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samedi 16 janvier 2021

UN RÈGLEMENT DE PÊCHE SUR LA BIDASSOA AU PAYS BASQUE EN 1859 (deuxième partie)

 

UN RÈGLEMENT DE PÊCHE SUR LA BIDASSOA EN 1859. 


La Bidassoa est un fleuve côtier du Pays Basque, qui prend sa source dans les monts de Navarre et se jette dans le golfe de Gascogne.




pays basque autrefois frontiere bidassoa
BEHOBIE 1856
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel, dans son 

édition du 19 mai 1859 :



"...Les articles 15, 16 et 28 dérogent sur un point plut sérieux, théoriquement parlant, à l'article  16 de la même loi et à la pratique ordinaire du droit des gens. Ces articles, en effet, instituent deux gardes, dont l'un sera nommé par les municipalités françaises et l’autre par les municipalités espagnoles. Ces deux gardes pourront agir isolément et collectivement. Ils auront qualité pour toute la rivière et par rapport à tous individus, sans distinction de nationalité, le garde espagnol en France et le garde français en Espagne. Leurs procès-verbaux feront foi également devant les tribunaux des deux pays, jusqu’à preuve contraire ; ils auront sur les deux territoires et les eaux qui en dépendent les mêmes pouvoirs de saisie et de réquisition. 



En fait, vous savez, messieurs, dans quelles étroites limites d'intérêt et de territoire l’action de ce garde étranger se trouvera renfermée. Ce n'est pas qu'il faille toujours mesurer l'importance d'une dérogation de cette nature à la minimité des intérêts engagés ; mais il y aurait aussi une exagération déraisonnable à n'en tenir aucun compte. 



D'autre part, et nous aurions pu nous borner à présenter cette considération, il y avait nécessité de procéder comme on l'a fait. Les mêmes circonstances qui firent établir le régime de l'égalité dans l'indivision, conduisaient fortement à l'égalité et à l'indivision dans l'exercice du droit de police, c'est-à-dire à l'institution des deux gardes, l'un espagnol, l'autre français, avec la plénitude de la réciprocité des droits de garde. 



Les précédents ne manquent pas ; la même solution s'est imposée dans les situations analogues. Ainsi, dans la convention entre la France et la Sardaigne, relative aux chemins de fer internationaux, un bureau de douane sarde a été établi à la gare française de Culoz ; les employés des douanes des deux Etats agissent séparément ou simultanément, selon les circonstances ; la douane sarde peut requérir les autorités françaises, etc. Ainsi encore, dans le règlement général des pêcheries entre la France et la Grande-Bretagne, du 23 juin 1843, on a donné, de part et d’autre, des attributions réciproques aux commandants des bâtiments gardes-pêche, et aux autres préposés à la police des pêches des deux pays. Les rapports des agents français sont reçus en Angleterre, et réciproquement. 



L'article 16 du traité du 2 décembre fournit un autre exemple de ce concours, de cette action simultanée de la police des deux pays, pour la garde et la conservation de la chose commune. Il s'agit de pâturages concédés aux habitants de Baïgorry, dans une partie des Aldudes, qui est espagnole. On stipule "que pour la surveillance de ces pâturages et des troupeaux français, les habitants de Baïgorry auront le droit de nommer des gardes assermentés qui. de concert avec les gardes espagnols, assermentés aussi, veilleront ensemble et collectivement au maintien de l'ordre et à l’exécution des règlements en vigueur." 



pais vasco antes hondarribia fuenterrabia
BIDASSOA ET FONTARRABIE EN 1843
PAYS BASQUE D'ANTAN


Mais ce concours, cette immixtion des agents d'un pays dans la police de l'autre, ne dépasse pas les droits de garde et de constatation. Dès que la poursuite commence, les juridictions d'origine ou de nationalité reprennent leur empire ; chacun est renvoyé à ses juges naturels, le Français devant les tribunaux de France, l'Espagnol devant les tribunaux d’Espagne, quel que soit le lieu du délit (articles 26 et 28 du règlement). C'est une garantie qui doit désintéresser tous les scrupules. 



