ANTOINE D'ABBADIE.
Antoine Thomson d'Abbadie d'Arrast, né le 3 janvier 1810 à Dublin et mort le 19 mars 1897 à Paris, est un savant et voyageur français.
ANTOINE D'ABABDIE |
Voici ce que rapporta à son sujet le journal Les Contemporains, dans son édition du 1/01/1911 :
"Antoine d'Abbadie, Explorateur (1810-1897) :
...Tout ce qu’il fit dans ce but a été raconté avec détails dans sa biographie ; nous n’y reviendrons pas et nous reprendrons notre récit au moment où les deux frères se retrouvent à Massaouah. Après avoir échangé leurs renseignements respectifs, ils arrêtèrent le plan de leur second voyage et résolurent de retourner à Gondar. Il fut convenu qu’Arnauld conserverait son caractère d’homme de guerre, qui avait commencé à lui donner quelque ascendant dans le pays, tandis qu’Antoine, que rien ne recommandait d’une manière spéciale à la bienveillance des habitants, revêtirait le costume des moines éthiopiens, afin de profiter de l’immunité qui y était attachée.
Des guerres, qui avaient pour origine un dissentiment religieux, désolaient alors le Tigré. La plus grande partie de l'ancien empire se trouvait sous la domination d'un dedjazmatch jeune, inexpérimenté et favorable à l'islamisme (le ras Ali) ; les autres princes, soucieux de rester fidèles à leur foi, voulurent la défendre les armes à la main. A trois journées de marche de Gondar, les explorateurs furent arrêtés par ordre d’Oubié, qui, au lieu de se montrer leur protecteur comme il l'avait fait trois ans auparavant, se déclara nettement leur ennemi, leur chercha violemment querelle, et, après avoir menacé Arnauld de lui couper "un pied et une main", l’expulsa du Tigré.
Les deux frères durent donc retourner à la côte et se séparer momentanément. Pour comble d’infortune, Antoine, blessé à l’œil par un éclat de sa propre carabine, fut atteint d’une ophtalmo, qui lui enleva pour quelque temps l’usage de la vue, et dont il souffrit par la suite durant tout son séjour en Ethiopie. Il alla en vain chercher les secours de la médecine à Aden et au Caire ; à Aden, il fut soumis à une foule de vexations de la part du gouverneur Heines, sous l’accusation d’être probablement un agent secret du gouvernement français, et il dut se réfugier à Berbérah, sur la côte opposée du golfe.
C’est là qu’Arnauld le rejoignit ; attristé de le trouver si souffrant, il lui offrit de renoncer définitivement à leur projet ; mais Antoine déclara que, même complètement aveugle, il marcherait seul, s’il le fallait, à l’aide d’un bâton. Les deux frères tentèrent de rentrer en Abyssinie par le Sud, puisque la route de Gondar leur était fermée ; mais ils furent arrêtés par de nouveaux obstacles, que suscitaient cette fois les Anglais, effrayés des progrès croissants de l'influence d’Arnauld, et qui n’hésitèrent pas, on l'a affirmé, à mettre sa tête à prix. Il échappa à ce danger et renouvela sa tentative par la route du Tigré, à la faveur d'une accalmie dans la guerre qui troublait celte province. Il retourna à la cour de Guoscho, pour reprendre sa vie éthiopienne, tandis qu’Antoine se rendait à Gondar, où il arriva le 25 juin 1842.
MARCHE DE GONDAR ABYSSINIE ETHIOPIE |
V. Dans l'Inarya — Frère de noces d'Abba Boggibo — Les manuscrits Éthiopiens — La mission des Gallas.
Dès ce moment, tantôt réunis, tantôt et le plus souvent séparés, les deux frères livrèrent à l'exploration géographique et scientifique du pays. Arnauld devint général. juge, diplomate ; il prit part à des batailles rangées et conquit le titre de ras, si honoré en Ethiopie ; il fut le "ras Mikaël", dont le souvenir est encore aujourd’hui vivace dans la région. Quant à Antoine, il adopta la carrière pacifique de lettré ; ne pouvant justifier d’une profession qui éloignât tout soupçon d’espionnage, n’étant ni guerrier, ni cultivateur, ni marchand, il dut se donner "pour un mamhir, c’est-à-dire professeur ou savant", et il se mit à fréquenter les écoles éthiopiennes, lesquelles, nous dit-il spirituellement, "sont publiques et gratuites, mais non obligatoires".
Depuis longtemps, il avait pris, ainsi que son frère, les habitudes du pays. Ils avaient délaissé le costume européen pour revêtir la loge et le turban éthiopiens ; ils marchaient sans chaussures, le port de sandales étant exclusivement réservé juifs et aux lépreux.
