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mercredi 10 mars 2021

UN VOYAGE À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUIN 1838 (deuxième partie)

HENDAYE EN 1838.


Au 19ème siècle, le Pays Basque est à la mode pour les voyageurs, étant souvent une étape dans leur voyage vers l'Espagne.


pays basque autrefois voyage hendaye
HENDAYE VERS 1820
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta le journal Le Temps, le 27 juin 1838, sous la plume de M. Prosper de 

Lagarde :



"Hendaye



...La marée qui redescendait alors avec assez de force, en facilitant notre marche, imprimait à notre frêle embarcation un balancement tout fait agréable, mais qui de temps en temps devenait inquiétant. Il me sembla plusieurs fois que nous allions être engloutis dans les eaux de la Bidassoa. Enfin nous arrivons, la barque est amarrée au rivage et je mets pied en Espagne.



Nous montons à la ville à travers les décombres des fortifications. Il semble encore que Fontarabie vient d’être emportée d’assaut la veille, et pourtant quarante années tout juste et presque jour pour, se sont écoulées depuis la prise de cette place, brillante action qui commença la gloire du général Lamarque.



Dans la séance de la convention nationale du 21 thermidor (8 août 1794), Barrère, après avoir annoncé à la tribune que Fontarabie est tombée au pouvoir de l’armée française, ajoute : "Ce succès a des détails trop singuliers pour être omis dans ce récit."



"Le 14 thermidor (31 juillet 1794), Garreau, représentant du peuple, marcha vers Fontarabie avec trois cents hommes, braves soldats. Lamarque, adjoint à l’état major, capitaine de grenadiers, celui-là même qui est en ce moment à votre barre, porteur des drapeaux espagnols, commandait cette troupe républicaine. Ils prennent un poste au-dessus de Fontarabie, après avoir essayé une décharge à mitraille qui tua trois hommes à côté de Garreau. Celui-ci, maître de la hauteur, fait sommer Fontarabie de ce rendre. Lamarque entre dans la ville en qualité de parlementaire, et menace de l’assaut si elle ne se rend dans quelques heures.



Le conseil de guerre était assemblé. On y voyait deux capucins, un curé, le commandant, le major de la place, le chef de l’artillerie et quelques officiers.



Les capucins insistent d’abord pour se défendre. Ils invoquent Dieu et les saints de leur église, et demandent aux habitants s’ils consentiront jamais à abandonner tant de biens aux ennemis de la religion. Le temps s'écoule. Lamarque va trouver Garreau, leur rapporte une sommation qui ne leur accorde que six minutes, et fait observer que les lois de la guerre obligeront de passer aussi les capucins au fil de l’épée, si la place ne se rend pas dans le délai fixé.



Il y avait dans la place huit cents Espagnols défendus par cinquante bouches à feu. Mais la peur présidait le conseil de guerre. Les capucins n’ont pas jugé à propos d'essayer de l'exécution des lois de la guerre. Le commandant d'ailleurs, fatigué du bombardement qui avait détruit une partie de la ville, s'est rendu prisonnier de guerre, ainsi que la garnison, abandonnant drapeaux, armes, artillerie et munitions. On ne saurait peindre leur étonnement quand ils ont vu qu’ils s’étaient rendus à trois cents républicains. Ils croyaient avoir à faire à plus forte partie."



A côté de ce récit, fait par Barrère, il est curieux de voir dans quels termes Garreau rendait compte de l’événement dans une lettre adressée à Garrot, sou ami et son collègue :



"Quelle victoire, mon cher ami, que celle que nous venons de remporter sur les esclaves du tyran de Madrid !... Il m’est impossible de t’en donner les détails : je ne sais par où commencer ; ils sont tous des plus intéressants. Les soldats de cette armée ne sont pas des hommes, mais des démons ou des dieux. Moi, chétif personnage, j’ai aussi joué mon rôle, et j’ai eu part à l’action. Avec trois cents braves soldats, je me suis porte sous les murs de Fontarabie à portée du pistolet, et, au moment où je m’emparais de la porte, ces coquins d'Espagnols m’ont tiré à mitraille. J’ai eu trois hommes tués à mes côtés ; mais, ne perdant pas courage, je me suis emparé d'une hauteur à demi-portée de canon de la place, et de là j'ai sommé le commandant de se rendre de suite, sous peine d’être passé, lui et la garnison, au fil de l’épée, etc., etc."



La convention, après avoir entendu le rapport de son comité sur tout ce qui venait de se passer tant à Irun et à Fontarabie que dans le Bastan, rendit un décret portant que l'armée des Pyrénées avait bien mérité de la patrie. Lamarque fut promu au grade d'adjudant-général.



