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lundi 4 décembre 2023

LES "PROVINCES VASCONGADES" ET LE ROYAUME DE NAVARRE EN 1808 (troisième partie)

LES "PROVINCES VASCONGADAS" ET LE ROYAUME DE NAVARRE EN 1808.


Les "provinces Vascongades" désignent trois territoires du Pays Basque Sud : l'Alava, la Biscaye et le Guipuscoa.




pais vasco antes vascongadas provincias navarra
PROVINCES VASCONGADES ILLUSTREES
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien la Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel, le 8 

octobre 1808 :


"Détails géographiques et statistiques sur les trois provinces dites Vascongades, savoir, de la Guipouscoa, de la Biscaye et de l'Alava, ainsi que sur le royaume de Navarre. — Fin. (Voyez le numéro d'hier.) 



La seigneurie de Biscaye s’étend de l’ouest à l’est, depuis le 14e degré 11 minutes de longitude de l’île de Fer ; et du sud au nord depuis 42 degrés 52 minutes jusqu’à 43 - 28 minutes ; sa surface comprend cent quatre-vingt lieues carrées. Elle est bornée au nord par la mer Cantabrique et les montagnes de Santander, à l’est par la Guipouscoa, ou sud par l'Alava et la Castille, et à l’ouest par cette dernière province. 



La Biscaye compte dans son enceinte une ville, vingt bourgs, soixante-dix ante-iglesias et dix vallées, dans chacune desquelles sont renfermés plusieurs villages. La population totale de la seigneurie est de 112 371 habitants, dont plus de la moitié sont dispersés dans des hameaux isolés.



Le pays est très montueux ; il abonde en carrières de marbre et en mines de fer ; les principales rivières qui l’arrosent, sont le Nerva et le Cadagua, sans compter un très grand nombre d’autres plus petites, presque toutes fort poissonneuses. 



Il y a, dans la Biscaye, 180 usines qui fournissent annuellement 80 000 quintaux de fer. Les mines de ce métal, les plus renommées dans la province, sont celles de Sorromostro.



Les terres de la Biscaye sont en général argileuses ; aussi les cultivateurs font usage de la chaux pour engrais. Cependant presque tout le terrain est de si mauvaise qualité, que ce n'est qu'à force de travail et de dépenses qu’on réussit à le rendre productif. On pourra se former une idée des travaux ruraux des Biscayens, d’après la description abrégée que nous allons en donner. 



Ils commencent par labourer les terres avec la laya, instrument qui ressemble à une fourchette de fer à deux pointes parallèles d’un pied et demi de long, et distantes d’un demi-pied l’une de l'autre. Ces deux pointes s'emmanchent dans une barre transversale, à l’une des extrémités de laquelle vient aboutir un manche de bois qui continue la ligne formée par l’une des pointes. Les laboureurs, au nombre de deux, trois ou plus s'assemblent pour le labourage ; chacun porte deux de ces layas qu’ils fichent dans la terre, grimpant ensuite sur la barre, afin que la laya s’enfonce plus bas. Cela fait, ils ramènent les deux layas en avant et en arrière tout-à-la-fois, et arrachent une grosse motte de terre qu’ils ont soin de retourner ; c'est ce qu'on appelle layar. Derrière eux un homme coupe les grosses racines, ensuite on brise les mottes avec la bêche, et on laisse la terre dans cet état jusqu’au printemps. On y passe alors une herse hérissée de pointes aiguës que traînent des bœufs, et ensuite une autre garnie de plaques en forme de cœur, pour achever de briser et bien retourner les mottes. Si celles-ci ne sont pas encore assez atténuées, on les bat avec des massues de bois. Alors on fait avec la bêche des trous larges et peu profonds, à deux pieds de distance l'un de l’autre, et l'on met dans chacun trois ou quatre graines de maïs avec quelques pépins de courge, ou quelques haricots. On remplit le trou de fumier, et on le recouvre de terre. Peu de jours après que le maïs a poussé, on bêche tout le champ à l’entour des nouvelles plantes ; et, dès que celles-ci ont fleuri, on coupe la partie de la tige au-dessus de l’épi, qu’on fait sécher pour servir de nourriture aux bœufs qui en sont très friands. Le maïs mûrit vers la fin de septembre ou au commencement d'octobre ; on coupe les tiges à ras de terre : les racines, en se pourrissant, deviennent un bon engrais ; les feuilles sont mangées par le bétail, et la tige foulée par celui-ci sert encore d’engrais. La récolte du maïs faite, on sème immédiatement le blé sur le même terrain, sans autre labeur que de le couvrir avec la charrue : l'hiver, on remue légèrement la terre avec de petites bêches étroites et longues, ce qu'ils appellent sallar, et vers le mois de mai ou juin on nettoye les terres des mauvaises herbes qui croissent en abondance. La moisson se fait au mois d'août, et à l'entrée de l'hiver on recommence la série d'opérations que nous venons de décrire. Il n'y a que les meilleures terres et les mieux fumées qui puissent se prêter à cette culture ; on laisse reposer les terres inférieures une année sur trois. 



