Libellés

jeudi 3 décembre 2020

LES CAGOTS AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (deuxième et dernière partie)

 

LES CAGOTS AU PAYS BASQUE.


Un(e) cagot(e), dans le Sud-Ouest de la France, était aussi appelé agote, sur le versant Sud des Pyrénées, en Espagne. Il s'agissait de termes dépréciatifs qui désignaient des groupes d'habitants, exerçant des métiers du bois, ou du fer, frappés d'exclusion et de répulsion dans leurs villages, surtout au Pays Basque.



cagots france espagne
LIVRE HISTOIRE DES RACES MAUDITES DE LA FRANCE ET DE L'ESPAGNE
DE FRANCISQUE MICHEL



Voici ce que déclara à ce sujet le journal Le Droit, dans son édition du 21 avril 1847 :



"Les races maudites de la France et de l'Espagne. 



... Les privilèges que les Crestiaas venaient d’obtenir leur furent-ils maintenus ? Les Béarnais, au milieu desquels ils vivaient, les virent-ils d'un meilleur œil ? Nous n’avons aucun moyen de répondre à ces deux questions, les documents découverts jusqu’ici étant muets à cet égard. Nous savons seulement que, trois ans après la date de la Charte de 1379, quatre-vingt-dix-huit Crestiaas et Crestianes faisaient hommage au comte de Foix, et que quatre d’entre eux s’engageaient solidairement, et par corps, à lui payer, à huit jours de là, soixante-quatre florins d’or, à peine du double. Il est à remarquer que la plupart des noms qui se lisent dans les actes de 1383, se retrouvent également dans la Charte de 1379, ce qui sert à confirmer l’observation que nous avons consignée plus haut.




gaston phebus bearn foix
GASTON III DE FOIX-BEARN DIT FEBUS



Quant à ceux dont les noms diffèrent, on peut les considérer comme les fils ou les héritiers des Crestiaas des mêmes localités, désignés dans l’acte le plus ancien.



Vers la même époque, nous trouvons les Cagots différemment traités dans une petite ville de Gascogne, actuellement chef-lieu de canton dans le département de Lot-et-Garonne. La coutume du lieu, rédigée par écrit en 1388, frappait d’anathème, mais à des degrés différents, trois classes de malheureux, dont les tristes aventures, au moyen Age, nous touchent vivement aujourd’hui. Elle prohibait expressément aux Juifs de toucher le pain et les fruits qui étaient exposés dans la ville, à tout habitant d’acheter aux Gahets des choses servant à la nourriture de l’homme, et de les prendre à ses gages en temps de vendanges, et aux jongleurs d’entrer dans les maisons de la ville le jour de Noël et les autres jours de fête, soit pour jouer des instruments, soit pour quêter.



Dans une autre ville du même département de Lot-et-Garonne, dont les règlements de police municipale furent rédigés en corps de coutumes huit ans plus tard, on trouve des dispositions bien plus rigoureuses contre les Cagots.



Ils ne pouvaient entrer en ville sans avoir sur leur robe de dessus une pièce de drap rouge, faute de quoi ils étaient condamnés à cinq sous d'amende, et se voyaient confisquer leur robe ; il leur était interdit de marcher sans chaussure dans les rues, et enjoint, lorsqu’ils rencontraient hommes ou femmes, de se tenir sur le bord du chemin autant qu’ils le pouvaient, jusqu’à ce que le passant se fut éloigné ; ils ne pouvaient acheter que le lundi, et ne devaient jamais entrer dans les tavernes, y prendre du vin ni y toucher les hanaps et les brocs ; il leur était défendu de vendre des porcs et quoi que ce fût pour manger, sous peine de soixante-cinq sous d’amende et de confiscation des denrées ; s’ils avaient soif, il leur fallait puiser de l’eau dans leur fontaine, et non ailleurs, sous peine de cinq sous d’amende, en cas de contravention ; enfin, l’article CXVII de la coutume prescrivait aux Gahets complètement lépreux de ne demeurer, ni de stationner, ni de s’asseoir dans Marmande, sous peine de cinq sous d’amende, dont un tiers devait revenir à la ville, un autre tiers au seigneur, et le troisième aux Cressias de la ville qui se saisiraient des délinquants. Cependant, les fêtes et le lundi matin, ils avaient la permission de se tenir et de s’asseoir devant l'église des frères mineurs, vers les fossés, lieu où, depuis nombre d’années, ils avaient coutume de se placer.



A la fin du XIVe siècle, nous retrouvons les Cagots dans un article des Fors de Béarn, qui date de cette époque, et qui leur concède d’assez importants privilèges. Une remarque importante à faire, c’est qu’ils y sont désignés par le nom de Crestias, alors que, dans la dernière rédaction de ce même article, ils sont appelés Cagots. En voici la première :


Item. Fo establit e ordinat que los caperaas, hospitalees, ni Crestias, deu sedent qui au per lors glisies, hospitalaries, crestianaries, non paguin talhas ni contribuesquen a las donations deu senhor. Actum a Morlaas, lo iiii jors de juli l’an M1 iiie xcviii.


