SANTA-CRUZ ET LE MAIRE DE BIRIATOU.
Le curé Santa Cruz , guérillero carliste, était un personnage hors du commun, considéré en Navarre comme un héros populaire, alors que ces adversaires le surnommait "le curé cabecilla" (le curé meneur ou leader), bandit en soutane ou encore "saint cabecilla" ou "saint homme qui s'approprie charitablement le produit de ses rapines".
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Patrie, le 1er août 1873, sous la plume d'H.
Castillon :
"Huit jours de séquestration par ordre de Santa-Cruz.
II.
Béhobie (France), juillet 1873.
...Le caballo promis par Santa-Cruz était un mulet. Il devait servir alternativement de monture à M. Balthazar et à moi. M. le le maire de Véra fournit à ses frais un cheval à M. Iray, ami de sa famille.
Le 28 juin, à une heure après-midi, par une chaleur de 36 degrés, nous sortions tous trois de Véra au milieu d’une escorte de dix hommes armés jusqu’aux dents. Les ponts jetés sur la Bidassoa, qui baigne les murs de la petite ville, ayant été coupés, les uns par ordre de Nouvillas, les autres par ceux de Santa-Cruz, il nous fallut traverser à gué le fleuve, qui forme deux branches en cet endroit. Les hommes de l'escorte, et c’est là ce qui peut donner une idée du dévouement aveugle des séides de Santa-Cruz, entrèrent résolument dans la rivière, ayant de l’eau jusqu’à la ceinture, tandis que nos deux montures, presque submergées, pouvaient à peine résister au courant, et tous ensemble luttant contre la rapidité de l’eau, nous abordâmes sur la rive opposée.
LIVRE LA CROIX DE SANG DE GAËTAN BERNOVILLE |
Malgré une chaleur torride, la raideur des pentes et l'absence de toute brise dans l’air, après une heure et demie de marche, hommes chevaux avaient atteint les trois quarts de la hauteur de la montagne, c’est-à-dire la région où commencent les fougères, lorsque le maire de Biriatou tomba évanoui de fatigue. Prisonniers et hommes de l’escorte, nous fîmes aussitôt une halte forcée. Pas un arbre en cet endroit, où nous étions brûlés par un soleil ardent !
Enfin, nous parvenons à monter tant bien que mal le maire sur mon mulet, et je poursuivis à pied la pénible ascension, qui ne se termina qu’au sommet de la montagne de Lesocca.
Au bas de la seconde montagne, à l’endroit appelé l’ermitage de San-Antonio, l’on renvoya le cheval et le mulet à Véra, sous prétexte que d’autres montures devaient être expédiées à notre rencontre du camp d’Achulégui. C’était un mensonge des gens de l’escorte.
Quand il nous fut donné l’ordre de reprendre la marche et que je demandai où étaient les montures promises,
CURE SANTA CRUZ ET SES GUERILLEROS |
— Plus loin, me répondit le chef de l’escorte en riant, plus loin, en indiquant avec son fusil la cime du fort, qui se perdait dans l’espace.
— Eh bien ! moi, je ne quitte pas ce lieu ; Santa-Cruz nous a promis une monture pour arriver à notre destination, je l’exige comme un droit et comme une nécessité !
Mes compagnons firent la même déclaration.
— Tu ne veux pas marcher ! me dit en mauvais espagnol le chef de l’escorte ; je vais bien t’y forcer !
Et il me mit en joue. A cette menace, je me relevai de terre et me redressant sur mes jambes, je découvris ma poitrine.
— Tire ! lui dis-je avec la détermination d’un homme obsédé par tant d’atrocités ; j’aime mieux périr ici que là-haut !
Je ne sais si ma résolution, parfaitement arrêtée, en imposa au chef de l’escorte ; toujours est-il que deux hommes se détachèrent pour aller chercher dans la montagne un âne, qui nous servit à tous les trois prisonniers à gravir les pentes raides de la montagne des Trois-Couronnes. Je renonce à décrire cette horrible ascension à travers des sentiers creusés dans le roc, des torrents servant de chemins et des parapets bordant des précipices. Nous fûmes obligés de laisser à moitié chemin la pauvre bête, qui ne put aller plus loin.
A huit heures du soir, nous avions atteint le pic des Trois-Couronnes, où commence la limite de ce qu’on appelle le Camp d’Achulégui, la forteresse des carlistes insurgés, sous le commandement immédiat de Santa-Cruz.
Mais nous étions encore loin de notre destination. Il fallut redescendre à pied à travers des sentiers impossibles jusqu’au premier poste-caserne, distant d’une heure environ du sommet où nous accueillirent par leurs cris les aigles et les vautours qui en font leur demeure.
CURE SANTA CRUZ ET SES GUERILLEROS |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire