ANTOINE D'ABBADIE.
Antoine Thomson d'Abbadie d'Arrast, né le 3 janvier 1810 à Dublin et mort le 19 mars 1897 à Paris, est un savant et voyageur français.
ANTOINE D'ABABDIE |
Voici ce que rapporta à son sujet le journal Les Contemporains, dans son édition du 1/01/1911 :
"Antoine d'Abbadie, Explorateur (1810-1897) :
...VII Dans les neiges du Buahit — "S'il me le laisse — Retour en France — L’Académie des Sciences.
Antoine avait le désir très vif de monter jusqu’au sommet neigeux du Buahit faisant partie de la chaîne de montagnes qui, à l’altitude de 4 500 mètres, séparent le Tigré du Bagemidir. Le faîte très élevé de cette montagne lui promettait une admirable station d’observation. Mais, pour réussir dans un semblable dessein, il fallait affronter un danger autrement redoutable que la lèpre, les lions ou les crocodiles sournoisement tapis au bord des rivières.
MONT BUAHIT ETHIOPIE 1909 |
Les Ethiopiens considèrent leurs montagnes comme des forteresses naturelles et ils en interdisent l’accès aux étrangers. Ces peuples guerriers s’imaginent, non sans quelque apparence de raison, que si l’étranger connaît la topographie du sol, il sera ensuite bien préparé à en faire la conquête. Si le voyageur désire gravir une de ces montagnes, il n’a qu’un moyen : laisser croire qu’il s’est égaré par hasard et cacher soigneusement son secret dessein.
Abbadie tenta plusieurs fois d’escalader le Buahit, mais en vain ; à la fin, il se décida à avoir recours au seul subterfuge qui lui permît le succès, c’est-à-dire à s'égarer. Ce n’est qu’en mai 1848 qu’il put réaliser cette difficile ascension. Ses domestiques l’abandonnèrent à mi-hauteur, refusant d’aller plus loin parce que la neige les effrayait. Abbadie ne put garder avec lui que son "coupeur d’herbes", qui est le dernier en grade dans la hiérarchie des serviteurs, et presque un esclave.
Ayant reçu de son maître l’ordre de marcher, le pauvre coupeur d’herbes, qui se nommait Bitawligne (c’est-à-dire "S’il me le laisse") obéit en tremblant, et non sans se dédommager par une improvisation lugubre et plaintive, dans laquelle il exhalait sur un mode poétique ses inquiétudes :
Malheur à moi, chantait-il, malheur à moi, infortuné S’il-me-le-laisse. Mon maître s’en va dans les nuages. Qu’as-tu fait, ma mère ? As-tu mis au monde S’il-me-le-laisse pour marcher dans les nuages ?
En dépit des sombres pronostics de Bitawligne, ils arrivèrent sans encombre, son maître et lui, au sommet du Buahit ; mais ils enfonçaient dans la neige jusqu'aux genoux. Abbadie disposa aussitôt son hypsomètre, thermomètre très délicat qui se plonge dans l’eau entrant en ébullition, et qui, par la température qu’il marque alors, indique l’altitude du point où l’on tente l’expérience. Abbadie trouva ainsi qu’au sommet du Buahit l’eau bout à 85°5, d’où il faut conclure que ce sommet se dresse à environ 4 600 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Ce fut d’ailleurs la seule observation qu'il put faire en ce lieu élevé. Jusqu’à la nuit, les nuages obscurcirent l’horizon et lui dérobèrent obstinément la vue des cimes voisines. Ses pieds, nus, étaient presque gelés ; il fallait songer au retour, descendre à plus de 2 000 mètres, rejoindre les domestiques restés en arrière, et chercher avec eux un abri pour la nuit. Séjourner sur ces hauteurs eût été fort dangereux, le rayonnement nocturne y produisant un froid intense. Abbadie connaissait ce danger ; il savait qu’un jour 300 guerriers avaient trouvé la mort dans le col du Buahit, engourdis par le froid ; il savait aussi qu’une dame noble du pays, passant par ce même col, avait eu l’imprudente idée de s’y reposer, et s’y était endormie du dernier sommeil. Pendant huit jours, les passants la virent dans la même attitude, sous ses vêtements précieux. Enfin, il fut constaté qu’elle était morte et gelée, et on l’enterra.
L'ascension du Buahit fut un des derniers travaux d’Abbadie en Ethiopie. Vers la fin de 1848, les deux frères s’embarquèrent pour l’Europe, emportant une moisson de documents et ayant rempli au delà de leurs espérances le vaste programme qu’ils s’étaient tracé. Ils avaient largement ajouté aux découvertes de leurs devanciers dans la région septentrionale qui s’étend autour du lac Tana ; ils avaient les premiers pénétré au cœur de l’Ethiopie méridionale. Des explorations postérieures ont démontré que la rivière Omo, qu’ils croyaient être le Nil Blanc, n’est, en réalité, qu’un affluent du lac Rodolphe ; mais il est encore honorable d’avoir commis cette erreur, si l’on considère que le pays où ils voyageaient au milieu de tant de dangers n’a livré qu’une faible partie des secrets de sa topographie et de sa géologie.
JOURNAL L'ILLUSTRATION 1902 SUR LES RIVES DU NIL BLANC |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire