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jeudi 31 décembre 2020

LE CHANT D'ALTABISCAR AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (première partie)

LE CHANT D'ALTABISCAR.


Ce chant, parfois appelé chant des Escualdunacs, est un poème épique publié pour la première fois en 1835 et présenté alors comme contemporain de la Chanson de Roland.



pays basque autrefois
ROLAND A RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet , le journal La Gironde, le 28 avril 1891, sous la plume de Paul 

Lavigne :


"Revue musicale.



Le chant d'Altabiscar.



Il y a quelque mois à peine, le 19 janvier dernier, a eu lieu, sur le chemin de fer de la compagnie du Midi, l'ouverture de la ligne de Bayonne à Cambo. Je gage que dans le reste de la France cette inauguration est passée presque inaperçue. Ce n'était rien moins, cependant, que la seconde attaque du pays basque par le railway ; que la seconde intrusion triomphante, dans ce suprême boulevard du monde primitif, de notre civilisation moderne. 



Déjà par Saint-Jean-de-Luz, Guéthary, Hendaye, et la ligne espagnole qui commence à Irun, les derniers descendants des Eskualdunacs avaient vu leurs montagnes et leurs vallées entamées par ce grand courant civilisateur qui souffle de Paris à Madrid. Cette fois, le chemin de fer, qui a pour nouvel objectif Pampelune, est dirigé vers le cœur du pays ! Le premier tronçon est en pleine activité et dessert Villefranque, Ustaritz, Halsou et Cambo. On a presque construit le chemin qui doit bifurquer à Ossès pour atteindre d’une part la patrie du maréchal Harizpe, le poétique Baïgorry ; de l’autre Saint-Jean-Pied-de-Port et ses montagnes souvent neigeuses. J’ai été témoin, aux dernières fêtes de Pâques, de l'arrivée en train de plaisir de tous les Basques venus des quatre stations nommées plus haut pour assister aux fêtes de Bayonne, et je n’ai pas oublié surtout l’étonnement naïf des employés de service de la Compagnie à la vue de toutes ces têtes fières et intelligentes, coiffées de bérets, et paraissant aux portières des wagons sur une très longue étendue. "Ah ! mon Dieu ! tous ces voyageurs viennent de la ligne de Cambo ! Mais on dirait un grand train de plaisir arrivant de Bordeaux !"



Le Pays Basque ! Peu, bien peu de personnes encore, à l'heure qu’il est, se doutent de ce que cette contrée si primitive offre aux observateurs de spécial, de caractéristique, d’unique au monde. On va chercher le plus souvent bien loin ce qui existe tout près ! Chateaubriand, par exemple, au siècle dernier, passait les mers pour aller retrouver si possible, dans la Louisiane, les dernières traces très effacées des anciennes tribus sauvages qui l'habitaient... que n’allait-il dans les Pyrénées du Sud-Ouest, en France et en Espagne !...



Il ne faut, maintenant, rien exagérer ! On a dit bien des invraisemblances sur les Basques : on les a fait descendre des Carthaginois ! On a cru retrouver en eux des Cantabres ! On leur a prêté une foule de coutumes, toutes plus bizarres les unes que les autres et qu’il a été impossible à l’observateur sérieux de découvrir chez eux, même en cherchant bien. Mais la vérité pure et simple est bien autrement étrange et étonnante que tout cela !... Cette partie des Pyrénées seule a gardé sa population primitive ; les Indo-Européens arrivant de l’Orient, en refoulant devant eux, en exterminant les peuples autochtones des contrées qu’ils envahissaient, ont renoncé sagement à poursuivre dans leurs gorges profondes et leurs étroits défilés les Eskualdunacs, en possession de cette contrée montagneuse et accidentée depuis les premiers siècles, peut-être, de la période quaternaire. Et les Basques sont restés immuables pendant que tout changeait et se modifiait autour d’eux, seul et précieux échantillon de la plus ancienne population de l’Europe...