Item, il fut établi et ordonné que les prêtres, ni les hospitaliers, ni les Cagots, pour l'emplacement de leurs églises, hôpitaux et bigoteries, ne paieront tailles ni ne contribueront aux donations du Seigneur. Fait à Morlaas le quatrième jour de juillet, l’an 1398.



Des règlements pareils à ceux de Marmande et du Mas-d’Agenais existaient vraisemblablement dans plusieurs autres villes du midi, où se trouvaient des Cagots ; mais ils étaient tombés en désuétude lorsque, à la requête des capitouls de Toulouse et des consuls de plusieurs villes du Languedoc et de la Guienne, Charles VI renouvela, par ses lettres du 7 mars 1407, d’anciennes ordonnances qui n’étaient plus observées, et qui portaient que les personnes attaquées d’une espèce de lèpre ou mesellerie, qui, en certaines contrées, sont appelées Capots, et dans d'autres Casots, porteraient des enseignes ou marques qui les distingueraient des personnes saines, et qu’elles habiteraient dans des lieux séparés des demeures de ces personnes. Le duc de Berry, lieutenant du roi dans le Languedoc et dans la Guienne, ordonna l’exécution de ces lettres, par celles du 17 mars de cette année, adressées aux trois sénéchaux du Languedoc, et à ceux du Rouergue et du Quercy.



A leur tour, ces prescriptions eurent le sort de celles qui les avaient précédées : aussi, en 1439, le dauphin Louis (Louis XV), se trouvant à Toulouse, nomma, le 10 juillet, des commissaires pour visiter plusieurs personnes, hommes, femmes et enfants, qui s'étaient répandus dans la ville et la sénéchaussée de Toulouse, "et qui festoient malades ou entichés d’une très horrible et grave maladie, appelle la maladie de la lèpre et capoterie," pour empêcher qu’ils ne se mêlassent avec les habitants du pays.



Trois ans avant cette époque, nous trouvons une mention des Caqueux de Bretagne, qui nous prouve que ces individus, semblables, par le nom, aux Cagots du sud-ouest de la France, leur ressemblaient aussi par la proscription sous le poids de laquelle ils gémissaient. Suivant la tradition populaire, ils étaient juifs ; ils ne devaient pas communiquer avec les autres habitants, et, aux églises, leur place était dans la partie inférieure. Il ne leur était pas permis de toucher les vases sacrés, ni de recevoir le baiser de paix avant les gens sains. Les contraventions à ces règlements étaient punies d’une amende de cent sous, somme considérable pour le temps.



En 1477, le duc François II, pour empêcher les Caqueux d’être dans la nécessité de mendier et de se mêler avec les gens sains, leur permet de faire valoir comme fermiers, les terres voisines de leur domicile, borne la durée des baux à trois ans, renouvelle l'injonction de porter une marque rouge, et leur défend tut autre commerce que celui du fil et du chanvre, nécessaires à leur état de cordier. Une chose à remarquer, c'est que cette ordonnance  ne se trouve pas dans le corps de coutumes rédigé sous le même duc et imprimé huit ans plus tard à Loudéac, exclusion qu’un peut attribuer à la spécialité de cette pièce (il n'y est  question, en effet, que des Caqueux de l’évêché de Saint-Malo), et d’où il est permis de conclure que ces malheureux n’étaient guère répandus en Bretagne hors de cette circonscription, à l’époque dont il s’agit. Il est fort possible, cependant, qu’ils aient été désignés, dans ces coutumes, comme gens qui s’entremettent de vendre de vilaines marchandises, et qu’il faille rechercher leur état dans les articles suivants :


"Lesquelx sont vilains natres (naturels). 


VIlxx XVI. Ceulx sont vilains natres, de quelconque lignage qu’il soient, qui s’entremettent de vilains mestiers, comme estre écorcheurs de chevaux, de villes bestes, garzcailles, truendaille, pendeurs de larrons, porteurs de postez et de plateaux en tavernes, crieurs de vins, cureurs de chambres, quoyez faiseurs de clochers, couvreurs de pierre, pelletiers, poissonniers, gens qui s’entremettent de vendre villaines marchandises, et qui sont ménétriers et vendeurs do vent ; telles gens ne sont pas dignes d’eulx entremettre de droit ni de coustume, comme est dit est au XVIIIxxXIIe chapitre...



VIIxxXVIII. Lesquelx doivent estre appelez à tesmoings de droit et de coustume. et en quelle action.



Justice ne officier ne doibt appeler à tesmoing d’explet de court nul vilain, nulles gens de basse condition de villaiges, qui ne s’entremettent de droiz ne de coustumes, ne s’en doivent entremectre, et s’ils ne les entendent ; car une conjunction peut porter une cause de cent livres de rente comme de troys deniers ; et aussi une disjunction, et ceux recordent anssi tost le faux comme le droit ; tout cuidassent bien recorder, ou pourroient estre plustot subornés ou corrompus par colusion, que ne deussent estre gentilshommes."



A suivre...



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire