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lundi 11 décembre 2023

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE LE 11 NOVEMBRE 1924 (deuxième partie)

 

L'INAUGURATION DU MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE LE 11 NOVEMBRE 1924.


Dès 1920, est lancée, avec un grand succès, une souscription publique pour la construction du monument aux morts de Bayonne.




pays basque autrefois labourd monument morts
INAUGURATION MONUMENT AUX MORTS BAYONNE 
11 NOVEMBRE 1924


23 dossiers furent présentés à la Mairie de Bayonne et c'est le projet des architectes Molinié-Nicod et Pouthier, associés au sculpteur Brasseur, qui fut choisi.




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SCULPTEUR LUCIEN BRASSEUR

L'édifice fut construit en 1923 sur l'esplanade des Glacis, adossé aux remparts et inauguré le 11 novembre 1924.



Voici ce que rapporta au sujet de cette inauguration la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays 

basque, le 12 novembre 1924 :



"Le Monument aux Morts de la Guerre a été inauguré hier à Bayonne.


... La Cérémonie de l'Inauguration


Les discours.


Les discours, ainsi qu’on l’a lu à notre première page étaient au nombre de sept. Les hauts parleurs en ont apporté le texte fidèle aux oreilles de la foule. Ils ont produit une profonde impression, particulièrement ceux de M. Ramond, président de l’Union des Anciens combattants et de M. Mireur, préfet des Basses-Pyrénées



Discours de M. Castagnet.


C’est M. Castagnet qui a pris le premier la parole. 



Après avoir rappelé l’allégresse que souleva l’armistice le 11 novembre 1918, il dit l'infinie reconnaissance de la cité pour les parents éplorés et pour les victimes de la guerre et il poursuit ainsi : 


En ce jour commémoratif, notre pensée ne peut s’empêcher de se porter vers les dépouilles des combattants qui reposent dans nos cimetières où nous avons voulu leur donner, au nom de la collectivité, une sépulture digne de leur sacrifice. Dans ces lieux de repos que chacun de nous visite pour se recueillir et puiser dans le souvenir des disparus les résolutions viriles qui guident nos consciences, la place des combattants tombés au Champ d’Honneur est marquée pour toujours. Ces champs de pierres tombales toujours fleuries, même pour ceux qui y reposent sans avoir laissé de famille par les pieuses marraines de l'Union des Combattants, avec comme emblème commun une palme et un casque, attestent par la grandeur de leur simplicité que le souvenir des morts glorieux de la Grande Guerre, ne disparaîtra jamais dans ces lieux que notre culte des êtres disparus, a rendu sacrés. 



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MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A cette sépulture nous avons voulu joindre un monument public rappelant sans cesse à nos yeux, dans tous nos actes de la vie quotidienne, les grands et graves devoirs que nous impose le sacrifice des enfants de Bayonne que nous glorifions. L'emplacement choisi sur ce vieux rempart de la défense, de notre ville marque bien que la guerre que nous avons subie n’avait qu'un but : la défense du sol sacré de la France. Placé dans ce cadre magnifique de fortifications militaires qui enchâssent notre cité d’une si belle parure, nous avons voulu que ce monument, dont l’harmonie si heureusement inspirée fait le plus grand honneur aux artistes qui l’ont conçu, vienne ajouter à la beauté de Bayonne


