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lundi 25 janvier 2021

LA PÊCHE À LA BALEINE ET À LA MORUE PAR LES BASQUES EN 1837 (première partie)

LA PÊCHE À LA MORUE ET À LA BALEINE EN 1837.


Les Basques ont pratiqué pendant des siècles la pêche à la morue et la pêche à la baleine.




pêche baleine morue
BALEINIER RUBENS LE HAVRE 1837



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Moniteur Industriel, le 17 août 1837 :



"De la pêche de la baleine et de la morue.


Compagnie Générale de Pêche. 



Une compagnie destinée à donner une grande impulsion à notre pêche, vient d'être formée par MM. Herout négociant au Havre, et Peynaud, capitaine au long cours. Parmi les nombreuses entreprises que l'esprit d'association fomente chaque jour, il en est peu qui se recommandent autant par leur but, qui soient plus dignes des encouragements et de l'attention publique, et qui offrent autant, de garanties de durée et de prospérité. Avant de faire connaître ses statuts, nous croyons pouvoir présenter quelques détails sur les progrès et les vicissitudes de cette grande et importante brache d'industrie.




Pêche de la baleine


— Cette pêche remonte à une haute antiquité l’Edda, ce poème mythologique des Norvégiens, atteste qu’elle était connue et pratiquée sur leurs côtes et sur celles d’Islande, dès les premiers siècles de notre ère. Quoique l’industrie de ces temps d’ignorance fût encore au berceau, l’on avait compris toutes les ressources que les produits nombreux et abondants de la baleine offraient à la vie sociale : son huile, ses fanons étaient utilisés par les arts grossiers de cette époque presque sauvage. L’on fabriquait avec sa peau des cordages inaltérables ; l’on en radoubait de petites embarcations ; enfin, sa chair, ou du moins certaines parties servaient à la nourriture du peuple.



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PÊCHE A LA BALEINE AUTREFOIS



Il est possible, comme on le suppose, que les Normands, après leurs dévastations et leurs établissements sur les côtes de l’Europe méridionale, y aient apporté la connaissance de leur méthode de pêche, mais c’est aux Basques qu'appartient l’honneur incontesté d'avoir eu le courage de combattre la baleine, pour ainsi dire corps à corps, en l'attaquant avec le harpon. Il fallait une rare intrépidité pour essayer d'asservir aux besoins de l'homme ces masses vivantes qui se balançaient, comme des montagnes, au milieu des flots de l’Océan. Le premier matelot basque qui, armé d'un simple harpons, osa, dans sa frêle nacelle, s’attaquer au colosse des mers, sur son propre élément, fit une tentative des plus audacieuses, et son succès est un des faits qui caractérisent le mieux la puissance et la supériorité de l’homme.



Aux XIIIe et XIVe siècles, la pêche de la baleine se faisait encore sur les côtes de l’Océan. L’on voit, par les chartes d’anciens monastères situés dans le voisinage de la mer, qu’ils percevaient la dîme, tandis que les rois et les princes s’attribuaient les droits seigneuriaux sur les produits de cette pêche qui devait être très active puisque son revenu put suffire, en 1338, à Edouard III, pour payer les frais de l’équipement d’une flotte.


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PÊCHE A LA BALEINE AUTREFOIS



L'on mangeait certaines parties de la baleine, c’était très probablement les plus délicates, et l’on assure même que ce mets était très recherché par nos ancêtres ; il est du moins constant qu’on vendait publiquement la chair de la baleine sur les marchés de St-Jean-de-Luz, de Bayonne, de La Rochelle, de Rouen et de plusieurs autres villes, et cette circonstance indique assez que la pêche se faisait alors dans le voisinage des côtes. Legrand d’Aussy, dans sa Vie privée des Français, fait mention d'une balaigne comme d’un poisson que l’on servait sur toutes les tables ; il cite un tableau intitulé la Bataille de Charnage et de Caresme  où la Balaigne est au nombre des soldats que Carême oppose à son rival.



