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dimanche 24 janvier 2021

UN VOYAGE À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUIN 1838 (première partie)

HENDAYE EN 1838.


Au 19ème siècle, le Pays Basque est à la mode pour les voyageurs, étant souvent une étape dans leur voyage vers l'Espagne.



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HENDAYE VERS 1820
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta le journal Le Temps, le 27 juin 1838, sous la plume de M. Prosper de 

Lagarde :



"Hendaye. 



Une spirituelle relation de voyage dans le pays basque contient le récit suivant d'une excursion jusqu'à Hendaye, qui forme la frontière d’Espagne. Hendaye est célèbre par sa vieille eau-de-vie. M. de Lagarde a ranimé par des traits piquants et frais l’intérêt de ce tableau.


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PUBLICITE  VERITABLE LIQUEUR DE HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Hendaye est le dernier village français sur cette frontière. Il est situé sur la rive droite de la Bidassoa, dans l’angle quelle elle forme avec la mer, et tout à fait en face de Fontarabie, qui est à l'angle opposé. Vous savez qu’Hendaye doit une assez grande célébrité à ses eaux-de-vie. Qui n'a pas bu de l'eau-de-vie d'Hendaye ? II y a bien longtemps qu’on n’en fait plus dans ce malheureux village, mais enfin la célébrité lui reste.



Le 23 avril 1793, l'Espagne étant en guerre avec la convention, un détachement de l’armée française, dite des Pyrénées-Occidentales, était campé près d'Hendaye. Don Caro, général en chef de l’armée espagnole, fit bombarder ce village à l'improviste. Une grêle de boulets, de bombes et d’obus assaillit à la fois le camp des Français, le fort, le village et la redoute construite sur une élévation appelée alors Montagne de Louis XIV. Cette explosion soudaine jeta le désordre parmi les Français, et leur consternation fut au comble en voyant les habitants d’Hendaye fuyant éplorés, avec leurs femmes et leurs enfants, les terribles projectiles qui détruisaient leurs maisons. Les Espagnols, pour tirer un succès plus complet de ce désordre, franchissent la rivière, s’emparent de la montagne de Louis XIV, et détruisent la redoute. Bientôt, il est vrai, les Français, sous les ordres du général Regnier, se rallient, se précipitent avec fureur sur l’ennemi et le forcent de repasser la Bidassoa.



L’année suivante, les Français prirent bien leur revanche sur Fontarabie ; mais n'anticipons pas sur ma narration.


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HENDAYE 1840
PAYS BASQUE D'ANTAN



Je dis à mes deux compagnons de voyage que je ne serais pas fâché de voir Hendaye. Alors il fut convenu que mon batelier, après m’avoir débarqué à Fontarabie, m'attendrait aux pieds des murs de la ville ; que ma visite faite, je viendrais le reprendre, et que, traversant de nouveau la Bidassoa en ligne droite, j'irais aborder à Hendaye, d’où une demi-heure de promenade me ramènerait à Béhobie. Mais il fallait avant tout aller chercher nos fourrages dans l'île ; autrement les vaches du pêcheur auraient pu mourir de faim. Mon batelier était un garçon de vingt-cinq ans environ, de taille moyenne et de robuste encolure ; pour tout vêtement sa chemise et un pantalon de toile bleue qui, relevé jusqu'aux genoux, laissait voir deux jambes nerveuses. Il faisait avancer sa barque avec une vigueur étonnante. En peu d'instants nous arrivâmes à l'île qu'il m'avait désignée. Il ne pouvait pas débarquer, attendu qu'il n’y avait rien là pour attacher son bateau, que le courant et la marée tourmentaient singulièrement. Tout ce qu'il pouvait faire, aidé de mon guide, était de le maintenir le plus près possible de la terre. Il appela d’une voix de stentor, et nous vîmes bientôt arriver trois paysannes, jambes et pieds nus, portant lestement sur leur tète d’énormes bottes d'herbe fraîchement coupée et de tiges de mais.



La plus jeune avait de très beaux yeux et une taille d’une élégance remarquable. Elles parurent fort surprises à la vue d'un étranger. Elles vinrent porter leurs fourrages au batelier en se mettant dans l'eau jusqu'aux genoux ; la jeune fille échangea avec lui quelques mots basques d'un ton d'intimité, probablement pour lui demander ce que c'était que ce monsieur, et nous prîmes le large.



