On pourrait limiter les jours d'ouverture avec interdiction de la vente du gibier.
Dans la plupart des régions de France où le gibier abonde, la non ouverture de la chasse pour la saison 1939-1940 a soulevé maintes protestations.
De nombreux chasseurs, ici comme ailleurs, s'étaient déjà munis du permis et leur déception s'en trouve d'autant plus cruelle.
Mais disaient les jeunes et ceux qui sont encore demeurés à l'arrière, que c'était-il donc passé il y a 25 ans ?
A ce sujet, un de nos fidèles lecteurs nous a précisément communiqué un article paru dans le Chasseur Français du présent mois. Il ne manquera pas d'intéresser tous les nemrods de notre région :
""Expérience passe science", dit la sagesse des nations. Venue le 2 août 1914, la mobilisation arriva quelques semaines avant l'ouverture de la chasse. Venue le 2 septembre 1939, la mobilisation est arrivée alors que la chasse était déjà ouverte dans quelques départements. Les arrêtés électoraux de clôture étaient même déjà affichés dès avant la fin août.
On ne saurait blâmer cette mesure pendant les premiers mois de la déclaration de guerre ; mais elle ne saurait se prolonger sans que surgissent des inconvénients supérieurs aux avantages."
"Expérience passe science", avons-nous dit dès la première ligne de notre article, et la triste expérience de la guerre 1914-1918 est trop récente, pour que nous ne pensions en tenir compte.
Il ne saurait être question d'interdire la pêche, d'ordonner la fermeture des théâtres, des salles de concerts, des cafés, des cinémas, des boulodromes, des vélodromes, etc.
Au contraire, une circulaire récente — et j'écris à la date du 10 septembre 1939, — invite tous les directeurs de spectacles à s'organiser sans retard. Peut-être, pour l'instant, le besoin impérieux de distractions ne se fait-il pas encore sentir !
Tel ténor bien connu, mobilisé dans mon régiment, que j'ai entendu chanter par une belle nuit d'hiver 1914 dans les tranchées de la Marne, fut rappelé à l'Opéra peu de semaines après.
Pour quelles raisons les chasseurs seraient-ils traités différemment que les pêcheurs et les amateurs de spectacles, de jeux ou de sports ?
Il est, je n'en disconviens pas, des objections de poids au libre exercice de la chasse en temps de guerre ; mais il ne nous serait pas difficile d'en formuler de très logiquement défendable en sens inverse.
La période qui s'ouvrit le 2 août 1914, fut l'âge d'or pour les braconniers non mobilisés des régions à l'arrière du front ; cet heureux temps pour quelques rares bracos, devait se prolonger jusqu'au jour où la multiplication intensive des animaux nuisibles émut les populations rurales.
BRACONNIER 78 HARDRICOURT 1914
A titres divers et à dégâts bien différents, sangliers et lapins pullulèrent. Dans mon département, un incident malheureux déclencha la fin de la trêve cynégétique.
Profitant des loisirs que leur laissait un dimanche, un mari et sa femme se promenaient aux abords d'un village, bien, bien loin du front. Un sanglier furieux les rencontre dans un chemin bas, se précipite sur la femme, la blesse grièvement au ventre, après l'avoir renversée, sous les yeux du mari terrifié. La femme devait guérir après plusieurs mois de souffrance ; mais l'émotion ressentie fut néfaste à son conjoint qui en mourut peu de temps après.
Je tiens ce récit des journaux quotidiens et du jeune poilu qui, en costume de zouave, se mit à la poursuite du pachyderme et fut assez heureux pour l'abattre. Ce jeune homme jouissait à cette date de sa permission de détente dans sa famille et son village natal.
Après ce drame, l'affolement de l'administration ne connut plus de bernes, toutes les assemblées délibérantes protestèrent contre l'interdiction de la chasse, et les autorisations de destruction furent consenties aux porteurs de permis de chasse et aux mobilisés pendant leurs permissions de détente. Le gibier sédentaire : lièvres, perdreaux, était protégé et ne devait pas être chassé. On ne pouvait étendre son terrain de chasse au delà des limites de sa commune.
L'étranger nous expédiait des oiseaux de passage pour alimenter nos marchés, et nous faisions en France, suivant une formule trop constante, figure de... poires, laissant passer cailles, palombes, tourterelles, tous les canards et oiseaux d'eau migrateurs.
L'intérêt de toute une industrie et d'une population qui vit de la chasse : industriels, armuriers, gardes, etc., mérite bien qu'on tienne compte de tout ce qui constitue leurs bénéfices, salaires ou gagne-pain.
Afin de concilier les thèses adverses, celle des protecteurs intégraux et celle des chasseurs, on pourrait limiter le nombre de jours de chasse par semaine, sauf pour les mobilisés en permission, et interdire la vente du gibier.
L'expérience de 1914-1918 guide notre plume ; le signataire peut parler en toute indépendance et en dehors de tout intérêt particulier. Amoché par la guerre 1914-1918, il ne chasse plus ! mais, fanatique du sport cynégétique, il voit dans l'exercice de la chasse un palliatif aux jours de cafard de ses confrères en Saint-Hubert : permissionnaires du front ou non mobilisés de l'arrière, soumis à la dure épreuve d'une guerre effroyable.
Je m'excuse de n'avoir fait qu'effleurer une question dont, je puis le redire, je ne méconnais pas la complexité."
Il est certain que le problème est complexe ; il semble néanmoins qu'on pourrait y apporter une solution qui serait, comme l'indique le signataire de l'article, de limiter le nombre des jours de chasse avec interdiction de la vente du gibier — P. A."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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