Les baleines attaquées par les Basques avec une ardeur incessante, s’éloignèrent dans le Grand océan ; mais la boussole était découverte, et vers 1372 on les avait pourchassées jusque sur le banc de Terre-Neuve et dans le golfe St-Laurent, dont une île porte encore le nom d’île des Basques ; sur les côtes de Labrador, où l’on voyait encore, il y a peu d'années, les vestiges des vigies des fonderies qu’ils y avaient établies, et enfin jusqu’au Spitzberg. Ce sont ces Basques qui osèrent les premiers élever, sur les glacis polaires, ces espèces de manufactures flottantes où ils préparaient l'huile, et depuis, lorsque la jalousie des rivaux coalisés les eurent repoussés de ces rivages, ils furent les premiers qui, après avoir harponné la baleine en pleine mer pour la dépecer le long des bords de leurs navires, eurent la hardiesse inouïe d'établir sur le pont de leurs bâtiments de grandes chaudières où ils fabriquaient au milieu du danger imminent de l'incendie, une huile pure, telle qu’aucun des procédés employés par leurs rivaux ne purent jamais en fournir une semblable. La perfection de cette fabrication assura aux Basques, jusque vers le milieu du XVIIe siècle une supériorité qui ne leur fut plus contestée.


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PÊCHE A LA BALEINE AUTREFOIS




Alors St-Jean-de-Luz était le centre de celte industrie ; sa population, réduite maintenant à moins de 3 000 âmes, s’élevait à 20 ou à 24 mille, et chaque année cinquante à soixante navires de 3 à 400 tonneaux revenaient dans son port, et répandaient la richesse ou du moins l’aisance dans une multitude de familles.



Au milieu du XVe siècle, les Hollandais avaient commencé à s'occuper de la pèche de la baleine, mais leurs faibles armement n'inspirèrent aucune inquiétude aux Basques ; cependant les Hollandais finirent par attirer à leur service, par les grands avantages qu'ils leur offraient, les meilleurs harponneurs, et quelques-uns de leurs marins les plus habiles. En 1605, ils avaient des établissements au Labrador, et depuis 1613 jusqu’en 1637, époque la plus éclatante de la prospérité de leur pêche, chaque année apportait dans leurs ports 150 à 180 riches cargaisons.



En 1636, les Espagnols prirent St-Jean-de-Luz qu’ils saccagèrent ; ils s'emparèrent, dans son port, de 14 grands bâtiments chargés et récemment arrivés du Groenland. Cet événement anéantit la pêche des Basques. L’Angleterre profita de ce désastre pour s’élever sur leur ruine, et à l’exemple des Hollandais, elle se hâta de leur offrir des prix très élevés, de grandes récompenses ; la nécessité les força d’accepter. 



La participation de la fameuse Armada de Philippe II sur les côtes d'Angleterre fut l’époque qui donna au génie maritime de cette nation la grande impulsion qui devait tôt ou tard se développer ; la nécessité de se défendre contre ce formidable armement lui révéla toute l'énergie de ses ressources ; on ne s’occupa plus que d'entreprises maritimes ; on voulut déposséder les Espagnols de leurs colonies, et les Hollandais de leurs mines d’or. Car c’était ainsi que l'on désignait la grande pèche. En effet, ils ne tardèrent pas à les expulser du Groenland, à établir leur suprématie par l’injustice et la violence ; la pêche des Hollandais déclina et quelques années après leurs expéditions se réduisaient à 68 bâtiments. La réunion de la Hollande à la France, sous l’empire, acheva la ruine de la pèche hollandaise. Pitt s'empressa d’attirer les pêcheurs de cette nation en leur offrant les droits de citoyens anglais. Un grand nombre d'entre eux se rendit à cette invitation, ils apportèrent en Angleterre leurs capitaux et leurs connaissances pratiques du marin.