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LAYAS
MUSEE BASQUE DE BAYONNE



C'est après de si rudes travaux, après des défrichements plus pénibles encore des terres montagneuses, que les Biscayens parviennent à recoller du grain, quoique beaucoup moins qu’il ne leur en faudrait pour suffire a leur consommation. Ils ont aussi d'excellents légumes, et du raisin muscat aussi bon que celui de Frontignan. Malgré la bonté du raisin, le vin qu’on fait en Biscaye est fort mauvais, ce qui est dû à ce que la vendange se fait avant que le raisin ait eu le tems de mûrir, et au peu de soin qu’on met à bien faire le vin ; aussi est-il acide et sans force. Cette négligence des propriétaires des vignes vient de ce que le vin est taxé, et de ce qu’il est défendu d’en vendre à d’autres qu’aux habitants de la commune, dans le territoire de laquelle il a été récolté, de sorte que le propriétaire n’a aucun intérêt à l’améliorer. Cependant le vin du pays ne suffit pas à beaucoup près aux habitants qui en tirent annuellement 200 000 cantaros de la Rioja. 



Les Biscayens cultivent avec soin plusieurs arbres fruitiers, leurs pommes sont excellentes ; ils en font de très bon cidre, et il paraît qu'ils en faisaient jadis en bien plus grande quantité. Les cerisiers s'élèvent, en Biscaye, à la hauteur des ormeaux ; les marronniers produisent de très bons marrons, que les Hambourgeois exportent pour les vendre en Allemagne. Les poires doyennées, beurrées, bergamotes et de bon chrétien, sont aussi savoureuses que communes ; les figues sont bien plus douces et meilleures que ne semblerait le comporter la situation trop septentrionale de cette province. Le bois est extrêmement abondant, et les Biscayens s'entendent fort bien à l'aménagement des forêts. 



Les habitants de la côte s'adonnent beaucoup à la pêche, et le poisson de la mer adjacente à cette province et à la Guipouscoa est le meilleur de l'Espagne. 



Les moeurs des Biscayens sont à peu près les mêmes que celles des Guipouscoans ; ils sont gais et polis, mais d’un entêtement au-dessus de toute exagération, et qui est devenu proverbial en Espagne, où l’on dit : entêté comme un Biscayen. Les femmes aident les hommes dans leurs plus rudes travaux, et l'on voit fréquemment des dames du plus haut rang grimper lestement des rochers escarpés, qui effraieraient l’homme le plus intrépide, élevé dans des pays de plaine. 



La Biscaye se divise en terre haute et terre de plaine, ou Infanzonado ; ce dernier, qui forme la plus riche et la meilleure portion de la province, se sous-divise en cinq mairies : Uribe, Busturia, Arratia, Bedia et Marquina. 



