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mercredi 9 décembre 2020

LES TRAINS AU PAYS BASQUE SUD EN SEPTEMBRE 1864 (quatrième partie)

 

LES TRAINS AU PAYS BASQUE SUD EN 1864.


Dès 1845, les institutions Biscayennes promeuvent la construction d'une ligne de chemin de fer Madrid-Irun, passant par Bilbao.



pais vasco antes tren 1864
INAUGURATION DU CHEMIN DE FER ST SEBASTIEN 1864
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal des débats politiques et littéraires, dans son édition 

du 14 septembre 1864, sous la plume d'Ustazade de Sancy :



"Saint-Sébastien. Vitoria. Burgos. Madrid et Tolède. 



(Deuxième article. Voir le Numéro du 9 septembre.) 



...Le banquet de Saint-Sébastien terminé, le roi et la majeure partie des invités espagnols s'étaient dirigés vers la France et Paris, où les attendait une magnifique réception. Les invités français, au contraire, allaient s'enfoncer en Espagne comme de modestes touristes, et profitaient des quelques heures précédant le départ pour visiter la ville. Saint-Sébastien, nous l'avons dit dans notre dernier article, n'a de curieux que sa position avancée dans la mer, ainsi que le splendide panorama dont on jouit du haut de son rocher. 



Les promeneurs étaient revenus à la gare, le moment fixé pour le départ était passé depuis longtemps, et notre locomotive n'avait nullement l'air de se soucier d'accomplir son devoir en nous entraînant vers l'inconnu. Les locomotives espagnoles sont moins pressées que les locomotives du Nord ; elles semblent, comme les habitants, avoir la douce habitude de la sieste. La nôtre voulait-elle donner à la foule des curieux et des curieuses qui ne cessaient de nous entourer la satisfaction de nous admirer plus longtemps comme des Japonais ou des Siamois ? Et pourtant, quoique étrangers, nous n'étions ni assez beaux, ni assez laids, ni assez splendidement vêtus pour justifier cet empressement. Ou bien encore voulait-elle, vaine espérance ! accorder aux infortunés dont les malles et les sacs de voyage avaient disparu, la facilité de les retrouver en courant après les voleurs ou en allant porter plainte devant l'alcade ? 



Quoi qu'il en soit, le train restait immobile, et, victimes nous-mêmes d'une attaque inqualifiable contre le droit des gens, nous songions tristement aux inconvénients d'une trop grande liberté, d'une trop petite surveillance ; nous reconnaissions à nos dépens que l'administration française, dans sa sollicitude un peu tracassière, a du bon pourtant quand elle empêche les maraudeurs de pénétrer dans les gares et de voler les sacs de voyage. Combien de choses précieuses et indispensables dans un sac de voyage ! C'est là qu'une personne soigneuse dépose tout ce qu'elle tient à ne point perdre : objets de toilette, papiers, argent, livre préféré, bijoux mille fois plus précieux par le souvenir de la main qui les a donnés que par leur valeur matérielle ! Il en est de la perte d'un sac de voyage comme de celle d'un ami : on apprécie tout ce qu'il vaut alors qu'on ne l'a plus. 



PAIS VASCO ANTES SAN SEBASTIAN TREN

INAUGURATION DU CHEMIN DE FER ST SEBASTIEN 1864
PAYS BASQUE D'ANTAN




Tandis que ces réflexions occupaient notre esprit, un bruit strident se fait entendre, c'est le signal si longtemps attendu ; il faut monter en wagon et s'embarquer sans bagages pour un voyage de dix jours en pays étranger. Triste perspective, mais qui, disons-le en l'honneur de l'intrépidité nationale, n'a découragé personne, pas même les plus maltraités. 