Je fis mon entrée à Fontarabie beaucoup plus pacifiquement que le représentant Garreau. En dix minutes, j’eus vu toute la ville, dont les maisons et les habitants ont l’air également misérables. Les rues étaient à peu près désertes. Je trouvai cependant, à l’entrée de la rue principale, un groupe de cinq ou six vieilles revendeuses de poisson, qui, dans un costume et dans un langage de sorcières, avec des éclats de voix sataniques, se disputaient les morceaux d’un énorme thon qu’un pêcheur venait d’apporter.



pais vasco antes fuenterrabia
GRAVURE DE FONTARRABIE 1838
PAYS BASQUE D'ANTAN



J’aperçus quelques petits détachements de soldats en uniformes blancs, assez bien équipés, qui parcouraient la ville d’un air affairé. J’appris que c’étaient des troupes de la reine qui, par l'ordre de Rodil, faisaient évacuer sur Irun tous les approvisionnements de vin des habitants, afin de couper les vivres aux troupes carlistes qui auraient pu venir pour s’en emparer.



général espagne carliste
GENERAL JOSE RAMON RODIL Y CAMPILLO



Fontarabie était d'autant plus triste et silencieuse à cette époque, que le peu de familles aisées qui l’habitent avaient émigré depuis peu, en crainte de l’invasion des troupes de don Carlos, les unes à Irun qui, entouré d'une assez bonne muraille, est au moins à l’abri d’un coup de main ; d'autres à Saint-Sébastien ; quelques-unes, pour ne pas perdre de vue leur clocher, étaient venues tout simplement se réfugier à Hendaye. Enfin il n’était guère resté que les gens qui n’avaient rien à perdre. Un tas de petits garçons et de petites filles en guenilles me formaient une insupportable escorte. Ils me suivaient pied à pied dans tous les détours que je faisais au milieu des sales rues de Fontarabie. Quand je me retournais comme pour essayer si mon regard d’indignation aurait la puissance de les faire fuir, ils me demandaient la charité d'un air piteux. Je me gardai bien de les satisfaire ; il m'en serait bientôt tombé le double sur les bras. Je m’en débarrassai en entrant dans l'église dont le sacristain leur ferma la porte au nez.



On m’avait recommandé de voir les ornements qui sont fort beaux, et de ne pas négliger le magnifique coup d’œil dont on jouit du balcon de la sacristie. Il n’y a rien en effet de plus admirable. L’église, étant située sur un des points les plus élevées de la ville, domine un horizon immense. La mer à l’infini., l'embouchure de la Bidassoa qui, en cet endroit, est fort large, les îles dont elle est parsemée, les montagnes, l’Espagne au loin, la France de l’autre côté du fleuve, le couvent des capucins à peu de distance de la ville, et dont les bâtiments blancs se dessinent harmonieusement sur un fond de verdure : c’est un ensemble réellement enchanteur. Je suppose que le prêtre, en se préparant à célébrer l’office divin, et pendant que les tintements de la cloche appellent les fidèles à la prière, passe chaque jour quelques moments sur ce balcon si heureusement placé. Il est certain qu'il y a bien là de quoi agrandir les idées, et élever l’âme vers l’auteur de toutes choses.



Mme de Staël, dans Corinne, nous dit qu'on trouva la statue de l’Apollon du Belvédère dans les bains de Néron, et elle s’étonne avec raison que ce monstre, en contemplant si souvent cette belle figure, n’ait pas eu des retours à la vertu. Il est des scènes de la nature qui ont pour inspirations comme les traits d'une noble figure : celle-ci est du nombre, et j’aurais bien mauvaise opinion du prêtre qui, après avoir contemplé ce tableau, que je ne crains pas d’appeler sublime, ne monterait pas à l’autel dans les plus saintes dispositions.



Quant aux ornement, ils sont en effet fort riches, et on les trouve d'autant plus beaux quand on a vu la ville à laquelle ils appartiennent. Il y a disparate complète. L’un de ces ornements a été acheté à Lyon ; il est en soie, tout brodé d'or, et le travail en est d'une grande beauté.



C’est dans cette même église, que le 3 juin 1660, l’évêque de Pampelune officiant, don Louis de Haro épousa pour Louis XIV, en grande cérémonie, en présence du roi d Espagne et de toute la cour, l'infante Marie-Thérèse. Il paraît qu’à cette époque la sacristie n’était pas aussi bien montée qu'aujourd’hui : car madame de Motteville, qui assistait à cette cérémonie, dit, dans ses mémoires, que les ornements ne lui ont pas paru beaux.



Les chapelles sont à l’espagnole, tout ornées de clinquant et de sculptures en bois doré. Je remarquai dans un coin enfoncé où le jour baissant n’arrivait qu’à peine, un portrait de moine qui me parut brodé en relief, en soie ou en chenille, sur un fond de soie blanc, et dont la belle barbe, qui ressortait très bien, me rappela l’histoire assez plaisante de la barbe de capucin qui manqua faire mettre Boursault à la Bastille. En sortant de l’église, je retrouvai mon escorte qui avait fait quelques recrues. Je m'esquivai comme je pus et je gagnai lestement mon bateau. Nous traversâmes de nouveau la Bidassoa."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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