Les articles 17 et suivants, jusqu'à l'article 26, établissent des dispositions pénales, moins sévères que celles de la loi française, plus sévères que celles de la loi espagnole. Aucun des deux pays ne pouvait avoir la prétention d imposer sa législation à l'autre. Et cependant l'égalité des droits, entre Espagnols et Français, ne pouvait exister qu'à la condition de l'unité de régime et de l'égalité dans la répression : ça a été la grosse difficulté du règlement. Ces peines, empruntées à notre législation, mais adoucies, semblaient encore aux délégués espagnols trop rigoureuses, celle de l'emprisonnement surtout. Leur législation spéciale n'admet que des amendes qui peuvent s'élever jusqu’à 10 francs, en cas de deuxième récidive. 



C'est dans le même esprit de transaction, que les délégués français durent consentir à inscrire dans l'article 31 du règlement, une disposition qui réduit à trente jours révolus le délai de la prescription, qui est de trois mois dans l'article 18 de la loi du 9 janvier 1852. 



Mais il n'échappera point à l'attention du Corps législatif que ces modifications de notre pénalité portent toutes sur des contraventions spéciales, en matière de pèche. L'application du code pénal est expressément réservée, par les articles 24 et 25, contre des infractions d'un ordre plus grave, telles que l’outrage, la rébellion envers les gardes, et la corruption. 



Enfin, pour ne rien omettre, nous devons signaler que le système tout entier déroge à notre code d'instruction criminelle en autorisant des poursuites contre un Français, pour des faits accomplis hors du territoire de France, et qui ne rentrent dans aucun des cas prévus par les articles 5, 6, 7 de ce code. Mais cette dérogation, de toutes la plus nécessaire, est le point de départ obligé, la condition première, inévitable, essentielle d'un règlement qui a pour objet d'établir la répression réciproque, par les tribunaux respectifs, des infractions que les nationaux de l’un des deux pays commettraient dans les eaux ou sur le territoire de l'autre : on ne peut pas concevoir autrement un acte de cette nature. 



Le règlement devait prévoir aussi l'éventualité de changements ultérieurs. C'est une expérience qui va se faire ; elle pourra révéler la nécessité ou l'opportunité de dispositions nouvelles On a stipulé (article 33) "qu'aucun changement ne pourra être fait que sur la proposition et d'un commun accord, par un nombre de délégués des municipalités des deux rives de la Bidassoa, et avec l'approbation des autorités supérieures." En d'autres termes, le règlement pourra être modifié, s il y a lieu, de la même manière qu'il a été fait, par les communes intéressées, avec la même garantie de l'approbation des deux gouvernements. 



Cette déposition n a pas besoin d’être justifiée. 



Mais si la prévision s’arrêtait là, pour le plus petit changement qui pourrait être fait, il faudrait redemander la sanction d'une loi nouvelle. 



Le Gouvernement a pensé que le Corps législatif n’hésiterait pas à lui déléguer l'exercice du droit de sanction pour des intérêts aussi restreints. La sanction ne pourra être donnée, le cas échéant, que dans la forme plus solennelle du décret, c'est-à dire après délibération en conseil d'Etat. C’est l’objet de l'article 2 du projet de loi. 



Par l'adoption des deux articles, le Corps législatif complétera et assurera l'oeuvre du traité. Le pays lui devra, comme au Gouvernement, d'avoir écarté dans le présent et dans l'avenir des causes de conflit, sur la frontière, qui menacèrent plus d'une fois de troubler les bonnes relations entre les deux Etats. 



Signé à la minute : 

De Parieu, vice-président du conseil d'Etat. 

Lacaze . conseiller d'Etat, rapporteur. 

Armand Lefebvre, conseiller d'Etat."



A suivre...


Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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