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lundi 18 décembre 2023

LETTRES DU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1881 (troisième partie)

AU PAYS BASQUE EN 1881.


Dès la fin du 19ème siècle, de nombreux voyageurs se rendent au Pays Basque et racontent souvent leurs voyages.




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ST JEAN DE LUZ EN 1865
PHOTO DE LADISLAS KONARZEWSKI




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Phare de la  Loire, le 23 septembre 1881 :



"Lettres du Pays Basque.


III.


... Saint-Jean de-Luz, le 21 septembre 1881



Le séjour de Louis XIV n’est pas la seule visite dont Saint-Jean-de-Luz ait été honoré. Louis XI, appelé comme médiateur entre les rois de Castille et d’Aragon, parcourut toute la limite des Pyrénées et fut hébergé par ses amés et loyaux sujets de Saint-Jean-de-Luz ; il les récompensa en érigeant leur port en port franc.



Charles IX, reconduisant la reine d'Espagne, sa sœur, s’arrêta huit jours avec elle à Saint-Jean-de-Luz, tant il y prit plaisir aux danses basques et aux promenades en mer. Mais les archives de la cité conservent un autre souvenir qui contraste singulièrement avec les fêtes de Charles IX et les splendides épousailles de Louis XIV, c’est celui du passage de François 1er.




roi france marignan pavie
PORTRAIT DU ROI FRANCOIS 1ER VERS 1530
PAR JEAN CLOUET



François 1er, au sortir de sa prison de Madrid, fut échangé le samedi 17 mars 1526 sur la rivière d’entre Fontarabie et Hendaye et par bateaux. Il fit une halte de quelques heures à Saint-Jean-de-Luz.



Un repas somptueux y avait été préparé pour François et sa suite. L’histoire nous a même conservé le menu de ce dîner servi à "l’hostel du roy," où, sans compter "la venaison, boucherie et verdurerie," les diverses espèces de poissons de mer apparaissent tour à tour et où l’on remarque la présence de deux cents huitres "en leurs escailles."



N’y a-t-il pas quelque chose de touchant dans l’accueil fait par ces braves citoyens de Saint-Jean à leur roi libéré, comme s’ils eussent voulu le remercier ainsi de n’avoir pas désespéré de la France même après Pavie et de n’avoir voulu acheter sa liberté au prix d’aucune concession qui ne fût digne de lui. Aussi raconte-t-on que, touché de l’effusion de cet accueil. François 1er s’écria : "Je suis donc encore roi de France !"



Mais ce serait s’abuser que de croire que ces passages royaux tournaient toujours au profit de la ville qui en était honorée. Ainsi, pour le mariage de Louis XIV, Saint-Jean-de-Luz contribua pour sa large part au don volontaire de 20 000 livres que la province de Labourd vota "en l’honneur de l’heureux mariage." De plus, la majeure partie des dépenses de logement et d’entretien du roi et des seigneurs, des gentilshommes et des gardes pendant six semaines, fut supportée par la ville et par les particuliers !



Mais Saint-Jean-de-Luz n’est pas seulement intéressante par les souvenirs historiques qu’elle évoque, sa population urbaine et rurale mérite aussi d’être étudiée, pour des visiteurs bretons, l’intérêt est d’autant plus marqué, qu’on y retrouve beaucoup d'analogies avec nos bretons du Bourg de Batz, et surtout avec la race dure et granitique qui peuple encore le pays de Sein, dans le Finistère.



Comme celles du Breton, les origines du Basque sont encore inconnues, et servent du texte à des discussions interminables entre savants. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on ne leur a trouvé aucune communauté entre elles, et encore moins avec les autres langues parlées sur le globe. Etablies aux deux extrémités de la côte occidentale de la France, à la pointe de Bretagne et au fond du golfe de Gascogne, ces deux races se sont conservées jusqu’à nos jours avec leur originalité presque native, et tout en luttant pied à pied contre les invasions de la langue française, et ne lui cédant le terrain qu’avec une lenteur séculaire que le recrutement militaire n’entacha que  faiblement. Etrange spectacle qui n’a d'écho que dans la Cornouaille anglaise, située en face de notre Bretagne et sur le versant opposé des Pyrénées, où l’on rencontre toute une population de basques espagnols parlant, à de très légères différences près, la même langue que nos basques français.



