LE COUVENT DES RÉCOLLETS À CIBOURE.
Le couvent des Récollets est un ancien couvent, bâti, en 1611-1613, par les frères mineurs récollets sur une presqu'île, entre le port de Ciboure et celui de Saint-Jean-de-Luz.
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COUVENT DES RECOLLETS CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Bayonne, le
1er juillet 1934, sous la plume de J.-B. Daranatz :
"Le Couvent des Récollets de Ciboure - Saint-Jean-de-Luz.
Qui ne connaît le Couvent des Récollets, gracieusement assis sur l'îlot qui sépare les villes-soeurs St-Jean-de-Luz et Ciboure, et dédié à Notre-Dame de la Paix ?
Les historiens régionaux lui ont consacré, dans leurs études, des aperçus historiques plus ou moins longs, plus ou moins documentés.
Je dois à la bienveillance de M. le Général Lambrigot de St Jean de Luz l'obligeante communication de quelques pièces d'archives, inédites, sa propriété personnelle ; elles projettent des détails nouveaux sur la fondation et l'histoire de ce Couvent.
Fondation : à St Jean de Luz d'abord, à Ciboure ensuite.
Histoire : péripéties diverses, fort savoureuses, d'un procès survenu entre M. Darreche curé de Ciboure et les PP. Récollets, qui suscita l'intervention tour à tour du Baile et des Jurats luziens, et de tout le clergé des deux villes-soeurs — conflit dirimé en faveur des Pères par sentence du Parlement de Bordeaux. Le Factum produit par eux auprès du Procureur Général à ce sujet est plein de textes et de choses du plus haut intérêt.
Nous donnons intégralement ces diverses pièces, provenant de l'ancien Couvent des Récollets.
COUVENT ET FONTAINE DES RECOLLETS CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN |
I. — Fondation du Couvent des récollets de St-Jean-de-Luz et Ciboure en 1611.
La fondation du couvent de St Jean de Luz fut occasionnée par un effet du mauvais préjugé qu'on avoit dans ce temps-là au sujet des sorciers et de leur art.
Voici comment le P. Mathias d'Eliçalde, Recollet, rapporte le fait. Une femme voulant se vanger d'une de ses voisines, son ennemie, l'accusa d'être sorcière. La crédulité des gens du païs avoit rendu cette qualité infâme. La Parentée de l'accusée se crut offensée, chacun prit parti, et les inimitiés eclaterent de toutes parts. Ce païs, frontière de france, et voisin de l'Espagne, étoit républicain ; tout le monde etoit maître, chacun se faisoit justice par soi-même.
Un vieux Religieux Espagnol, nommé Martin Habas, prêchoit avec beaucoup de zele à St Jean de Luz. La calomniatrice fut touchée de ses sermons ; non seulement elle s'avoua coupable de tous les maux qui desoloient ce païs ; mais croyant y remedier par un aveu public, elle chargea le Prédicateur de sa confession publique, lui permettant de la nommer et de l'accuser publiquement.
Le remede fut pire que le mal, ou ne fit que l'augmenter ; on crut que cétoit un artifice du zele, et la méchanceté faisoit naître tous les jours de nouveaux sorciers ; tout le païs de Labourt fut infecté de cette contagion : les Paroisses de St Jean de Luz et de Ciboure étoient plus animées que les autres. Ces deux endroits ne sont séparés que par la Riviere de la Nivelle qui se degorge dans la Mer à la tête des deux Bourgs ; les habitans avoient été de tous temps jaloux les uns des autres ; la plus petite occasion allumoit leur haine réciproque, on en venoit aux voies de fait ; souvent ils avoient dressé des canons les uns contre les autres.
En ce temps-là M. de Gourgues, conseiller au Parlement de Bordeaux et depuis premier President en la même Cour, étoit venu à St Jean de Luz en qualité de commissaire nommé par la reine de Médicis, pour l'Entrée en France et sortie des Maures chassés d'Espagne.