Or maintenant savez-vous quelle était cette île que nous venions de quitter ? Rien moins que l'île des Faisans où se tenaient, en 1660, les conférences entre la France et l'Espagne (ou plutôt entre don Louis de Haro et Mazarin ; car, suivant l'usage d'alors, les deux pays n'étaient pas consultés) pour la paix et le mariage de Louis XIV.



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CONFERENCE ÎLE AUX FAISANS BEHOBIE 1660
PAYS BASQUE D'ANTAN



Dans ce lieu aujourd'hui hui si sauvage, si désert, où l'on ne voit que de l'herbe et quelques paysannes qui viennent la couper, étaient à cette époque de brillants pavillons où l'or et la soie éclataient de toutes parts, ou se rendaient en foule ce que les deux royaumes renfermaient de plus élégant et de plus distingué. Ecoutons encore ici, un instant, mademoiselle de Montpensier qui eut la curiosité d’aller voir toutes ces belles choses et qui raconte fidèlement ce qu’elle a vu.



"Monsieur eut envie d’aller au lieu où se tenaient les conférences. J’eus la même curiosité et j’y allai avec lui. C'était à deux lieues de Saint Jean de Luz, en un lieu qu'on appelle île du Faisan. L'on passait un pont qui était comme une galerie, qu’on avait tapissé. Il y avait au bout un salon qui avait une porte qui donnait sur un pareil pont bâti du côté de l'Espagne, de même que le nôtre du côté de la France. Il y avait une grande fenêtre qui donnait sur la rivière, du côté de Fontarabie qui était l’endroit par où on venait d’Espagne ; ils y arrivaient par eau. Puis il y avait deux portes, l’une du côté de la France et l’autre du côté de l'Espagne, pour entrer dans deux chambres magnifiquement meublées avec de très belles tapisseries. I1 y avait d'autres petites chambres, tout autour, avec des cabinets, et la salle de l’assemblée était au milieu à l’autre bout de l'île. Elle me parut fort grande. Il n'y avait de fenêtres qu'à l’endroit qui avait la vue sur la rivière, où l’on mettait deux sentinelles lorsque les rois y étaient. Le corps-de garde se tenait hors de l'île. Les gardes étaient dans deux salles auprès du vestibule. Chaque chambre n'avait qu'une porte, à la réserve de la salle de la conférence qui en avait deux, vis à vis l'une de l’autre, et qui était, comme j'ai déjà dit, fort grande. La tapisserie du côté de l'Espagne était admirable et du nôtre aussi. Les Espagnols avaient par terre, de leur côté, des tapis de Perse à fond d'or et d'argent qui étaient merveilleusement beaux. Les nôtres étaient d’un velours cramoisi, chamarrés d’un gros galon d’or et d'argent. Il me semble que les serrures étaient d'or, et, si je ne me trompe, il y avait deux horloges sur chaque table. tout y était égal et bien mesuré. Lorsque nous fûmes de retour, nous contâmes à la reine comme tout cela était fait, etc." 



Toutes ces magnificences ont disparu. Le silence, la solitude, l'aspect d'une nature sauvage ont succédé au faste des cours. Ces pensées qui s'étaient présentées à mon imagination, au seul nom de l’Île des Faisans, prononcé par mon guide, firent bientôt place aux sensations produites par la vaste et belle scène qui se déroulait à mes yeux. Les feux du soleil couchant, qui se reflétaient au loin dans les eaux, et les coloraient de mille nuances diverses ; ces monstrueuses montagnes entassées, pour ainsi dire, les unes sur les autres, et dont les accidents variés formaient une infinité de points de vue ; Fontarabie dont nous apercevions devant nous sur la rive gauche les tours démantelées ; Hendaye sur la rive droite, et ses maisons percées à jour, ces deux ruines qui se regardaient tristement d’un bord à l’autre ; les paysans espagnols qui travaillaient au maïs le long du rivage, et dont les chants arrivaient affaiblis jusqu’à nous, apportés par les brises embaumées de la Castille, tous ces tableaux pouvaient bien, vous en conviendrez, faire oublier Louis XIV et Mazarin."



A suivre...



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