A partir d'Andoain, la seconde station après Saint-Sébastien, la route devient des plus intéressantes. Elle longe d'abord paisiblement le cours de la rivière Oria, au milieu d'une succession de riantes vallées et de coteaux boisés jusqu'à la station de Tolosa, petite ville de 8 000 habitants, capitale de la province basque espagnole de Guipuzcoa. Puis, de Tolosa à Beasaïn, la route prélude aux difficultés dont elle va bientôt triompher dans les Pyrénées, en traversant vingt fois l'Oria dans un parcours d'à peine 15 kilomètres. Tant que dure le jour, nous apercevons une foule considérable aux abords des stations ornées d'arc de triomphe et de trophées ; la nuit venue, nous entendons encore les cris de Viva la Reina ! on prend sans doute notre train pour le train royal retournant à Madrid. 


pais vasco antes tolosa oria
FLEUVE ORIA TOLOSA GUIPUZCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN




Nous voici dans les gorges des Pyrénées, la machine ralentit sa marche ; nous allons moins vite qu'en omnibus. Les tunnels se succèdent, mais la nuit nous dérobe la sauvage beauté du chemin. Tout d'un coup le train s'arrête. Un quart d'heure, puis une demi-heure, puis une heure se passe en promenades à pied, en conversations sur la voie. Plus de machiniste, plus de chef de train, plus d'employés ; tous ont disparu comme par enchantement ; personne pour se renseigner sur l'incident. Ces messieurs sont-ils descendus pour souper à leur aise, ou bien ont-ils été passer quelques moments agréables au bal dont on voit briller la lumière dans le lointain et dont on entend faiblement résonner la musique ? Un voyageur bien informé prétend que le réservoir de la dernière station était à sec et qu'il a fallu puiser de l'eau dans la rivière la plus prochaine pour alimenter la machine. Enfin, au bout d'une heure et demie, les employés reparaissent, le cri de Senores viajores, al trene ! se fait entendre, la locomotive pousse un cri de triomphe et clopin-clopant atteint Olazagutia. Ici recommence l'ancienne ligue, plus d'arrêts, de tribulations ni de craintes : la machine essaie de regagner le temps perdu et dépose une partie de ses voyageurs à Vitoria à une heure avancée de la nuit. 



Nous arrivons dans la capitale de l'Alava, autre province basque espagnole, pour la troisième journée d'une course de taureaux. La ville est encombrée. Non seulement toutes les chambres des fondas, paradares ou posadas sont occupées, mais aussi les tables et les chaises. Impossible de trouver à prix d'or un toit pour abriter sa tète ! Le moyen de passer la nuit à se promener lorsqu'on est resté trente-six heures sur pied ou en chemin de fer ! Quant à la moindre nourriture, il n'y faut pas songer. Les voyageurs étaient dispersés dans la ville à la recherche d'un gîte introuvable. Accablés de lassitude, mon compagnon et moi, nous hésitons si nous n'irons pas nous étendre sur les dalles de la place Neuve. C'est un vaste carré entouré de maisons d'égale hauteur, avec des arceaux assez semblables à ceux de la place Royale, où se tient le marché aux légumes le matin, et où se promène, en toute saison, de midi à deux heures, avant de s'endormir, la société élégante de Vitoria ; les gardes provinciales y font de la musique. Au moment où nous allions prendre cette résolution désespérée, une immense place remplie de voitures dételées s'offrit à nos regards : diligences, omnibus, calèches, cabriolets et autres véhicules de formes tellement bizarres qu'on ne peut trouver dans notre langue de noms pour les baptiser. Si nous nous installions dans une voiture ? Enthousiasmés de cette idée, nous nous précipitons vers un immense omnibus. Amère déception ! la place est prise. D'autres ont eu la même inspi ration lumineuse. Et la diligence voisine ? Rotonde, intérieur, coupé, impériale, tout est complet. Pas un omnibus qui ne soit plein. En omnibus, comme en secondes en chemin de fer, on peut s'étendre ; aussi les omnibus ont-ils été occupés de préférence. Sans perdre courage, nous visitons les calèches, et nous Unissons, ô bonheur ! par en trouver une libre, après avoir essuyé un déluge d'invectives de la part des gens dont nous avions troublé le repos. 



