ai sommé le commandant de se rendre de suite, sous peine d’être passé, lui et la garnison, au fil de l’épée, etc., etc."
La convention, après avoir entendu le rapport de son comité sur tout ce qui venait de se passer tant à Irun et à Fontarabie que dans le Bastan, rendit un décret portant que l'armée des Pyrénées avait bien mérité de la patrie. Lamarque fut promu au grade d'adjudant-général.
Je fis mon entrée à Fontarabie beaucoup plus pacifiquement que le représentant Garreau. En dix minutes, j’eus vu toute la ville, dont les maisons et les habitants ont l’air également misérables. Les rues étaient à peu près désertes. Je trouvai cependant, à l’entrée de la rue principale, un groupe de cinq ou six vieilles revendeuses de poisson, qui, dans un costume et dans un langage de sorcières, avec des éclats de voix sataniques, se disputaient les morceaux d’un énorme thon qu’un pêcheur venait d’apporter.
GRAVURE DE FONTARRABIE 1838 PAYS BASQUE D'ANTAN |
J’aperçus quelques petits détachements de soldats en uniformes blancs, assez bien équipés, qui parcouraient la ville d’un air affairé. J’appris que c’étaient des troupes de la reine qui, par l'ordre de Rodil, faisaient évacuer sur Irun tous les approvisionnements de vin des habitants, afin de couper les vivres aux troupes carlistes qui auraient pu venir pour s’en emparer.
GENERAL JOSE RAMON RODIL Y CAMPILLO |
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