Mats nous ne voulons pas nous appesantir plus longtemps sur ce sujet qui dépasse à la fois les limites d’une lettre et notre compétence, et qui serait bien mieux du domaine de notre collaborateur M. Julien Vinson, un des rares savants qui connaissent le mieux aujourd’hui la langue basque et son histoire.



Contentons-nous de dire que la race basque est à notre avis une des plus nobles que nous connaissions aussi bien au point de vue moral qu’au point de vue physique. Les femmes sont généralement belles, les hommes lestes et bien découplés. Un grand fond d'honnêteté règne dans les campagnes. Le Basque est très aventureux ; quoique son pays soit riche et fertile, il émigre volontiers. Cette soif d'émigration excitée par l’exemple du retour de quelques enrichis, est même devenue une des plaies agricoles du pays où les travaux de la terre manquent de bras.



C’est surtout vers les bords de la Plata que se dirige leur objectif, et les colonies françaises de Buenos-Ayres et de Montevideo, qui sont les plus nombreuses comparativement aux autres nationalités, se composent presque exclusivement de Basques. Si tous n’y font pas fortune, tous y trouvent au moins à vivre et ils y jouissent d’une réputation d’honnêteté des mieux justifiées. Un journal mi-partie rédigé en basque et en français y représente les intérêts de nos compatriotes et constitue par son importance un des principaux organes de la presse argentine.



A propos de journal, j’avais oublié de vous dire que Saint-Jean-de-Luz, comme toute ville de bains qui se respecte, possède un journal qui en est à son neuvième ou dixième numéro. Pourquoi pas, puisque Biarritz en a trois dont un pornographique ?



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CARTE TOPOGRAPHIQUE
BAIE SAINT-JEAN-DE-LUZ CIBOURE


Donc Saint-Jean-de-Luz a son journal, hebdomadaire il est vrai, mais c'est déjà un progrès. Il est intitulé Le Journal de Saint Jean-de-Luz. On dirait volontiers qu’il ne croit pas lui-même à sa longue existence, car l’abonnement est de 1 fr. 50 pour la saison ; quant à la rédaction, c'est tout le monde, s’il faut s’en rapporter à l'annonce en tête du journal où il est dit qu’on acceptera le concours de toute personne de bonne volonté. On peut juger des merveilleux résultats que produit cette collaboration omnibus par l'exemple suivant ; je le découpe dans le journal et je vous l’envoie en original pour que ce témoignage irrécusable me lave d'avance de tout soupçon d’invention.



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LE JOURNAL DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 13 AOÛT 1882



Les fortes marées de ces jours derniers ont détruit en partie l'ancien établissement de bains de Saint-Jean de-Luz ; on a du démolir le reste de peur de le voir également enlevé par la mer.


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PLAGE ET CASINO SAINT-JEAN-DE-LUZ 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN


La feuille-progrès de Saint-Jean-de-Luz exprime ainsi ses doléances :


Nous nous sommes aperçus que des ouvriers enlèvent les cabanes à l’usage des bains froids, comme également les tentes abri de cet établissement, qui a été l'objet de la prospérité de notre cher Saint-Jean-de-Luz, et qui disparaîtra probablement.



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VUE PRISE DE L'ETABLISSEMENT DE BAINS ST JEAN DE LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous affinons en cette circonstance d'être les interprètes des sentiments de nos hôtes les plus fidèles, en exprimant tous les regrets de laisser engloutir à jamais ces lieux de bains où nos ancêtres, nous mêmes et tant et tant d'étrangers ONT et AVONS appris si facilement à nager.



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VUE GENERALE SAINT-JEAN-DE-LUZ 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN


Que n’ont-t-ils appris en même temps à écrire ?"



A suivre...







Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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