LA RÉOUVERTURE DU MUSÉE BASQUE EN 1940.
Après sa fermeture, le 4 septembre 1939, le Musée Basque et de l'histoire de Bayonne est transformé en Foyer du soldat en avril 1940.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Jour, le 28 avril 1940 :
"On a dansé le fandango et servi 50 000 chocolats.
Quand le vieux musée du pays Basque accueille nos soldats.
(De notre envoyé spécial André Aumont).
Bayonne, 27 avril.
Tous les Parisiens ont vu, à un moment quelconque de leurs voyages, ce délicieux musée Basque, qui est, dans la rose et claire ville de Bayonne, le chef-d'œuvre de tous les musées de nos provinces...
C’est le 4 septembre que le musée ferma, parce qu'il était impossible désormais d’attendre des touristes ; et que parler du mouvement touristique en France devient de plus en plus difficile. Mais il faut ne pas connaître les Basques, ni les Béarnais, ni les habitants de Bayonne en général pour croire qu'ils allaient se décourager. Ainsi ont-ils ouvert aux Français armés la vieille maison, le bel ancien couvent du quai Galuperie...
Et nous voulons vous en parler parce que c’est un bel exemple de débrouille et d'audace ainsi que d'intelligence, mis au service de la France.
Tout d’abord, il fallait ranger tous les objets du musée, les livres rares, les faïences ; et il fallut en faire l'inventaire, car on ne peut pas mettre un musée en piles, n'importe comment. Comme il était peu probable qu'il fût bombardé, — et l'on voit là un bon sens charmant exempt d’exagération méridionale — les protections contre le feu du ciel ne furent pas aussi nécessaires que pour les vitraux de la trop belle cathédrale de Chartres, par exemple. Mais enfin, civils et militaires se changèrent avec énergie de mettre en ordre les trésors du musée, qu'il avait fallu tant de patience et d’amour pour accumuler, puis les réserves de la Société des sciences, des lettres et des arts.
Et tout le monde se mit au travail.
Il fallut même d’abord déranger le Syndicat de reboisement du pays Basque, mais chacun était décidé à aider son voisin. Ainsi sera sauvé pour l'avenir ce musée Basque, une merveille qu'il ne faut pas négliger, une oeuvre vivante, agissante et qui a maintenu la plus tenace, la plus ardente de nos races françaises dans le respect de son admirable passé.
AFFICHE MUSEE BASQUE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans ce décor inattendu...
Restait à créer le Foyer du soldat dans ce décor inattendu, entre les chisteras, les toiles à bœufs, les outils rustiques.
FOYER DU SOLDAT MUSEE BASQUE 1940 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mme la Maréchale Pétain elle-même, de Biarritz, y apporta son concours. Et quinze jours après, la fanfare des chasseurs pyrénéens se faisait entendre sur le quai des Corsaires. La Sidi-Brahim, qui éveille d’un chant de défi brutal et fier les routes du front résonnait au bord de ce quai où règne une lumière unique dans sa limpidité.
SIDI-BRAHIM ou LE CHANT DES CHASSEURS |
Le fandango.
Puis, les fanfaristes dansèrent, et, comme ils étaient pyrénéens, ils dansèrent un fandango. Le Foyer était fondé. Vous serez peut-être dans l’admiration de savoir que le nombre des entrées a dépassé 95 000 depuis lors — et que si un premier chocolat a été servi aux invités à l’occasion de la soirée, il a été suivi de 47 000 autres chocolats depuis cette époque, sans compter 62 000 consommations. Le Basque, qui aime tant boire à la gourde en l’élevant au-dessus de ses lèvres, est, au Foyer basque bien chez lui.
BUVEUR AU CHAHAKOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et les autres Français y apprennent à le connaître.
Le cadre du musée est à peine changé. La cuisine existait déjà, parce qu’il y avait une chocolaterie. La bibliothèque a plus de 1 000 volumes. La pièce jadis consacrée au pays Basque français est maintenant une salle de lecture, et il faut connaître les Bayonnais pour savoir qu’on n'y trouve point de sottises.
J’ai toujours été dans l’admiration de Bayonne, l’une des villes les plus intelligentes de France ; on y trouve quantité de cerveaux qui ne seraient pas déplacés à Paris ; que dis-je ? qui sont très supérieurs aux Parisiens par le goût de la méditation, parce qu’ils ont le temps de lire, et qu’ils vous entretiennent de lectures à l’énoncé desquelles un Parisien est stupéfait.
Trop de gens à Paris parcourent un quotidien, puis confondent les âneries de la radio avec une berceuse ou un bruit de fond.
AFFICHE MUSEE BASQUE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Conférences et chocolat.
Des conférences, pour combattre la propagande ennemie, des distractions, des chocolats et des repas réconfortants — la tasse de thé coûte 40 centimes, le café 60, le chocolat 75 avec une tranche de pain — tout cela, ainsi que la feuille de papier à écrire et son enveloppe offertes au soldat pour 10 centimes, est apporté par les femmes du pays Basque, dont vous connaissez la dignité tranquille. Entièrement bénévoles, elles arborent un voile, une blouse bleu de lin, ainsi qu'un tablier blanc aux armes du pays Basque français.
Eh bien ! Je trouve cela très joli. Et le fait même que des visages bruns et coloniaux se mêlent, dans la vieille chocolaterie, aux rudes visages paysans des montagnes coiffées de nuages, cela me prouve sans doute que la France est une.
AFFICHE MUSEE BASQUE DE BAYONNE ILLUST RAOUL SERRES |
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