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PORTRAIT DE MARC-ANTOINE DE GOURGUE |
Il fut témoin de tous les desordres qui affligeoient le païs de Labour, et voyant qu'ils étoient l'effet de l'ignorance et de la superstition des habitans, il crut qu'un moyen propre à etouffer leurs divisions, etoit d'établir des religieux zélés et capables de les instruire ; il leur en fit la proposition qu'ils acceptèrent, promettant de contribuer de leurs libéralités à la construction d'un couvent, et à l'entretien des religieux ; il leur demanda encore s'ils n'avoient pas quelque affection particulière pour quelque ordre religieux, et ils lui répondirent qu'ils souhaiteroient par preference des religieux de St François. Pour vous satisfaire pleinement, leur dit-il, je vous procurerai des PP. Recollets, qui sont des dignes ouvriers qu'il vous faut, et qui exécuteront tout ce que je vous promets.
En effet ; ayant eu recours aux supérieurs de la Custodie, il obtint 6 religieux qui vinrent à St Jean de Luz ; on leur désigna dabord un emplacement dans le Bourg même de St Jean de Luz, près la fontaine qui est à l'entrée. Monseigneur Bertrand d'Eschaux, Evêque de Bayonne, Premier aumônier du Roy, planta la Croix. Les Matériaux etoient déjà sur la Place, lorsque les Recollets remarquèrent que cette habitation seroit mal-saine à cause des grandes chaleurs et des orages presque continuels. Il y avoit une isle entre les deux Bourgs, sur la riviere de la Nivelle, vers le milieu du Pont. Cet emplacement leur parut plus commode, l'air étant continuellement rafraîchi par les vapeurs de la riviere et de la mer qui environnent l'isle à toutes les Marées, les deux Bourgs forment deux ailes à chaque bout du pont, entre lesquelles on découvre la mer, qui forme une très belle perspective : elle a cependant son incommodité, l'embouchure de la rivière étant quelquefois fermée par les sables que les flots de la mer y poussent, l'eau couvre l'isle, et on la vue dans le couvent jusqu'à trois pieds d'élévation.
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PORTRAIT DE BERTRAND D'ESCHAUD EVÊQUE DE BAYONNE 1599-1617 |
Les Recollets demandèrent donc cette isle, qui d'ailleurs ne produisoit rien. Les habitans de St Jean de Luz y plantèrent une Croix. Pendant la ceremonie, ceux de Ciboure étaient asemblés dans leur Eglize paroissiale, où l'on faisoit les obsèques d'un de leurs prêtres ; ils trouvèrent mauvais qu'on eut planté la Croix sans leur participation ; ils vinrent en foule et l'arrachèrent avec grand tumulte, prétendant avoir des droits sur l'isle, aussi bien que ceux de St Jean de Luz. M. de Gourgues se trouva dans le Païs, et pacifia les Esprits, et d'un consentement unanime, la Croix fut plantée pour la seconde fois au milieu de l'isle, le 21 Février 1611.
Le 14 Avril suivant, veille des Rameaux, M.de Gourgues posa la première pierre du Couvent, en presence des habitans des deux Bourgs. On bâtit ensuite l'Eglize, qui fut dédiée à Notre-Dame de la Paix, en mémoire du motif qui avoit occasionné cet établissement. Le succès répondit à l'esperance qu'on avoir conçue. Les deux Bourgs ont toujours conservé la Paix, et les Recollets y ont toujours conservé l'affection des habitans.
Le Couvent est un des considérables de la Province, il fut augmenté par M. d'Urtubie, qui fit construire un appartement séparé du couvent, derrière le grand autel de l'Eglize, à condition qu'il en jouiroit pendant sa vie. Après sa Mort, les Evêques de Bayonne y venoient passer une partie de l'année. On l'a enfin joint au Couvent par une route, et on en fait des infirmeries.
Le Cardinal Mazarin fit faire dans le cloître une citerne pour procurer de l'eau douce au Couvent, qui n'en pouvoit avoir que par ce moyen ; elle est si bien cimentée, que, quoique elle soit entourée de l'eau de mer, il n'y en est jamais entré une seule goutte ; ce fut dans le temps du mariage de Louis XIV, en 1660, que cet ouvrage fut ordonné.
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MARIAGE LOUIS XIV 9 JUIN 1660 SAINT-JEAN-DE-LUZ MUSEE GREVIN SAINT-JEAN-DE-LUZ |
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