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jeudi 15 mai 2025

LE COUVENT DES RÉCOLLETS DE CIBOURE EN LABOURD AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (première partie)

LE COUVENT DES RÉCOLLETS À CIBOURE.


Le couvent des Récollets est un ancien couvent, bâti, en 1611-1613, par les frères mineurs récollets sur une presqu'île, entre le port de Ciboure et celui de Saint-Jean-de-Luz.




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COUVENT DES RECOLLETS CIBOURE
PAYS BASQUE D'ANTAN





Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Bayonne, le 

1er juillet 1934, sous la plume de J.-B. Daranatz :



"Le Couvent des Récollets de Ciboure - Saint-Jean-de-Luz.



Qui ne connaît le Couvent des Récollets, gracieusement assis sur l'îlot qui sépare les villes-soeurs St-Jean-de-Luz et Ciboure, et dédié à Notre-Dame de la Paix ?



Les historiens régionaux lui ont consacré, dans leurs études, des aperçus historiques plus ou moins longs, plus ou moins documentés.



Je dois à la bienveillance de M. le Général Lambrigot de St Jean de Luz l'obligeante communication de quelques pièces d'archives, inédites, sa propriété personnelle ; elles projettent des détails nouveaux sur la fondation et l'histoire de ce Couvent.



Fondation : à St Jean de Luz d'abord, à Ciboure ensuite.



Histoire : péripéties diverses, fort savoureuses, d'un procès survenu entre M. Darreche curé de Ciboure et les PP. Récollets, qui suscita l'intervention tour à tour du Baile et des Jurats luziens, et de tout le clergé des deux villes-soeurs — conflit dirimé en faveur des Pères par sentence du Parlement de Bordeaux. Le Factum produit par eux auprès du Procureur Général à ce sujet est plein de textes et de choses du plus haut intérêt.



Nous donnons intégralement ces diverses pièces, provenant de l'ancien Couvent des Récollets.



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COUVENT ET FONTAINE DES RECOLLETS CIBOURE
PAYS BASQUE D'ANTAN



I. — Fondation du Couvent des récollets de St-Jean-de-Luz et Ciboure en 1611.



La fondation du couvent de St Jean de Luz fut occasionnée par un effet du mauvais préjugé qu'on avoit dans ce temps-là au sujet des sorciers et de leur art.



Voici comment le P. Mathias d'Eliçalde, Recollet, rapporte le fait. Une femme voulant se vanger d'une de ses voisines, son ennemie, l'accusa d'être sorcière. La crédulité des gens du païs avoit rendu cette qualité infâme. La Parentée de l'accusée se crut offensée, chacun prit parti, et les inimitiés eclaterent de toutes parts. Ce païs, frontière de france, et voisin de l'Espagne, étoit républicain ; tout le monde etoit maître, chacun se faisoit justice par soi-même.



Un vieux Religieux Espagnol, nommé Martin Habas, prêchoit avec beaucoup de zele à St Jean de Luz. La calomniatrice fut touchée de ses sermons ; non seulement elle s'avoua coupable de tous les maux qui desoloient ce païs ; mais croyant y remedier par un aveu public, elle chargea le Prédicateur de sa confession publique, lui permettant de la nommer et de l'accuser publiquement.



Le remede fut pire que le mal, ou ne fit que l'augmenter ; on crut que cétoit un artifice du zele, et la méchanceté faisoit naître tous les jours de nouveaux sorciers ; tout le païs de Labourt fut infecté de cette contagion : les Paroisses de St Jean de Luz et de Ciboure étoient plus animées que les autres. Ces deux endroits ne sont séparés que par la Riviere de la Nivelle qui se degorge dans la Mer à la tête des deux Bourgs ; les habitans avoient été de tous temps jaloux les uns des autres ; la plus petite occasion allumoit leur haine réciproque, on en venoit aux voies de fait ; souvent ils avoient dressé des canons les uns contre les autres.



En ce temps-là M. de Gourgues, conseiller au Parlement de Bordeaux et depuis premier President en la même Cour, étoit venu à St Jean de Luz en qualité de commissaire nommé par la reine de Médicis, pour l'Entrée en France et sortie des Maures chassés d'Espagne.



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PORTRAIT DE MARC-ANTOINE DE GOURGUE



Il fut témoin de tous les desordres qui affligeoient le païs de Labour, et voyant qu'ils étoient l'effet de l'ignorance et de la superstition des habitans, il crut qu'un moyen propre à etouffer leurs divisions, etoit d'établir des religieux zélés et capables de les instruire ; il leur en fit la proposition qu'ils acceptèrent, promettant de contribuer de leurs libéralités à la construction d'un couvent, et à l'entretien des religieux ; il leur demanda encore s'ils n'avoient pas quelque affection particulière pour quelque ordre religieux, et ils lui répondirent qu'ils souhaiteroient par preference des religieux de St François. Pour vous satisfaire pleinement, leur dit-il, je vous procurerai des PP. Recollets, qui sont des dignes ouvriers qu'il vous faut, et qui exécuteront tout ce que je vous promets.