La Hollande a vainement tenté, depuis 1815, de rentrer dans cette carrière qui lui fut si prospère, tous ses efforts ont échoué ; les anciennes traditions étaient perdues, et dans les quatre dernières années les armements se sont réduits à deux, trois ou quatre expéditions.



L'Angleterre était trop habile, trop attentive à ses intérêts pour ne pas comprendre toute l’importance de la pêche de la baleine ; elle lui prodigua aussi toute sorte d’encouragements, et surtout des primes qui ont varié de 25, 30, 37, jusqu'à 50 livres sterling ; et ces primes représentaient la valeur de la pêche. En 74 ans elles se sont élevées à 65 milliers. Ces grands sacrifices n’ont pas été stériles, puisqu'ils ont créé une industrie assez forte pour pouvoir se passer de toute protection ; depuis 13 ans que les primes n’existent plus, l’Angleterre a vu  ses armements s’accroître progressivement et s’élever de 150 à 200 navires baleiniers. 



L'Angleterre a trouvé aux États-Unis une concurrence redoutable. Depuis 1690, les marins américains se livraient avec ardeur sur leurs propres côtes, à la pêche de la baleine. Ils la poursuivirent ensuite dans le nord, et, sans le secours des primes, ils parvinrent, par la bonne économie de leurs armements, à pouvoir rivaliser avec l’Angleterre.



Les Américains entreprirent les premiers la pêche du sud ; ils s’élevèrent jusqu’aux mers australes, et jusqu’aux Moluques, où ils rencontrèrent le cachalot, espèce de cétacé plus petit que la baleine, dont on extrait une huile qui s’est vendue jusqu’à 3 000 fr. le tonneau. C’est cette matière connue en France sous le nom de Blanc de Baleine, et qui sert à fabriquer les bougies. Cette pêche, fort riche, occupe 100 à 120 navires américains, dont les cargaisons annuelles sont évaluées à 25 millions de fr. Les Anglais prennent une part très active à cette pêche. Quant à nous Français, nous ne faisons que commencer à en connaître la route. La pêche américaine de la baleine occupait, en 1833, 203 navires.



La France, depuis la ruine de la pêche des Basques, ne s’est point relevée de cette catastrophe. Les armements de Bayonne, depuis cette époque, étaient réduits à 2 et 4, au lieu de 20 et 24 navires que l’on expédiait autrefois. Ce fut Louis XVI qui, en 1784, entreprit de rétablir la pêche de la baleine ; il fit armer pour son propre compte six navires à Dunkerque, il les fit monter par des matelots d’élite recrutés à grands frais à Nantukett, aux Etats-Unis. Cet essai fut heureux. En 1790, la France comptait 40 baleiniers. Pendant la révolution, à chaque intervalle de paix, on se hâtait de ranimer cette pêche ; on lit des arrêtés sous la convention, le consulat et l'empire ; ils furent insérés au Bulletin des Lois, et ce fut tout leur résultat.



La restauration pouvait et devait dans ses propres intérêts relever cette industrie ; elle n’y manqua pas. Les primes s’élevèrent à 50 fr. par tonne et elles furent mêmes doublées pour les navires qui franchissaient le cap Horn ; l'on autorisa la formation d’équipages mixtes français et étrangers. Chaque année les ordonnances qui se succédaient attestaient la vive et heureuse sollicitude du gouvernement. Elle commence à porter ses fruits, car depuis 1835 la France a plus de 60 baleiniers à la mer.



Les parages de la pêche se distinguent en pêche du nord et pêche du sud. La première comprend le Labrador, le Groenland le détroit de Davis, le Spitzberg et la côte d Irlande. La seconde les côtes du Brésil, de Patagonie, du cap de Bonne-Espérance, les îles Malouines, de Trissan d'Acunha, les mers Australes et celles du Sud. Quelques capitaines anglais s’élevaient même jusqu’à la Californie, aux colonies russes, aux mers du Japon, et l’on prétend que l’huile qu’ils rapportent de ces hautes latitudes est très supérieure à celle des autres pêcheries."



A suivre...




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