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mercredi 7 mai 2025

LE PAIN "ESPAGNOL" AU PAYS BASQUE EN MARS 1918 (première partie)

LE PAIN "ESPAGNOL" EN MARS 1918.


Pendant la Première Guerre mondiale, la question du ravitaillement est un sujet quotidien préoccupant dans toute la France, et au Pays Basque également. 




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PAIN 1918



Voici ce que rapporta E. Seitz dans le quotidien La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-

Luz, le 1er mars 1918 :



"Pain d'Espagne.



L'Espagne est le seul pays d'Europe et un des seuls pays du monde où le blé soit en quantité suffisante pour que le pain ne doive pas être rationné. Tous les autres pays neutres d'Europe souffrent de l'insuffisance des blés autant ou plus que les belligérants. Toute l'Amérique du Nord se rationne afin de pouvoir alimenter les alliés européens et ainsi notre voisine d'outre-Pyrénées occupe une situation exceptionnellement privilégiée au point de vue de l'alimentation en céréales.



De là à pouvoir ravitailler la France, il y aurait loin, car c'est tout juste si l'Espagne arrivera à opérer la soudure avec la prochaine moisson.



Pour cette raison et pour d'autres plus générales, qui ont créé un malentendu économique entre la France et l'Espagne, nos voisins de la péninsule ont prohibé l'exportation de diverses denrées et surtout des céréales.



Pas plus que le blé, le pain ne peut franchir la frontière. Les ordres sont formels et rigoureux.



Mais — malgré l'action néfaste de germanophiles remuants, — les Espagnols sont en grande majorité nos amis, et se comportent comme tels ; nous l'avons toujours soutenu dans ce journal et nous en sommes encore certain malgré les résultats étranges des élections. Dans la province de Guipuzcoa, nombreuses sont les personnalités qui ne craignent pas de manifester leurs sentiments sympathiques et généreux à l'égard de la France, tels M. le gouverneur civil de Saint-Sébastien marquis de Pinafiel, le maire de la capitale guipuzcoane, don Zuaznavar, le maire d'Irun, M. Iruretagoyena et tant d'autres que l'on se trouve toujours disposés à se conduire de façon amicale et chevaleresque envers les Français.



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LEON IRURETAGOYENA
MAIRE IRUN 1918



Et puis, la population des villages frontières d'Espagne est depuis si longtemps habituée à voisiner aimablement avec celles des villages frontière de France que des devoirs de fraternité se sont pour ainsi dire établis entre elles. Les relations sont si étroites qu'indépendamment du pont qui relie Béhobie à Béhobia, l'on voit, entre Hendaye et Irun, trois ponts, voisins à se toucher, symboles de l'union étroite des deux cités.




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PONT INTERNATIONAL BEHOBIA ET BEHOBIE 1918
PAYS BASQUE D'ANTAN



Frontaliers d'Espagne et frontaliers d'Hendaye font un mutuel échange de leurs ressources. Aujourd'hui, que les conséquences de la guerre pèsent lourdement sur les Hendayais, ceux-ci sont heureux de trouver bon accueil sur l'autre rive de la Bidassoa. A charge de revanche, n'est-ce pas ? car nous ne sommes de revue et l'on ne sait pas ce que demain peut réserver à nos bons amis de l'autre rive. Nous ne leur souhaitons pas d'ailleurs de voir s'abattre sur eux un fléau tels que les Boches.



Quand les frontaliers de France n'ont pas de pain ni de farine ce qui leur arrive fréquemment, ou lorsqu'ils veulent goûter un pain plus blanc fait de pur froment, ils n'ont qu'un pont à traverser, à pied ou par le tramway et ils reviennent de chez leurs voisins espagnols avec leur pain et d'autres menues provisions difficiles à trouver chez nous pour le moment. Et c'est ainsi qu'Irun fabrique quotidiennement 2 000 kilos de pain environ en plus de ce qu'il lui faudrait pour sa consommation normale et l'on voit des théories de personnes de tout âge et de tout sexe, revenant d'Espagne avec la petite provision de pain pour la famille. Cela est, comme nous le faisait remarquer un fonctionnaire des douanes espagnoles, contraire au règlement prohibitif qui interdit de sortir du blé ou du pain. Mais, n'est-ce pas, on est Espagnol et non pas Boche. Un Espagnol comprend qu'entre voisins on se rende de menus services ; il n'aurait pas le coeur de refuser son pain blanc à celui qui en est momentanément privé et qui vient l'acheter tandis que les Boches, avec leur muflerie, croient bien spirituel et amusant, sans doute, de photographier ou cinématographier — ce qui est arrivé récemment — les voyageurs chargés de pain. Ces bons Germains, qui mangent à la table de l'Espagne, et ne comprennent rien à la vie sociale oublient que le pain KK est, depuis plus de 3 ans, la pâture de leurs compatriotes d'Allemagne.



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PAIN KK ALLEMAGNE 1918



Donc, n'en déplaise à ces Boches, nos voisins d'Espagne agissent envers nous, sur cette question du pain, comme nous agirions envers eux, comme doivent agir des gens civilisés. Malgré les rigueurs du règlement ils tolèrent que l'on emporte un pain chacun pour la consommation familiale ; ils essaient d'empêcher les abus qui pourraient rendre cette tolérance difficile ou impossible.



Ce que les fonctionnaires espagnols ne peuvent tolérer surtout, et en cela ils ont cent fois raison, c'est qu'on emporte des quantités insolites de pain pour en faire exploitation. Ils n'ignorent pas que des revendeurs, la plupart espagnols, d'ailleurs, écoulent ce pain à Hendaye (où il se vend entre 1 fr. 90 et 2 francs le pain d'un kilo), à Saint-Jean-de-Luz et à Biarritz où il se vend de 3 francs à 4 francs le kilo. Des contrebandiers sont venus fréquemment à Saint-Jean-de-Luz avec plus de 100 kilos de pain, qu'ils vendaient à des prix invraisemblables. Des revendeurs en ont apporté des charretées à Biarritz offrant à certain hôtel de leur en livrer 40 kilos par jour à 4 francs le kilo ou l'écoulant sur la place du Marché à 3 fr. 50, 4 francs ou 4 fr. 50 le pain de 3 livres. Nous avons personnellement entendu des personnalités espagnoles se plaindre de ces pratiques scandaleuses et manifester leur indignation de ce que les trafiquants prétendaient payer, en Espagne, le pain destiné à la France, à des prix considérablement majorés. "Nous n'avons jamais eu qu'un prix, le même pour tous les acheteurs quels qu'ils soient". C'est la pure vérité. Et nos bons voisins apprendront avec satisfaction que les maires de Saint-Jean-de-Luz et de Biarritz ont mis fin par des mesures rigoureuses au trafic intolérable auquel on se livrait. Leur tolérance ne doit profiter qu'à des besoins familiaux et non à des trafics doublement illicites."



A suivre...



(Source : Les cendres de l’ancien maire León Iruretagoyena reposent à Irun, 86 ans après son exil | Euskal Herria | Naiz)








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