pais vasco antes alava
VITORIA GASTEIZ ALAVA 1864
PAYS BASQUE D'ANTAN




Nous nous installons le plus confortablement possible, et nous nous préparons à goûter un sommeil réparateur. Hélas ! nous n'étions pas absolument seuls dans la voiture. Des ennemis acharnés s'élancent, montrant quelles ressources possède l'Espagne pour repousser par des armées invisibles les invasions étrangères. Encore si c'était notre seule infortune durant cette nuit fatale ! Plus de vingt fois en une heure des compatriotes, comme nous à la recherche d'un abri, viennent ouvrir et refermer les portes de notre désagréable demeure. Et non seulement les pauvres voyageurs, mais aussi les gens du pays, s'en mêlent : nous avons dérobé leur dortoir habituel. Une troupe de mauvais plaisants s'emparent d'un omnibus encombré, s'y attellent sans bruit, le conduisent au sommet de la place inclinée, et là donnent une effroyable impulsion au véhicule, qui dégringole à l'autre bout, en pirouettant plusieurs fois sur lui-même, au grand effroi des dormeurs éveillés, à la grande réjouissance des ninos, qui prennent la fuite en riant aux éclats. Enfin le jour arrive, un soleil éblouissant inonde les rues encore désertes ; on se lève tard, on se couche de même en Espagne. Nous quittons sans regrets notre incommode hôtel, et, le visage pâle, les yeux cernés, nous errons à l'aventure jusqu'au moment où les servantes des fondas se décident à nous ouvrir et à nous préparer du chocolat exquis. 




Vitoria est en veine de prospérité. Une ville neuve, bien bâtie, élégante, se construit au pied de l'ancienne, entourée de remparts et située sur une colline dominant une partie de la province d'Alava. Pour le touriste avide d'antiquités, la vieille ville est bien plus intéressante que la ville neuve. Elle possède deux églises du douzième siècle, en ruines, il est vrai, mais qui contiennent des tombeaux remarquables, et dont l'une, Santa-Maria, jouit d'un superbe tableau de Murillo, la Piedad, tandis que l'autre, San-Miguel, outre un maître-autel de Juan Velasquez, a le privilège de conserver dans son trésor une vieille épée sur laquelle l'alcade prêtait autrefois serment d'être juste, sous peine d'avoir la tête tranchée. 



pais vasco antes iglesia vitoria murillo
TABLEAU LA PIEDAD DE MURILLO



Ce qu'il y a de plus curieux à Vitoria, ce qui n'existe avec la même profusion ni à Burgos ni à Tolède, ce sont des rues entières longues et étroites, bordées d'antiques maisons, ayant toutes appartenu à la noblesse espagnole, ainsi que le témoignent des écussons de pierre admirablement sculptés aux armes des familles, et qui surmontent de larges portes or nées de clous énormes des formes les plus variées. La façade est percée d'un petit nombre de fenêtres entourées de grilles en fer forgé, chefs-d'œuvre de serrurerie ; à l'intérieur, des vestibules et des escaliers superbes avec des colonnes et des chapiteaux gothiques et de vastes pièces démeublées où l'on retrouve des traces de peintures à fresque effacées par le temps. Ces maisons, d'apparence fort lugubre au dehors, mais grandes et belles au dedans, ont dû être le séjour d'une noblesse ombrageuse, puissante et fière. Ce sont plutôt des forteresses que des palais. Elles sont presque toutes désertes ou pauvrement habitées aujourd'hui ; les riches habitants de Vitoria préfèrent des maisons modernes plus gaies et plus commodes, mais sans aucune originalité. On nous a signalé trois de ces édifices ; l'un a été habité vers l'an 1250 par le roi Alphonse-le-Sage ; dans le second a demeuré, au commencement du seizième siècle, le cardinal d'Utrecht, devenu Pape sous le nom d'Adrien VI ; le troisième a eu l'honneur de loger François 1er. On trouve dans les vieilles rues de Vitoria un riche assortiment de ces manteaux à l'étoffe solide, aux couleurs éclatantes, qui ne sont plus guère portés par personne en Espagne, mais qui peuvent servir de couvertures de voyage et qui font des tapis de table très élégants."



A suivre...




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