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VUE PARTIELLE DE MARQUINA BISCAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Uribe, la plus considérable de toutes, comprend dans sa juridiction trente-deux ante-iglesias, ou républiques, ayant voix dans l’assemblée générale ; Busturia en contient vingt-six, Arratia sept, Bedia une, et Marquina deux ; total, soixante-huit. Les treize autres forment la montagne ou terre haute, et les encartaciones



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ARRATIA - ARANZAZU BISCAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Bilbao, la commune la plus populeuse, la plus riche et la plus commerçante de Biscaye, n’a que le titre de bourg. On y compte six cent cinquante maisons, habitées par huit mille cent sept personnes, elles sont hautes, élégamment et solidement bâties. Des aqueducs conduisent l’eau de la rivière dans les plus hautes parties du bourg ; on la lâche pour laver et rafraîchir les rues, qu’on a soin d’entretenir toujours très propres. Le pavé est d’autant mieux entretenu, que les voitures de luxe sont interdites dans l'intérieur du bourg. 



Le climat, quoique humide, est extrêmement sain ; la viande de boucherie, le gibier et le poisson, d'un goût très délicat. 



Bilbao a quatre paroisses, trois couvents de religieuses, une chapelle, et deux hospices. Ce bourg est le lieu où réside le corrégidor de Biscaye. 



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CARTE DE BILBAO BISCAYE 1811
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les autres bourgs de la Biscaye sont Munguia, Miravalles, Plencia, Bermeo, Durango, Guernica, Guericaiz, Marquina, Elorrio, Errigoytia, Hernani, Lanestosa, Larrabezua, Lequeitio, Ochandiano, Ondarrua, Valmaseda et Villaro. La seule ville de la province est Ordugna, située à six lieues au sud de Bilbao, et arrosée par le Nerva. On récolte dans le terrain de sa juridiction quatre mille huit cents fanegues de froment, mille quatre de maïs, deux cent cinquante d’orge, cent cinquante de légumes, et six mille cinq cents cantaros de vin. Ce qui peut donner une idée des progrès que fait la richesse dans cette ville, surtout depuis qu'on a construit la grande route de Bilbao, c’est que la douane qui, avant 1772, ne rendait au fisc que 325 000 fr. par cinq ans, rend à présent 1 125 000 fr. par an. 



Les fueros, ou recueil des lois qui régissent aujourd'hui la province de Biscaye, furent rédigés sous le règne de Charles V, et de sa mère Jeanne-la-Folle. Les Biscayens sont attachés à ces lois avec la constance qui est en eux caractéristique ; constance d’autant plus louable dans ce cas, que c’est aux exemptions qu'ils tiennent de leurs privilèges, que la province doit la prospérité toujours croissante dont elle jouit. Sans les franchises de ces provinces, la Biscaye et la Guipouscoa seraient le séjour des ours et des autres bêtes fauves ; c’est à la liberté qu’elles doivent tout, jusqu’à leur population. Le voyageur qui les parcourt est aussi charmé qu’étonné de découvrir, au milieu des sites les plus sauvages, des rochers taillés à pic, une maison élégante ; d'entendre le bruit de l’enclume et les chants de l'homme se mêler au fracas des torrents qui se précipitent des montagnes ; de voir des prairies verdoyantes, des champs ensemencés de blé, dans des endroits dont la nature semblait avoir fait le domaine exclusif des bruyères. J'étais bien jeune quand je visitai ces provinces ; je ne fis que les parcourir très rapidement ; mais il m'est impossible d’exprimer le sentiment profond de satisfaction et de douleur à la fois que j’éprouvai en contemplant le bonheur qui se peignait dans la visage des habitants, en voyant  leur active industrie, l’abondance des marchés, la propreté des villes, la beauté des routes, et en comparant tous ces symptômes d'aisance avec les mines hâves des Castillans que je venais de quitter, leur tristesse concentrée que prennent pour de la gravité ceux qui ne savent pas quelle est leur misère, le manque absolu de tout dans leurs marchés, le délabrement de leurs maisons, tous les signes, en un mot, de l’indigence..."



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CARTE BISCAYE 1762
PAYS BASQUE D'ANTAN



A suivre...



(Source : Layas (musee-basque.com))



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