En effet ; ayant eu recours aux supérieurs de la Custodie, il obtint 6 religieux qui vinrent à St Jean de Luz ; on leur désigna dabord un emplacement dans le Bourg même de St Jean de Luz, près la fontaine qui est à l'entrée. Monseigneur Bertrand d'Eschaux, Evêque de Bayonne, Premier aumônier du Roy, planta la Croix. Les Matériaux etoient déjà sur la Place, lorsque les Recollets remarquèrent que cette habitation seroit mal-saine à cause des grandes chaleurs et des orages presque continuels. Il y avoit une isle entre les deux Bourgs, sur la riviere de la Nivelle, vers le milieu du Pont. Cet emplacement leur parut plus commode, l'air étant continuellement rafraîchi par les vapeurs de la riviere et de la mer qui environnent l'isle à toutes les Marées, les deux Bourgs forment deux ailes à chaque bout du pont, entre lesquelles on découvre la mer, qui forme une très belle perspective : elle a cependant son incommodité, l'embouchure de la rivière étant quelquefois fermée par les sables que les flots de la mer y poussent, l'eau couvre l'isle, et on la vue dans le couvent jusqu'à trois pieds d'élévation.



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PORTRAIT DE BERTRAND D'ESCHAUD
EVÊQUE DE BAYONNE 1599-1617



Les Recollets demandèrent donc cette isle, qui d'ailleurs ne produisoit rien. Les habitans de St Jean de Luz y plantèrent une Croix. Pendant la ceremonie, ceux de Ciboure étaient asemblés dans leur Eglize paroissiale, où l'on faisoit les obsèques d'un de leurs prêtres ; ils trouvèrent mauvais qu'on eut planté la Croix sans leur participation ; ils vinrent en foule et l'arrachèrent avec grand tumulte, prétendant avoir des droits sur l'isle, aussi bien que ceux de St Jean de Luz. M. de Gourgues se trouva dans le Païs, et pacifia les Esprits, et d'un consentement unanime, la Croix fut plantée pour la seconde fois au milieu de l'isle, le 21 Février 1611.



Le 14 Avril suivant, veille des Rameaux, M.de Gourgues posa la première pierre du Couvent, en presence des habitans des deux Bourgs. On bâtit ensuite l'Eglize, qui fut dédiée à Notre-Dame de la Paix, en mémoire du motif qui avoit occasionné cet établissement. Le succès répondit à l'esperance qu'on avoir conçue. Les deux Bourgs ont toujours conservé la Paix, et les Recollets y ont toujours conservé l'affection des habitans. 



Le Couvent est un des considérables de la Province, il fut augmenté par M. d'Urtubie, qui fit construire un appartement séparé du couvent, derrière le grand autel de l'Eglize, à condition qu'il en jouiroit pendant sa vie. Après sa Mort, les Evêques de Bayonne y venoient passer une partie de l'année. On l'a enfin joint au Couvent par une route, et on en fait des infirmeries.



Le Cardinal Mazarin fit faire dans le cloître une citerne pour procurer de l'eau douce au Couvent, qui n'en pouvoit avoir que par ce moyen ; elle est si bien cimentée, que, quoique elle soit entourée de l'eau de mer, il n'y en est jamais entré une seule goutte ; ce fut dans le temps du mariage de Louis XIV, en 1660, que cet ouvrage fut ordonné.



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MARIAGE LOUIS XIV 9 JUIN 1660 SAINT-JEAN-DE-LUZ
MUSEE GREVIN SAINT-JEAN-DE-LUZ


2. — Copie d'une lettre écrite par Mrs le Baille et Jurats de St-Jean-de-Luz au Provincial des RR. PP. Recollets du même lieu le 29 Avril l'an 1711.