LEPROSERIE HARAR ETHIOPIE |
Au point de vue scientifique, le blême qui préoccupait le plus les frères était celui déjà autrefois posé par Hérodote, la découverte des sources du Nil Blanc. Trop confiant dans l’opinion de Bruce, qui plaçait ces sources vers le 7e degré de latitude Nord, et dans les affirmations des indigènes, qui considéraient la rivière Omo comme le cours supérieur du Nil Blanc, Antoine résolut d’explorer le cours de cette rivière. Il fallait pour cela pénétrer dans le territoire de l’Inarya.
Grâce à l’influence d’Arnauld, cela lui fut possible, et il fut reçu solennellement il la cour du roi de ce pays, Abba Boggibo, qui devait son élévation à son audace et à son bonheur dans la carrière des armes. Antoine chercha d’abord à se concilier la faveur de ce principicule en exécutant devant lui quelques expériences de physique. Il lui montra ses instruments d’observation, en particulier son chronomètre, que les Ethiopiens nommaient son âme de cuivre ; il provoqua devant lui l’effervescence de l'eau en y jetant les deux produits qui servent à faire de l’eau de seltz.
Abba Boggibo conçut ainsi la plus haute idée des talents de l’étranger blanc qui était venu à sa cour, et il n’eut plus qu’une pensée, celle de retenir dans ses Etats, bon gré mal gré, un homme qui savait tant de choses et qui, à l’occasion, pouvait rendre tant de services. Cela dérangeait les plans d’Antoine, qui n’avait pas désiré cet excès de faveur, mais seulement la protection nécessaire pour continuer sa route vers le Sud et se rendre dans le pays de Kaffa.
CARTE DES VOYAGES D'ANTOINE D'ABBADIE ENTRE 1838 ET 1848 |
Un événement assez bizarre vint favoriser ce dessein. Depuis dix ans, Abba Boggibo demandait en mariage une sœur du roi de Kaffa ; celui-ci faisait sans cesse une réponse favorable, mais différait avec non moins de constance l’exécution de sa promesse. Le roi d’Inarya, ayant déjà onze femmes, attendait d’ailleurs sans trop d’impatience le bon plaisir de son voisin. Sur ces entrefaites, celui-ci entendit parler de l’étranger qui émerveillait par ses expériences scientifiques la contrée tout entière ; sa curiosité s’éveilla et il promit cette fois de tenir à bref délai sa parole si Abba Boggibo consentait à lui envoyer le "sorcier blanc".
Le roi d’Inarya accepta la condition et Antoine d’Abbadie partit pour le pays de Kaffa, comme frère de noces d’Abba Boggibo. Il y avait en tout quatre frères de noces, six parents du roi et une escorte d’honneur de mille guerriers. Le roi de Kaffa reçut l’étranger avec beaucoup d’égards et ne cacha pas son intention de le garder. Abbadie fut assez habile pour déjouer ce plan.
Il ne resta que onze jours dans ce pays, où il eut la satisfaction d’admirer une végétation aussi luxuriante que celle qu'il avait vue au Brésil. Il ne put, à son grand regret, y faire que peu d’observations géodésiques à cause du qobar ou brouillard sec, très commun dans ces parages et qui sans cesse obscurcissait l’horizon.
Echappé au roi de Kaffa, il lui fallait maintenant s'évader de l'Inarya pour retourner à Gondar. Abba Boggibo n’avait nullement l’intension de lui rendre la liberté, et il fallut qu’Arnauld, de plus en plus influent, intervînt avec énergie. Il menaça, si Antoine ne lui était pas rendu, d'intercepter la route à toutes les caravanes qui se dirigeraient vers l'Inarya. Le roi céda, et Antoine reprit le chemin de Gondar avec une caravane qui, pleine de déférence pour le frère d’un chef si puissant, consentit plus d'une fois à modifier son itinéraire pour lui permettre de compléter ses relèvements.
UNE CARAVANE EN ABYSSINIE ETHIOPIE |
Revenu à Gondar et admis dans la hiérarchie des lettrés, Antoine s'y occupa à réunir des manuscrits et à discuter, spécialement sur des questions de philologie, avec les membres du corps enseignant, devenus ses collègues et ses amis. Une lettre qu’il écrivait en septembre 1844 nous le montre "à terre dans une maison couverte de chaume, non loin du palais bâti pour le roi Facilidas", au milieu d’une centaine de manuscrits éparpillés.
GONDAR ETHIOPIE |
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