LES MINES DE BAÏGORRY EN 1894.
La vallée de Baïgorry possède des mines de fer sphatique, et une mine de cuivre dont l'exploitation remonte à une haute antiquité.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Autorité, le 30 août 1894, sous la plume de Paul
Léoni :
"Les mines de Baïgorry.
Nous recevons de M. Harispe, ancien député et conseiller général du département des Basses-Pyrénées, la lettre suivante :
Pau, le 23 août 1894.
A Monsieur Paul de Cassagnac, directeur de l’Autorité, Paris.
Monsieur,
Un de mes amis a bien voulu me faire parvenir à Pau, où je me trouve en ce moment, pour assister à la session du conseil général, le numéro de votre journal du 20 du mois courant, en appelant mon attention sur un article que vous y avez publié, sous le titre de "Mines de Baïgorry".
Je me suis empressé de lire cet article, et je m’empresse tout autant de vous répondre, en vous disant, sans aucune hésitation, que vous avez parlé des mines de Baïgorry sans vous être suffisamment renseigné sur leur compte, ou bien encore que votre religion a été surprise.
MINES DE BAÏGORRY PAYS BASQUE D'ANTAN |
La vérité vraie, c’est que, de l'avis de quelques-uns de nos ingénieurs des mines, des plus distingués, le minerai des mines de fer de la vallée de Baïgorry est comparable, sinon même un peu supérieur au Campanil, qui est le meilleur minerai de Bilbao ; que, malgré cette supériorité, l'exploitation de ces mines est arrêtée depuis 1838 par le manque de moyens de transports économiques ; que, à leur défaut, nos usines métallurgiques sont forcées de recourir à Bilbao, d'où elles importent annuellement des quantités considérables de minerai, dont le coût se chiffre par millions ; que, désireux de s’affranchir de ce lourd tribut, et comptant sur les promesses réitérées des concessionnaires d'exploiter leurs mines sur une grande échelle, si des facilités de transports à bon marche leur étaient assurées, l'Etat et le département ont consenti a faire de gros sacrifices d’argent pour construire le chemin de fer de Bayonne à Saint-Etienne-de-Baïgorry ; que, depuis plusieurs années déjà, ce chemin de fer est terminé et livre à la circulation jusqu’à Ossès, où se trouve la première mine, située de 500 à 600 mètres de la gare, et que des travaux d’infrastructure de la section d'Ossès à Saint-Etienne-de-Baïgorry sont a peu près terminés ; enfin, que, bien que satisfaction ait ainsi été donnée aux désirs des concessionnaires, ceux-ci n’ont pas pu livrer encore et ne livreront probablement pas de longtemps une tonne de minerai au commerce.
C’est dans ces circonstances que, trompé par les concessionnaires, le conseil général des Basses-Pyrénées a été, sur ma proposition, unanime à protester, avec la plus grande énergie, contre leur manquement aux engagements pris, et à solliciter l'intervention du gouvernement.
L’honorable M. Louis Barthou, ministre des travaux publics, a, comme ses prédécesseurs, entendu et compris nos doléances, et dans un intérêt national plus encore que départemental, il n'a pas hésité à prendre les mesures nécessaires pour, une bonne fois, mettre les concessionnaires en demeure de s’exécuter, sous peine de déchéance.
Je l’en félicite et l’en remercie sincèrement.
Vous avez terminé votre article par cette phrase :
"C'est ainsi qu’on a lieu de s’étonner de voir un conservateur comme le comte Harispe s’associer à une campagne que des socialistes comme Basly ne désavoueraient pas."
A une injure aussi grossière que gratuite, je réponds par le plus profond dédain.
Je n'ai jamais pris le bien d'autrui, mais il m’est arrivé quelquefois de donner du mien.
Je pourrais, si vous le désiriez, vous en donner les preuves.
En attendant, je vous prie, et, au besoin, je vous requiers de publier cette lettre dans le plus prochain numéro de votre journal, à la place même où a passé l'article auquel elle répond.
Agréez, monsieur, mes civilités.
Harispe, Ancien député, conseiller général des Basses-Pyrénées, à Baïgorry.
MINES DE BAÏGORRY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous commencerons par faire remarquer à ce grincheux correspondant que, si nous cédons à sa réquisition, c’est uniquement dans la pensée d’élucider ce débat et non en vertu du droit qu’il invoque, car lui ayant consacré deux lignes, sa revendication, d’ailleurs fort contestable, ne lui assurait que quatre lignes de publicité.
M. Harispe, si généreux envers les autres, ne pourra donc pas se plaindre que nous ne lui ayons pas fait la part prodiguement large.
La question qui se pose est d’ailleurs des moins compliquées.
Il s’agit de savoir si l'Etat a tenu ses engagements vis-à-vis des concessionnaires des mines de Baïgorry.
Nous répondons non. M. Harispe le constate, d’ailleurs, ingénument lui-même, en rappelant que la ligne ne va que jusqu’à Ossès, où se trouve seulement la première mine.
M. Harispe assure, il est vrai, que les travaux d’infrastructure d’Ossès à Saint-Etienne de Baïgorry sont à peu près terminés et il augure que les concessionnaires ne livreront probablement pas de longtemps une tonne de minerai au commerce.
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Avant d’émettre de tels pronostics, qui semblent inspirés par un inébranlable parti-pris, M. Harispe ferait beaucoup mieux d’employer son influence à faire terminer la ligne jusqu’à son point terminus. Alors seulement, il aura le droit de se plaindre. Les engagements n’étant pas remplis du côté de l’Etat, les concessionnaires ne peuvent se contenter de l'à peu près, dont M. Harispe ne se trouve probablement satisfait que parce qu’il n’est pas l’un des concessionnaires.
Ces derniers, d’après les amères critiques de M. Harispe, feraient donc tout leur possible pour s’abstenir de réaliser des bénéfices, en vue desquels ils ont pourtant, jusqu’ici, fait tant de sacrifices.
M. Harispe est un malin. Il aurait trouvé des truffes sur le radeau de la Méduse. C’est pourquoi il voudrait qu’on transportât du minerai sans chemins de fer. Il ne tient qu’à lui qu’on le puisse transporter en ballon. Il n’a pour cela qu’à découvrir le problème de la navigation aérienne.
Ce qu’il y a de certain, c’est que les concessionnaires des mines de Baïgorry ne demandent qu’à écouler leur minerai. Mais à une condition, c’est qu’on ne les condamne pas à manger, comme on dit, leur blé en herbe, c’est-à-dire à faire des frais qui, pour être couverts, donneraient au minerai de Baïgorry une surenchère qui l’exclurait de tous les marchés.
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Ce qui nous apparaît de plus clair dans tout cela, c'est que, soit au profit de l’Etat, soit au profit d’intérêts départementaux, soit dans un but de popularité politique ou de propagande électorale, et grâce à l’influence que peut avoir M. Barthou, député des Basses-Pyrénées, actuellement ministre des travaux publics, on est en train de chercher une mauvaise querelle aux concessionnaires de Baïgorry qui, peut-être pour leur malheur, ne professent pas à l’égard de la république — et il y a de quoi — un enthousiasme exagéré. Maintenant que leurs épreuves sont près de finir après des sacrifices énormes, on ne serait pas fâché de leur appliquer le sic vos non vobis de Virgile. Ils ont fait mûrir la poire : d'autres veulent la cueillir.
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