Pour symboliser la guerre, que pouvait-on faire de mieux que représenter celui qui en fut le héros magnifique : le simple poilu dans une attitude de froide résignation. Le statuaire a magnifiquement rendu l’expression de ce combattant qui a vécu d’un état surhumain qui fut un morceau de terre armée, doué d'une âme, un morceau de terre souffrante et pensante. Dans son regard, qui fixe devant lui le danger, résolument et sans peur, ne sent-on pas l’obsession de cette autre figure toujours présente à ses yeux, de la paix, de toutes les douceurs du travail et du foyer. Mais cette image n’altère en rien sa virile résolution d’accomplir le devoir jusqu'au bout, et tout dans son attitude exprime ces simples mots résumant la grandeur de sa noble tâche : "On ne passe pas !" A gauche du Monument, ce laboureur qui vient de creuser son sillon dans la terre douloureuse, cette terre qu’il a fallu défendre au prix de tant de sang, nous représente "la Paix dans le Travail". Son oeuvre achevée, le poilu de la paix, appuyé sur ses bœufs, songe : sa figure n'a pas l'expression de résignation douloureuse de celui qui fut le combattant de la guerre, mais elle n’exprime pas non plus la douce béatitude à laquelle pourrait se complaire son égoïsme. Il pense à celui qui, par son sacrifice, lui permet de jouir des bienfaits de la paix ; cette image, il ne l’oublie pas, il ne peut l’oublier. Elle est l’évocation permanente des devoirs douloureux qu’une humanité féroce dans ses desseins exige de ceux qui désirent la paix, que les peuples de proie viennent, hélas ! toujours troubler. Si son regard plane au loin, pour essayer de voir poindre l'aube des temps nouveaux qui fera fuir le spectre de la guerre, il n’en demeure pas moins fixé vers ce poilu qui lui dicte les devoirs qu'il faut savoir s’imposer en attendant une ère nouvelle et, comme lui, il est prêt à s’opposer, dans la même attitude, contre tous ceux qui voudraient venir lui arracher le sol auquel il est attaché. 



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MONUMENT AUX MORTS DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Entre ces deux groupes symboliques, une ligne d’horizon : c’est la terre, la bonne et si douce terre de France d’où s’exhalent comme en une montée vers l’infini tous ces noms impérissables pour Bayonne qui nous crient : "A vous il appartient de reprendre nos tâches anéanties avec le double devoir d'être non seulement ce que vous devez être, mais aussi ce que nous, disparus, n'avons pu devenir !" 


Ce Monument, que la population de Bayonne, dans une pieuse pensée, a voulu élever à la mémoire de ses enfants morts pour la Patrie, s'ajoute à ceux qui rappellent déjà dans notre ville d'autres sublimes sacrifices, comme le monument de 1814 et la plaque commémorative du siège de 1523. Pour donner à toutes ces pierres du souvenir leur véritable signification, n’est-ce pas le moment de rappeler les paroles que nous prononcions dernièrement dans une cérémonie analogue : "Que seuls peuvent garder leur indépendance et leur liberté les peuples qui ont pour les soutenir une grande force morale. Encore celle-ci ne peut-elle prendre naissance que dans un sentiment national toujours vivace, puisant sans cesse son inspiration dans le culte du sacrifice de nos ainés."



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MONUMENT COMMEMORATIF 1814 BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


M. Castagnet a terminé par un salut au drapeau du 49e, "enlevé, a-t-il dit, à notre chère affection", mais revenu aujourd’hui pour un suprême hommage, et un salut encore aux familles en deuil. 



Discours de M. Ramond



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UNION NATIONALE DES COMBATTANTS



Vient ensuite M. Ramond, président de l’Union des Anciens combattants qui s’avance pour prononcer un discours qui va faire couler bien des larmes. Il remercie ceux qui ont voulu perpétuer la mémoire de ces vaillants, couchés dans le cimetière de Bayonne, ou sur une terre inconnue ou encore roulés par la vague. Il dit : 


Ce monument, élevé à leur gloire, est bien tel qu’ils l’avaient envisagé. 


Héros pacifiques, arrachés à leurs travaux par la plus injuste agression, ils étaient restés simples, et, s’ils faisaient la guerre, c’était moins pour la gloire qu'elle réserve aux vainqueurs, que pour défendre une liberté qu'ils sentaient menacée.  


Et ils la firent en Bayonnais qu'ils étaient, c'est-à-dire simplement, sans vaine forfanterie, et, quand des voix s'élevaient qui disaient l'admiration de notre cité pour leurs héroïques exploits, ils les écoutaient avec une bonhomie souriante, et, si ces timides avaient osé, ils se seraient excusés de tant de gloire. 


Partout ils s'illustrèrent. 


A Craonne et Givenchy. A la Ferme Beau-Séjour et Verdun. Sur la Somme et à Courcelles. Ils marquèrent de leur sang les étapes de notre victoire. 




première guerre mondiale marne
RAVIN ET FERME BEAUSEJOUR 51 MARNE
PREMIERE GUERRE MONDIALE


Et si leur gloire est si grande et si pure, c’est autant par leurs exploits que par le sacrifice virilement consenti d’une vie offerte à la Patrie pour qu'elle vive et subsiste libre, grande et respectée. 