Très Révérend Père,



Nous nous sentons obligés d'écrire à votre reverence, sur un sujet qui ne peut nous etre indifférend : vous savez le procès que votre communauté d'entre ces deux paroisses de St Jean de Luz, fait au Sr Curé de Ciboure pour établir le droit d'enterrer chez eux les corps de ceux qui en mourant l'ont ainsi ordonné par leurs testaments. Ce procès ne regarde pas seulement le Curé de Siboure, mais encore celui de St Jean de Luz et les autres pretres de ces deux paroisses qui sont en grand nombre, et dont la subsistance dépend presque entierement de ce que la pieté de fidelles et les usages du lieu leur donnent à l'occasion des enterrements, honneurs funèbres et anniversaires qui se font dans leurs églises paroissiales : vous ne pouvez pas douter, très Reverend Pere, que ce que demandent vos Religieux de ce couvent ne soit une chose nouvelle et qui n'a point d'exemple depuis cent ans qu'il y a que ce couvent a été bâti. Nous n'entrons point dans les droits que vos constitutions et la pratique des autres villes peuvent vous donner là dessus, quoique nous ayons appris de nos Pères que la principale raison qui leur fit preferer les religieux de votre ordre, fut, que ne faisant point d'enterrement comme la plupart des autres religieux, ils en étoient moins capables de faire tort aux prêtres du lieu, que cette considération fut cause qu'on résista aux premiers désirs du Pere Habas, fondateur de ce couvent qui souhaitta qu'on y fit venir des cordeliers et que le pere n'ayant pu rien gagner de ce côté-là, se fit lui-même Recollet, de cordelier qu'il etoit auparavant. Mais nous n'avons pas besoin d'entrer dans la discussion du droit que vos Religieux peuvent prétendre ailleurs, il suffit que nous soyons très assurés que nos ancêtres en faisant venir ici des Religieux de votre ordre, n'ont pas entendu qu'ils y fissent des enterrements, ou qu'ils n'auroient eu garde de les recevoir, s'ils avoient cru qu'ils eussent demandé une chose si contraire à leur intention, et si préjudiciable aux intérêts de nos Prêtres qui sont tous enfants du lieu et descendants de ceux qui ont bâti votre Couvent. C'est là, très révérend Père, une chose indubitable parmi nous : vos Religieux n'ont été reçus ici qu'à cette condition, et quand il n'y auroit point d'autre titre de cette condition que l'usage constant et invariable où nos Prêtres sont depuis un siecle entier de faire seuls et par exclusion des Religieux tous les enterrements de ces deux paroisses, cela seul devroit suffire pour convaincre tout homme raisonnable de la convention qui fut faite de lors sur ce sujet. Car comment pouvoir s'imaginer autrement que pendant une si longue suite d'années, et parmi tant de milliers des personnes qui sont mortes dans cet intervale il n'y auroit eu aucune qui eut souhaitté de se faire enterrer dans votre couvent, pour lequel nous voyons que le peuple de ce pays a beaucoup de dévotion ? Nous prendrons la liberté de dire à votre Reverance, que cette nouvelle prétention de vos Religieux a scandalisé tous les gens de bien et indisposé leurs meilleurs amis, elle a mis le trouble et l'alarme parmi nous, et nous sommes très fâchés de voir qu'un Couvent qui a été fait pour mettre la paix dans le pays, est à la ville d'etre le sujet d'une guerre d'autant plus mal édifiante et plus dangereuse, qu'elle aura sa source dans le sanctuaire, et pour principaux auteurs des personnes consacrées à Dieu, des prêtres et des Religieux qui ont les uns et les autres beaucoup d'ascendant sur le peuple, et qui sont capables de le remuer beaucoup. Nous ne pouvons nous empecher de craindre les suites d'un tel différend si votre sagesse et votre autorité n'y mettent ordre, et si vos Religieux ne se désistent de ce procès injuste et odieux. Dans cette vue apres nous être assemblés en corps de communauté, nous avons envoyé de part et d'autre des députés à vos Religieux, lesquels ont répondu qu'ayant donné avis de ce qui se passe à votre reverence, ils n'étoient plus les maîtres de révoquer ce qui a été fait, et que ce n'est plus leur affaire mais la vôtre : ils nous ont pourtant promis de vous écrire pour vous donner connoissance de nos députations et de nos Instances, et pour représenter tous les inconvénients que nous leur avons dit devoir infailliblement arriver de la poursuite de ce procez : mais pour ne point vous cacher nos sentiments très révérend Pere, nous vous dirons que ces Religieux, ou du moins ceux qui en sont les chefs, nous sont fort suspects et que nous les tenons pour les principaux moteurs de cette affaire. C'est pourquoi nous avons cru devoir nous l'honneur de nous addresser directement à votre Révérence pour la prier très humblement de ne plus insister à ce procès, et de faire en sorte que tout ce qui s'est fait jusqu'à présent demeure pour non advenu : nous sommes persuadés que les Religieux de notre couvent peuvent se passer d'enterrements, ainsi qu'ils s'en sont passez jusqu'à présent, et que les prêtres ne sauroient vivre sans cela, et nous sommes très assurés d'ailleurs que l'evenement de ce procès, quel qu'il fut, ne sauroit être favrable aux religieux. Il ne paroit pas qu'ils ayent assez considéré toutes choses avant de commancer cette affaire : les conséquences ne peuvent être que très funestes, et la moindre de ces conséquences seroit peut-être le retranchement de la plus grande partie des charités qui se font à votre couvent. Nous croitions nous-mêmes être obligés de nous ressentir, si après toutes les démarches que nous faisons pour etouffer cette affaire dans sa naissance, on s'obstine à la vouloir poursuivre. Nous espérons très Reverend Pere, que vous aurez egard à nos remontrances et que votre prudence prendra les voyes nécessaires pour établir la paix et la tranquilité de ces paroisses. Nous attendons de votre bonté une réponse prompte et conforme à nos souhaits, et nous, dans les occasions, nous ne manquerons pas de vous témoigner nôtre reconnoissnce et la grande vénération avec laquelle nous sommes très Reverend Père, les très humbles et très obéissants serviteurs.


A St jean de Luz 29 Avril 1711. le Baille et Jurats de St-Jean-de-Luz."



A suivre...







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