Leur langue, conservée jusqu'à nous, en est la preuve la plus directe. Elle est d’un intérêt capital, puissant, exceptionnel pour le philosophe et l'érudit : ayant dépassé, à une époque immémoriale, la période monosyllabique, elle est franchement agglutinante ; et, dans les dernières classifications de nos meilleurs linguistes, elle est rangée presque au sommet du second embranchement linguistique, immédiatement avant les idiomes américains qui sont les derniers de la famille, et après lesquels, séparés par un très large fossé, arrivent enfin les idiomes à flexions, c’est-à-dire les langues chamitiques, sémitiques et Indo-européennes.



A l’époque inconnue où elle est arrivée à son point d'arrêt, la langue euskarienne rayonnait-elle, comme on l’a quelquefois soutenu sérieusement, à de lointaines distances, en Italie, en Grèce, et jusqu’en Asie-Mineure ? C’est infiniment peu croyable. Autant vaudrait, et la thèse serait même plus soutenable, lui supposer du côté opposé, à l’extrême ouest, de mystérieuses affinités avec les langues américaines et imaginer à ce sujet un beau roman : une Atlantide, disparue depuis au fond de l’océan Atlantique, et communiquant, à l’époque des mammouths, des mastodontes, des cycadées en fleurs et des fougères en arbres, avec le très ancien continent appelé le nouveau depuis Colomb et Pinzon et leurs étonnantes découvertes.



pays basque AUTREFOIS
AFFICHE SCOLAIRE CHARLEMAGNE


L'existence d'un petit peuple, isolé comme race, remontant à la plus haute antiquité et parlant une langue absolument spéciale au milieu de deux contrées aussi avancées en civilisation que la France et l’Espagne, est un fait par lui-même tellement extraordinaire qu’il doit faire excuser a priori les imaginations des Augustin Chaho, des Lécluse et des Baudrimont. — Mais parlons seulement ici du côté par lequel le pays basque et ses habitants ae rattachent directement à notre sujet.



Le Basque aime passionnément à chanter. Que de fois, dans son pays, en cheminant en rase campagne, il m'est arrivé d’entendre assez loin, au grand air, une voix forte et sonore. Plus j’avançais, et plus les sons, en se rapprochant, devenaient puissants. Tout à coup, d’un vaste champ de fougères "gris-bleutées", ou encore d’un petit chemin de traverse, bordé de genêts épineux aux fleurs jaunes et à l’âcre senteur, débouchait, fier comme Artaban... un gamin de dix à douze ans tout au plus, chantant à nu-tête, — et baissant la voix, puis s’arrêtant tout à coup du moment où il se sentait observé. 



On devait s’occuper, et on s’en est occupé en effet, de recueillir les chants populaires du pays basque. MM. Chaho, Lamazac, Francisque-Michel et Georges Amé, Salaberry et Dotterer, Archu, Julien Vinson, Mme de de la Villélio, d’autres encore, ont publié à cet égard le résultat précieux de leurs récoltes. Mais peu d'entre eux se sont demandé sérieusement d’où ces chants pouvaient bien provenir.



pays basque autrefois roland charlemagne
OLIPHANT DE ROLAND A RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN


En réalité, ces chants populaires, comme tous les autres du reste, ont été simplement retenus par le peuple, mais n’ont jamais été imaginés par lui et ne sont, surtout, rien moins qu'autochtones. On trouve parmi les airs soi-disant originaux, notés par M. A. Dotterer pour le recueil Salaberry, la mélodie : Je veux au bout d'une campagne, et le timbre belge : Chantons l'honneur et la gloire, etc., etc., etc. Un chant basque, très populaire, il y a déjà quelques années, avait été composé, au vu et au su de tous, sur un des airs de la partition de Si j'étais Roi ! Et ces origines d’hier et d’avant-hier sont aujourd’hui complètement oubliées. Les paroles mêmes, en langue basque, appartiennent à peine au pays !... Ce sont le plus souvent des traductions ou imitations de pièces françaises ou espagnoles.




 


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