Mortels, en effet, ils ne voulaient pas mourir ; 


Français et patriotes, ils allaient à la mort pour que la France reste libre, et pour que vous viviez  en paix. 


Ils sont donc tombés pour vous et en pensant à vous. 


Revoyons-les une dernière fois la veille de ces jours de bataille, dans cette tranchée d’où ils vont sortir au matin pour reprendre sur l'envahisseur une partie de ce territoire souillé de sa présence. 


Celui-ci charge un ami, à qui il croit plus de chance, de son dernier souvenir pour ceux qu’il aime. 


Cet autre termine en hâte une lettre qu’on trouvera sur son corps meurtri, et portera ses dernières pensées aux êtres chers qui pleurent à son foyer. 


Cet autre encore, essuie furtivement une larme, déboutonne sa capote, en tire une photographie maculée de sang et de boue, et adresse un dernier sourire au groupe familial qu'il ne reverra plus. 


Ceux-là, enfin, parmi lesquels il en était qui s’étaient déshabitués de prier, demandaient à un camarade prêtre les consolations suprêmes réservées à ceux à qui Dieu accorde la grâce de croire à un monde meilleur. 


Dès lors ils étaient prêts. 


Quand la mort vint les prendre, ils l’attendaient. 


Ils ne défaillirent point. 


Tous furent sublimes dans leur sacrifice. 


C'est Louis Labadie ; il est cité un des premiers, en septembre 1914, pour avoir, comme volontaire, été chercher des camarades blessés devant les lignes allemandes. 




première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE JEAN-LOUIS LABADIE



Et il n'en a rien dit à ses parents. Ceux-ci l’apprennent six mois après par un de ses camarades venu du front, et lui en font le reproche. 


Il s’en excuse alors dans une lettre touchante dans sa simplicité et qu’on souhaiterait voir insérée dans le livre d’or des enfants de Bayonne morts pour la France. 


Il n'a rien dit. Parce qu'il ne voulait pas que sa mère s’exagérât les dangers qu’il court. 


Il calme ses craintes. Déclare qu’il n'a rien fait que d'autres m’auraient fait. Cité, il s’étonne que des camarades désignés d’office, faute d'autres volontaires, pour remplir la même mission, ne l'aient pas été en même temps que lui. 


C'est Charles Roquebert qui, affecté à un régiment territorial, demande à être versé dans un régiment actif, et menace, si satisfaction ne lui est pas donnée, de se considérer comme victime d’une injustice. 


première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE JEAN-CHARLES ROQUEBERT


Lui aussi, comme Labadie, meurt glorieusement à Verdun et ses dernières paroles sont pour que la France vive. 


De même encore, Suzanne, Mialet, Hiquet, Arne et Elichagaray, enfants du peuple. 



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FICHE MILITAIRE DE JEAN BAPTISTE ARNE


Arne qui, blessé au pied, apprend que sa section part à l'attaque, chausse une sandale, quitte le poste de secours, rejoint ses hommes et tombe le premier. 


Elichagaray cinq fois cité avant de mourir. Et aussi Chalon, le Grand Chalon, dont je me rappelle la joyeuse physionomie, le regard clair, la rude franchise. 



première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE D'ALPHONSE ELICHAGARAY




première guerre mondiale labourd mort pays basque 1914 1918
FICHE MILITAIRE DE LOUIS ALFRED CHALON




Chargé de faire une reconnaissance avec sa compagnie, il ne se dissimule pas les dangers de la périlleuse mission qui lui incombe. Il met ses papiers en ordre. Les remet à son ordonnance et le charge de les faire parvenir à sa famille.  


Entouré d'ennemis, sommé de se rendre, il répond d'un mot français qui n’a son équivalent dans aucune autre langue et tombe. 


Les Allemands ont fait mettre sur sa tombe : 

"Ici repose un vaillant officier Français". 


Ils furent tous ainsi les Bayonnais dont nous lisons aujourd’hui les noms sur ce monument. Chacun d’eux a écrit dans l’histoire de la cité une page glorieuse. 


Inclinons-nous devant eux. 


Vous qui les aimiez, cessez de pleurer et dites avec le père de l'un deux : "Mon fils je ne le pleure pas comme un mort, je le prie comme un saint."



A suivre...



(Source : Archives des Pyrénées-Atlantiques - Béarn Pays basque (le64.fr))







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